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Les Polynésiens « contestent de plus en plus facilement » les décisions administratives


Avec plus de 600 requêtes déposées l’année dernière, le tribunal administratif de Papeete est de plus en plus sollicité. Fonction publique, fiscalité, marchés et urbanisme fournissent toujours un important contentieux, qui se développe aussi sur l’occupation du domaine public ou les atteintes à l’environnement. Mais la juridiction ne serait pas « noyée ». Sept mois de délai moyen de traitement, c’est moitié moins qu’en métropole, pointe son président Pascal Devillers.

C’est une tradition post-fêtes bien ancrée au palais de justice : janvier marque l’heure des bilans chiffrés. Avant les séances solennelles du Tribunal de première instance et de la cour d’appel, ce vendredi, c’est le tribunal administratif, « petite » juridiction de quatre magistrats et autant de greffiers spécialisée dans les litiges qui concernent l’administration, qui a fait le point sur les statistiques de son activité ce jeudi matin. Des statistiques en augmentation, en tout cas du côté des dossiers déposés. 601 en 2023, contre 568 un an auparavant. Certes les années 2020 et 2021 avaient été encore plus encombrées, mais ce n’était que du fait des recours électoraux en chaîne et de la cascade de procédures autour de la porcherie de Taravao. Avec 30% d’augmentation du nombre « d’entrées » en 6 ans, l’activité du tribunal administratif croit bien de façon constante.

Normes plus nombreuses, affaires plus complexes

Les justiciables polynésiens « contestent de plus en plus facilement » les décisions de l’administration, note le président du tribunal, Pascal Devillers, et ce n’est pas la seule cause de l’inflation. « Si on va voir plus facilement le juge administratif, c’est aussi qu’il y a plus d’avocats spécialisés en droit public, peut-être que ça facilite la saisine, parce que c’est un contentieux qui reste très technique, note-t-il. On a aussi beaucoup de décisions de l’administration qui interviennent dans des domaines des plus variés, des plus divers. » Davantage d’acte, davantage de contestations, c’est « mécanique ».

Dans le même temps, le tribunal administratif de Papeete a « sorti » moins d’affaires l’année dernière. 536 décisions rendues en 2023, contre 570 en 2022. « On a eu un renouvellement de l’équipe, ce qui implique un petit temps d’adaptation, dans la mesure où on a un important régime d’autonomie, et que 90% du droit que l’on applique, c’est du droit polynésien, ce ne sont pas les mêmes règles de fond qu’en métropole, reprend Pascal Devillers. Et puis il y a cette complexité accrue des dossiers avec cette profusion des normes, des textes, profusion de la jurisprudence… L’analyse d’un dossier est devenue sûrement plus longue. »

La pile de dossiers sur les bureaux du « TA » a donc légèrement grossi au cours de l’année écoulée : 299 requêtes en attente au 1er janvier contre 234 au même moment l’année dernière. Pas d’inquiétude pour son président : ces dossiers seraient jeunes – 9 seulement ont plus d’un an d’ancienneté -et les délais de traitement ont encore de quoi faire des envieux dans les juridictions civiles ou pénales : sept mois et demi en moyenne, moins de la moitié de la moyenne nationale.

Des fermes perlières à la décharges de Faa’a en passant par le Civen et Nuutania

Sur le fond, l’activité du tribunal administratif est toujours dominée par les contestations de fonctionnaires sur leur traitement ou leur carrière (154 recours dans l’année, sans compter l’action groupée des enseignants), par les litiges concernant le domaine public (77 en 2023), qui grossissent autour des démantèlements de fermes perlière ou des extractions sauvages dans les montagnes et rivières. Par les dossiers de fiscalité (50), de marchés publics (49) et d’urbanisme (47), aussi. Le contentieux lié aux indemnisations du nucléaire, lui, décroît légèrement (40 dossiers contre 32 en 2022), sur fond d’évolution dans la politique du Civen, quand les affaires liées aux conditions de détention à Nuutania occupent toujours autant les juges. Catégorie naissante, les affaires administratives environnementales pourraient, elles, prendre de l’ampleur dans les années à venir, d’après les magistrats. Après la porcherie de Taravao et la pollution liée à la station d’épuration de Tiapa, à Paea, c’est la décharge de Faa’a qui devrait faire l’objet d’un grand débat dans le courant de l’année, explique le président du tribunal.

Pascal Devillers s’attend à une année 2024 chargée. Sont notamment attendues des décisions en matière de télécoms – sur la portabilité des numéros ou la délégation de service public d’Onati, notamment -, de commerce – le tribunal doit s’exprimer le 30 janvier sur les liste de PPN et de PGC – d’hôtellerie, avec la contestation des autorisations liées à un complexe hôtelier du groupe City à Bora Bora – ou encore la concession d’aéroport à Tahiti, feuilleton au long cours qui ne manquera pas de revenir devant les juges à la prochaine attribution.

Du renfort pour traiter les demandes d’heure sup’ des enseignants

Le chiffre de 299 dossiers en attente omet un paquet de requêtes pourtant bien en vue dans les armoires du tribunal. Les 481 dossiers du litige indemnitaire qui oppose les professeurs des écoles à l’État et à la Polynésie. Des enseignants qui ont demandé paiement, en 2022, de milliers d’heures supplémentaires, estimant travailler davantage que leurs collègues métropolitains. Trois de ces recours avaient été rejetés début 2023, les juges de Papeete attendant désormais la décision de la cour d’appel de Paris, et donc une confirmation ou une infirmation de leurs analyses juridiques, pour traiter l’ensemble. Si aucune nouvelle n’arrive pour l’instant de métropole, le tribunal administratif espère bien pouvoir liquider ce stock dans l’année, ce qui impliquera probablement le recrutement temporaire d’un vacataire au greffe.

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