Après plusieurs semaines de discussions et d’interpellations sur le sujet, le ministre de l’Économie Bruno Lemaire a confirmé, mais pas chiffré, un soutien de l’État à ATN. Du côté du Pays, on précise que la montée de Paris au capital de la compagnie parait un « passage obligé », mais qui ne se fera pas « sans casse ».
C’est un dossier qui inquiète depuis déjà plusieurs mois. Air Tahiti Nui, compagnie détenue à 85% par le Pays, a vu sa santé financière s’assombrir brutalement avec la crise sanitaire. Nombre de touristes divisés par trois en 2020, motifs impérieux qui paralysent l’activité depuis février, plan d’amortissement des Dreamliners compromis… Aucun doute : les finances du Pays ne suffiront pas pour « sauver » la compagnie, qui n’espère retrouver l’activité de 2019 avant plusieurs années. Raison pour laquelle les élus polynésiens se mobilisent pour obtenir une aide spécifique de l’État. Après Maina Sage en début de crise ou Moetai Brotherson en fin d’année, c’était au tour de Teva Rohfritsch d’interpeller Paris sur la question. Il faut dire que l’État vient d’annoncer un nouveau soutien financier à Air France, notamment sous la forme d’une montée au capital. Une aide « nécessaire », reconnait Teva Rohfritsch. Mais quid des compagnies régionales comme Air Tahiti Nui, « tout aussi stratégique » pour le fenua et qui « souffre tout autant » ? « La compagnie passera difficilement l’année sans une intervention financière de l’Etat et l’été sera dramatique si les frontières polynésiennes ne sont pas réouvertes au tourisme », explique le sénateur dans l’hémicycle du palais du Luxembourg, en précisant qu’ATN s’est déjà séparé de 17% de ses effectifs.
« Nous avons soutenu Air France (…) s’agissant d’Air Tahiti Nui, nous ferons exactement la même chose », répond Bruno Lemaire. Rappelant qu’ATN a déjà profité de plus de 7 milliards de francs de prêts garantis par l’État, et qu’elle va pouvoir toucher jusqu’à 1,2 milliards de francs de subvention grâce au dispositif « coût fixe », le ministre de l’Économie et des Finances, estime qu’il faut tout de même trouver « d’autres modalités de soutien » pour que la compagnie « continue à voler ». « Je n’ai pas d’inquiétude sur la trésorerie d’Air Tahiti Nui avant la fin de l’année », précise-t-il. L’action s’inscrira dans le plus long terme et passera pas le Ciri, un comité interministériel spécialisé dans la restructuration industrielle.
Une réponse encore très imprécise malgré plusieurs mois de discussions sur le sujet, et qui est pourtant chaudement saluée par Teva Rohfritsch. « De grâce, ne laissez pas Air Tahiti Nui de côté », ajoute tout de même le sénateur, qui rappelle que « le secteur du tourisme est vital et que des milliers de familles en vivent en Polynésie ».
Les contacts sont déjà pris, précise Yvonnick Raffin
Si les parlementaires interpellent, c’est bien le Pays et la compagnie qui négocient. Yvonnick Raffin, successeur de Teva Rohfritsch au ministère de l’économie, a d’ailleurs précisé ce matin, lors d’une conférence de presse organisée à la sortie du conseil des ministres, que les contacts avec le Ciri « avait déjà été pris » lors de son passage à Paris. « Ils vont éplucher les comptes, évaluer l’accompagnement que l’État peut apporter, explique le ministre. Nous allons trouver les moyens nécessaires pour pérenniser l’activité de la compagnie ». Et parmi ces moyens la recapitalisation parait être un « passage obligé ». Ce que confirme Édouard Fritch se dit aussi « optimiste » sur la volonté de Paris d’intervenir : « en matière de capital, nous sommes arrivés au taquet, nous avons mis le maximum de ce que nous autorise la loi, expose le président du Pays. Le sujet pour nous, c’est de trouver de nouveaux partenaires. Et pour nous ça ne peut pas être autre que l’État, au travers de la CDC ou la BPi… ». Cette montée au capital ne se « fera pas sans conditions », prévient le responsable. « Cela ne va pas se faire sans casse. L’État mettra de l’argent, mais il faudra en face des efforts », explique-t-il en référence au plan de restructuration d’Air France.
Ce qui n’empêchera pas le Pays-actionnaire de devoir lui aussi apporter une aide conséquente : après 2 milliards de francs d’aide à ATN votés l’an passé, Édouard Fritch évoque une enveloppe de « deux, trois, peut-être quatre milliards » cette année. Car côté trésorerie d’ATN, le président ne partage visiblement pas la confiance de Bruno Lemaire : “Ça tient pour l’instant parce que la trésorerie était solide avant la crise. Mais d’ici la fin de l’année il n’y en aura plus. Il y a urgence », précise le président, qui, tout en saluant l’action de l’État en la matière, appelle là aussi à une attention spécifique.