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Les parlementaires s’inquiètent du risque « d’instabilité avec un grand I » à Paris


Beaucoup attendaient ce lundi une annonce de l’Élysée sur un nouveau Premier ministre. Emmanuel Macron a finalement choisi de ne pas choisir, écartant seulement l’hypothèse d’un gouvernement uniquement soutenu par la majorité relative de gauche. Chez les parlementaires polynésiens, le blocage institutionnel qui pourrait durer inquiète, interroge voire agace, d’autant qu’il risque de restreindre les débats budgétaires, notamment en ce qui concerne l’Outre-mer. 

Même à 16 000 kilomètres, ils suivent « heure par heure » les tractations parisiennes. Les parlementaires polynésiens, tous au fenua ces jours-ci mis à part Moerani Frebault, attendaient, ce lundi matin, comme tous les élus nationaux, les annonces de l’Élysée, qui mettaient fin à une série de consultations des chefs de file politiques et présidents d’institution. Le but ? Nommer un Premier ministre à même de former un nouveau gouvernement de plein exercice pour remplacer l’exécutif de Gabriel Attal, qui ne gère plus que les affaires courantes depuis début juillet. L’annonce n’a pas eu lieu : Emmanuel Macron a choisi de relancer un cycle de rencontres. Et a seulement expliqué, par voie de communiqué ce matin, qu’il écartait, au nom de la « stabilité institutionnelle » et du trop gros risque de censure, l’idée d’un gouvernement uniquement basé sur les partis du Nouveau Front populaire (NFP), alliance de gauche qui dispose d’une maigre majorité relative à l’Assemblée nationale.

Un « entêtement » coupable pour Mereana Reid-Arbelot 

C’est bien sûr dans les rangs du NFP que l’annonce a fait le plus réagir, à Paris comme à Tahiti. « Je suis plutôt surprise de cet entêtement du président du Président de la République à ne pas reconnaitre le groupe qui est arrivé en tête à l’Assemblée nationale », commente Mereana Reid-Arbelot, dont le groupe GDR, composé d’élus communistes et ultramarins, fait partie du bloc NFP. Pour l’élue l’argument de l’instabilité ne tient pas, puisqu’un nouveau gouvernement ne serait quoiqu’il arrive soumis à une éventuelle censure du Palais Bourbon qu’après avoir présenté ses premiers textes budgétaires en octobre. La position d’Emmanuel Macron est pour elle d’autant plus incompréhensible que, du fait des appels à faire barrage à l’extrême-droite lors du deuxième tour des législatives les 6 et 7 juillet derniers, « beaucoup de parlementaires du groupe du chef de l’État ont été élus avec des voix du NFP voire des Insoumis, et vice-versa. »

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Teva Rohfritsch : « J’ai l’impression qu’on a sauté une étape »

Mais l’annonce a aussi surpris chez les soutiens du président de la République. Comme Teva Rohfritsch, membre du groupe RDPI, qui représente son mouvement au Sénat. Le Polynésien se dit « atterré » de l’évolution de la situation, certes « complexe » vu l’absence de majorité franche à l’Assemblée. « Mais je fais partie de ceux, au sein de mon groupe, qui disent qu’il faut tirer le bilan de ces consultations. Moi celui que j’en tire, c’est qu’il n’y a pas de front républicain qui se dégage au centre, pas d’accord à droite, et donc dans ce cadre-là, il faut nommer quelqu’un issu du groupe politique le plus nombreux, et puis laisser ensuite la responsabilité aux députés le soin de censurer ou pas, détaille l’élu autonomiste. J’ai l’impression qu’on a sauté une étape, là. (…) Moi je n’ai pas voté Nouveau Front populaire, mais ils sont les plus nombreux aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Après s’ils n’ont pas de majorité et qu’ils ne peuvent pas gouverner, ce sera à l’Assemblée nationale de prendre ses responsabilités ».

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Pour le Polynésien qui a « fait part » de son opinion au groupe RDPI, ça n’est qu’après, « en cas de censure du gouvernement », qu’Emmanuel Macron pourra « reprendre la main » et éventuellement proposer lui-même une personnalité capable de réunir un gouvernement de coalition.

« On se retrouve sans textes et sans interlocuteurs », s’inquiète Nicole Sanquer

Ça n’est donc pas la stratégie choisie par Emmanuel Macron, qui dit vouloir s’assurer de la stabilité du gouvernement avant toute nomination. Si de nouvelles consultations sont prévues cette semaine, certains craignent donc que le blocage perdure. Et qu’il pèse un peu plus, cinquante jours après le deuxième tour des législatives anticipées, sur le fonctionnement des institutions. Car avec un exécutif d’affaires courantes, impossible d’avancer sur les sujets de fond défendus par les parlementaires. Retraites des fonctionnaires, soutien de l’État au pouvoir d’achat, aux investissements, éducation, dossier nucléaire, logement, évolutions statutaires… Tous les débats qui impliquent Paris sont à l’arrêt. « On l’a constaté quand la ministre des Outre-mer est venue en mission ici, nous n’avons pas vraiment abordé les sujets parce qu’elle fait partie d’un gouvernement démissionnaire », note la député Nicole Sanquer, inquiète, comme son collègue du Sénat, de voir le calendrier défiler. « On sait que la session budgétaire arrive. Sur quels budgets va-t-on travailler ? C’est une problématique évidemment pour les députés de ne pas avoir ni de textes, ni de projet de budget, ni d’interlocuteurs à Paris ».

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Si tous disent « travailler leurs dossiers », les parlementaires sont réduits à attendre les annonces, en suivant tout de même de près les tractations. Les représentants du groupe Liot de Nicole Sanquer, comme d’ailleurs ceux du groupe Ensemble pour la République de Moerani Frebault et du groupe GDR de Mereana Reid-Arbelot, ont ainsi été reçus à l’Élysée pour exprimer leur vision de la situation et leurs intentions suivant les nominations. Liot, groupe centriste et qui était un groupe pivot ces deux dernières années, pour trouver des majorités au Palais Bourbon, aurait par exemple précisé qu’il jugerait tout nouveau gouvernement sur les actes et les textes proposés plutôt que de donner un « soutien aveugle » ou une censure d’avance. « Nous ne sommes que 22, mais toutes les voix de l’Assemblée nationale compteront, reprend Nicole Sanquer, surtout pour l’examen du projet de loi de Finances 2025. »

Lana Tetuanui : « C’est grave ce qui est en train de se passer »

C’est aussi vers ce « document important » que porte le regard de Lana Tetuanui, toujours dans le groupe Tapura à Tarahoi malgré son annonce de démission il y a deux mois, et apparentée, pour ce qui est de son mandat de sénatrice, au groupe Union Centriste. « Les arbitrages, les auditions par rapport à tous les ministères débutent dans les premiers jours de septembre. On frôle la limite du droit qui est donné aux parlementaires, et qui est inscrit dans la Constitution, de pouvoir échanger sur ce document important », note la sénatrice autonomiste. Ça devient extrêmement urgent aujourd’hui qu’il y ait un Premier ministre nommé qui va organiser son gouvernement pour pouvoir venir débattre avec les parlementaires. C’est grave ce qui est en train de se passer en France. »

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Teva Rohfritsch aussi s’inquiète du calendrier budgétaire qui défile, avec peut-être un moindre niveau de gravité. « On est quand même à la limite de l’empressement », commente le sénateur, qui craint plus largement la « perte de sérénité à Paris ». « Ça n’est pas de bon augure pour nos sujets à nous, continue-t-il. Comme souvent les Outre-mer sont traités à la fin. Et si les délais se pressent, je ne souhaite pas qu’on soit les derniers du rang à pouvoir porter nos projets et se faire entendre à Paris. »

Pas question pour lui, comme pour ses collègues autonomistes, de rejeter toute la faute de ce blocage institutionnel sur Emmanuel Macron. « La situation est assez inédite, reprend Lana Tetuanui. Les partis de gauche ont la légitimité de proposer le nom d’un Premier ministre, sauf que dans ce groupe de la gauche, il y a des extrémistes, pour ne pas citer la France Insoumise. » La présence – avec 72 élus sur 182 – de LFI dans ce Nouveau Front Populaire est effectivement l’argument mis en avant, à droite et chez les soutiens du chef de l’État, pour refuser un gouvernement qui en serait issu. « Le président de la République est au pied du mur aujourd’hui, continue l’élue des Raromatai. Il faut qu’il assume ses responsabilités (…) car je pense qu’on s’achemine vers une instabilité avec un grand I majuscule. » Gouvernement ou pas, le Sénat devrait pourrait être réuni courant septembre, avant l’Assemblée nationale qui reprend sa session ordinaire début octobre. « Si rien ne sort de l’Élysée, le deuxième personnage de l’État, à savoir le président du Sénat Gérard Larcher devra aussi faire des propositions » ajoute la sénatrice.