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Les pros du voyage face au casse-tête des pensions de famille

©Presidence

Lors d’une rencontre avec Moetai Brotherson, à l’issue d’un voyage au fenua, les tour-opérateurs français ont soulevé « la problématique de la qualité des hébergements en pension de famille ». Si la demande est forte pour ce type de séjour, le classement par « tiare » ne concerne que 90 pensions sur 290, et le contrôle est défaillant. Or les voyagistes qui engagent leur responsabilité doivent pouvoir se reposer sur une classification fiable. Le gouvernement, qui a présenté en décembre dernier quelques premières mesures, dit travailler à un nouveau schéma directeur pour les 10 prochaines années, et à une labellisation qui s’appuierait aussi sur la culture et le développement durable.

Samedi dernier, après une croisière de 10 jours entre Tahiti, les Tuamotu et les îles Sous-le-Vent, une vingtaine de professionnels français du voyage étaient reçus à déjeuner à la présidence. Ils ont fait part de leur tristesse devant les friches touristiques, alors que le manque de chambres est « criant », et rappelé que les touristes de l’Hexagone sont demandeurs d’hébergements de structures intermédiaires de classe 3 et 4 étoiles.

Mais ils ont aussi fait part de « la problématique de la qualité des hébergements en pension de famille », qui rend « complexe la vente de la destination » à des voyageurs alléchés par des séjours au plus proche de la population et de son mode de vie.

Seulement 90 pensions classées sur 290

« Ça me choque d’entendre ça, où ont-ils été pour émettre ce genre de commentaire ? Il ne faut pas mettre toute la petite hôtellerie dans le même sac », dit d’abord Martine Nesa, représentante au Cesec des pensions de famille. Mais elle reconnaît que ce segment de l’hébergement polynésien est de qualité inégale, et qu’il est difficile de s’y retrouver même pour des spécialistes de la destination. Comme le rappelle Tahiti Tourisme, seules 90 des 290 pensions de famille du fenua sont classées. « Très peu obtiennent le classement tiare, c’est une indication mais pas une garantie, renchérit Martine Nesa, et après on s’en prend plein la g… » Elle souligne aussi que les critères de classement pourraient être révisés : « Pour avoir 3 tiare la chambre doit faire 24 mètres carrés. Il y a de très belles pensions qui mériteraient les 3 tiare mais qui ne les ont pas parce qu’il manque un ou deux mètres carrés. » C’est d’ailleurs un des axes d’un projet de loi soumis en décembre dernier au Cesec.

Rationaliser les classements … et les contrôles

Pour certains voyagistes qui organisent des séjours de groupes, les pensions sont parfois trop petites. Elles peuvent aussi montrer des variations dans la qualité de l’accueil, par exemple lorsque le(s) propriétaire(s) doivent se faire remplacer, explique-t-on au GIE. Or ce classement fait figure « d’assurance » pour les voyagistes français : lorsqu’un client fait une mauvaise expérience dans un établissement non classé, ce sont eux qui endossent la responsabilité et le remboursement éventuel.

Public et privé travaillent en parallèle depuis des années pour établir des critères, mais pour Mélinda Bodin, présidente de l’Association du tourisme authentique de Polynésie française, « le classement tiare est un classement administratif qui permet aux établissements de bénéficier des aides du Pays, c’est tout », plutôt qu’un indicateur de qualité comme le label décerné par l’ATAPF, qui fait partie de l’association nationale Clés Vacances. En décembre, le Cesec demandait des contrôles de terrain plus soutenus. Mélinda Bodin ne dit pas autre chose : il faut rationaliser, faire respecter tous les critères et les normes, et le plus urgent est de mettre sur pied un véritable service de classement et de contrôle, plaide-t-elle, tant pour les pensions que pour les activités touristiques : « On a des jeunes qui sont formés, mettons tout ça dans le même panier et on va faire du bon travail. »  

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Mélinda Bodin ne nie pas non plus le besoin de formation des responsables de pensions. Entre le logement chez l’habitant qui était encore monnaie courante dans les années 90 et où c’était au visiteur de s’adapter, et l’hôtellerie classique, les pensions de famille ont parfois du mal à se situer. Certaines ne sont pas à la hauteur, reconnaît aussi de son côté Martine Nesa. « Soit on fait quelque chose de bien, soit on ne fait pas », reprend la conseillère au Cesec qui souhaite voir les pensions de famille mieux tenues : « La propreté, c’est l’évidence même. Un peu de vinaigre blanc et de l’huile de coude, des draps blancs et propres, ça ne coûte pas cher. » C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles de nombreux visiteurs s’orientent vers des logements type AirBnB, dit-elle, mais là aussi, « c’est la roulette russe, et puis ce n’est pas du tourisme, il n’y a quasiment pas de contact avec les locaux. »

Les voyagistes français sont repartis avec la liste des démarches que Moetai Brotherson a lancées pour une meilleure labellisation, notamment le projet d’un schéma directeur de l’hébergement touristique pour les 10 années à venir, et un guide des bonnes pratiques du tourisme culturel et durable. Mais sans une professionalisation plus poussée des pensions de famille, l’ambitieux objectif de 600 000 touristes par an parait peu crédible.