C’est une figure que les Polynésiens connaissent bien : le sénateur hawaiien Kalani English, visiteur fréquent à Tahiti, qui fut leader de la majorité au sénat de l’État de Hawaii jusqu’à sa démission en avril dernier, est mis en cause depuis la semaine dernière dans une affaire de corruption. Il a l’intention de plaider coupable.
Kalani English avait contracté le Covid en novembre 2020, lors d’un voyage à Tahiti selon certaines sources hawaiiennes. Il avait eu peu de symptômes, mais à son retour chez lui il se plaignait d’une « léthargie omniprésente », de troubles de la mémoire et de brouillard mental, que ses médecins ont attribué à un covid long. C’est ainsi que fin avril 2021, le sénateur démocrate avait démissionné de son siège, qu’il occupait depuis 2001.
Mais, à la lumière des faits qui ont été dévoilés la semaine dernière par la justice fédérale américaine, on peut se demander si le Covid n’a pas le dos un peu large.
Des pots-de-vin pour influencer le vote d’une loi sur les fosses septiques
Suite à une enquête du FBI, le ministère américain de la Justice accuse Kalani English ainsi qu’un de ses anciens collègues sénateurs, qui a immédiatement démissionné, d’avoir accepté à plusieurs reprises des sommes d’argent liquide en échange de votes favorables à un industriel spécialiste du traitement des eaux usées, dans le cadre d’un projet de loi sur les fosses septiques.
Selon le document d’accusation, Kalani English a « sciemment conçu un procédé pour priver les citoyens de Hawaii de leur droit à un travail honnête et loyal en tant que législateur élu et leader de la majorité au Sénat de Hawaii, par la corruption et la dissimulation d’informations. » L’acte d’accusation cite plusieurs remises d’argent liquide au sénateur, de 1 000 à 10 000 dollars, ainsi que des repas et des chambres d’hôtel à las Vegas. Le bureau du procureur estime que ces faits ont commencé au moins en 2015 et se sont poursuivis jusqu’en janvier 2021. « J’ai tous les emprunts immobiliers qui tombent en même temps » a notamment expliqué le politicien à son contact. Des contributions que Kalani English avait omis de déclarer, alors qu’ils listait scrupuleusement les cadeaux plus modestes, jusqu’à un assortiment de fruits secs d’une valeur de 7 dollars.
500 dollars pour des invités tahitiens
Kalani English, qui a des connexions familiales au fenua, avait même demandé à l’industriel de payer un dîner à Honolulu pour plusieurs visiteurs de Tahiti. L’homme lui avait alors remis 500 dollars en liquide, dépensés ensuite dans un restaurant chinois : « Tout le monde a pris du crabe, ils étaient tous très heureux. Merci encore ! » l’informa le sénateur par SMS.
« Kalani est plein de remords et regrette profondément sa conduite, a déclaré son avocat. Il a pleinement coopéré avec le gouvernement fédéral et prendra formellement toutes ses responsabilités en plaidant coupable dans les jours à venir. » Peu avant sa démission, Kalani English avait voté au sénat de Hawaii un projet de loi qui priverait de la moitié de leur retraite les fonctionnaires reconnus coupables d’un crime. Une loi qui n’est entrée en vigueur qu’en juin dernier, exemptant le sénateur.
L’homme d’affaires accusé d’avoir corrompu les deux représentants est identifié comme Milton Choy, président de H2O Process. Il est connu pour avoir, au fil des ans, versé des sommes importantes aux campagnes électorales de plusieurs hommes politiques, dont le gouverneur de Hawaii David Ige. Dans ce cadre, Kalani English aurait touché 19 000 dollars. Milton Choy, qui a coopéré avec le FBI dans l’enquête, n’a pas été inculpé.