Vendredi, le ministre des Outre-Mer Sébastien Lecornu a indiqué que le gouvernement était « prêt » à parler de l’autonomie de la Guadeloupe. Son entourage cite à titre d’exemple le statut polynésien. La déclaration a fait beaucoup réagir dans la classe politique nationale.
« Le gouvernement est prêt à en parler ». Une petite phrase pour un débat déjà explosif. Après plusieurs jours de crise et de violences en Guadeloupe, où le mouvement contre l’obligation vaccinale s’est doublé de revendications sociales importantes, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu a pris la parole dans une longue allocution. Emplois aidés pour les jeunes, environnement, gestion de la crise sanitaire… Les annonces ont été nombreuses, mais c’est la fin du discours qui a le plus marqué les esprits.
Le ministre évoquait les réunions de ces derniers jours à l’occasion desquelles « certains élus ont posé la question en creux de l’autonomie ». « D’après eux, la Guadeloupe pourrait mieux se gérer d’elle-même. Ils souhaitent moins d’égalité avec l’Hexagone, plus de liberté de décision par les décideurs locaux. Le gouvernement est prêt à en parler, il n’y a pas de mauvais débats, à partir du moment où ces débats servent à résoudre les vrais problèmes du quotidien des Guadeloupéens », a-t-il poursuivi.
Une prise de position qui a fait beaucoup réagir en Guadeloupe, mais aussi en métropole et notamment à droite où la primaire des Républicains pour les présidentielles bat son plein. « Les Guadeloupéens et les Martiniquais ne veulent pas moins d’Etat, au contraire : ils entendent que l’Etat se tienne à leurs côtés et assume ses responsabilités » a ainsi tweeté Xavier Bertrand. Ce qui est « en jeu, c’est l’unité de la nation », a mis en garde son concurrent Michel Barnier, alors qu’Eric Ciotti, lui aussi candidat à la candidature a estimé « qu’avec Macron, la République cède et recule face à la violence ». Marine Le Pen a elle aussi réagi en accusant le gouvernement d’être « prêt à lâcher la Guadeloupe » et d’essayer « d’acheter les indépendantistes radicaux ». A gauche, les réactions sont moins vives, mais plusieurs élus ont parlé d’un discours « qui sème la confusion », ou d’une façon pour le ministre de « trouver un joker pour essayer de ne pas se confronter à la réalité ».
Le statut de la Polynésie pris en exemple
Mais quel est le statut de la Guadeloupe ? Depuis 2016, le petit archipel antillais est à la fois une région et un département d’outre-mer, distinct de la Martinique, que Sébastien Lecornu a bien pris soin de ne pas évoquer, et des autres collectivités françaises de la zone. Du fait du régime de « l’identité législative », les lois et règlements nationaux y sont applicables de plein droit, avec des possibilités d’adaptations dans certaines situations. La Guadeloupe, comme les autres Dom, obéit, là encore avec quelques adaptations ponctuelles, au même système fiscal, éducatif, administratif, sanitaire et social que la métropole. Un cadre qui est débattu depuis longtemps, mais qui a été particulièrement critiqué aux Antilles pendant la crise sanitaire, en ce qu’il ne permettait pas d’adapter et de débattre au mieux de la gestion de l’épidémie.
Interrogé par France Télévisions, l’entourage du ministre a évoqué l’idée d’avancer vers « le modèle de la Polynésie française ». De quoi, effectivement, conférer davantage d’autonomie à la collectivité, notamment en matière économiques et sanitaires, qui sont les nœuds de la crise sociale actuelle. Pourtant difficile de dire que la crise Covid n’a révélé que des atouts dans le statut de la Polynésie. Chevauchement de compétences, difficultés d’adaptation de certaines mesures nationales, exclusion de certains plans de soutien de l’Etat, sentiment de « priorité » donnée aux Dom/Rom (sur les envois de soignants notamment), tout en restant soumis à certaines décisions centralisées, notamment en temps d’urgence sanitaire… L’autonomie « à la polynésienne » promue par Sebastien Lecornu a rarement attiré autant de critiques à l’intérieur du fenua.
« Il faut poser la question et la poser avec prudence, a tempéré le sénateur PS de Guadeloupe et ancien ministre des Outre-mer Victorin Lurel au micro de Franceinfo. Il y a deux formes d’autonomie : soit l’autonomie générale un peu comme pour la Polynésie, soit simplement la gouvernance du système sanitaire comme certains le demandent. Il est clair que la question de la démocratie sanitaire se pose, mais si on veut véritablement faire de l’autonomie, il faut changer la Constitution.«