Ce n’est ni un animal, ni un végétal, ni un champignon. C’est un blob. Un organisme unicellulaire fascinant qui est devenu une star de la recherche scientifique mais aussi un sujet d’intérêt certain pour tous les amateurs de sciences. Et chance à nous, la spécialiste du blob est française. C’est même elle, Audrey Dussutour, directrice de recherche au CNRS, qui lui a donné son nom. L’association Proscience l’a invitée à animer une conférence sur le sujet, samedi, au musée de Tahiti et des îles.
Ça ressemble à une omelette ou des œufs brouillés, c’est mou, verdâtre ou jaune, on peut le découper en morceaux puis le réassembler, il se déplace, il mange, il apprend et il grandit, même très vite, deux fois sa taille par jour quand il est dans de bonnes conditions. Il s’agit du Blob, un organisme unicellulaire dont la spécialiste est française et actuellement sur le territoire pour animer une conférence sur le sujet. Invitée par l’association Proscience, la directrice de recherche au CNRS, Audrey Dussutour en est la plus grande experte dans la monde et l’a rendu célèbre.
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Elle a reçu plusieurs prix pour ses recherches, en 2007, en 2021 et 2022 et a écrit plus de 70 articles scientifiques et trois livres grand public. « Ce qui me fascine c’est qu’on ne le comprend pas et en tant que scientifique on aime comprendre les choses. C’est un organisme qui nous surprend puisqu’il casse plein de codes. Normalement un organisme ça meurt, le blob a une immortalité biologique ; on peut le couper en morceaux ; une cellule c’est tout petit mais lui peut faire jusqu’à 10 m2. On essaye de comprendre comment il arrive à ces prouesses. »
Son nom, trouvé par Audrey Dussutour, s’inspire d’ailleurs d’une de ses capacités surprenantes : celle de pouvoir doubler sa taille en une seule journée, dans des conditions optimales. Des records ont été établis à 10m2 et un autre de 53 mètres de long. « Il s’agit de l’espèce Physarum polycephalum, mais au laboratoire, je l’avais appelé blob, c’était plus facile. Je me suis inspirée d’un film de science-fiction où un extraterrestre géant avale les gens. » Et « Blob » a fini par faire son entrée dans le dictionnaire. La chercheuse a été la première à démontrer que le blob pouvait mémoriser et apprendre alors qu’il n’a pas de cerveau. Elle continue de travailler sur le sujet. « On cherche à découvrir les secrets de son immortalité biologique, puisque sa cellule est quand même proche d’une cellule animale. Ça intéresserait beaucoup de personnes si on pouvait trouver un moyen de rajeunir. On travaille aussi sur des phénomènes d’apprentissage puisque le blob a une seule cellule donc il n’a pas de cerveau et pourtant il est capable d’apprendre et de mémoriser les informations. »
La scientifique ne sait pas si on trouve l’espèce Physarum polycephalum ou blob en Polynésie française mais elle est certaine qu’on trouve ses cousins. Les myxomycètes, la famille du blob, sont partout dans le monde. « Il y a mille espèces de myxomycètes connues, 10 000 estimées. » Souvent confondu avec les champignons, il suffit de le toucher pour le reconnaitre : « Si c’est tout mou et gluant, ce sont des myxomycètes. »
Et d’ailleurs il suffit d’aller sur la page Facebook de Proscience pour en voir quelques spécimens trouvés par des amateurs sur le fenua. Ce qui suscite l’intérêt à quelques jours de l’événement organisé par l’association. Des rendez-vous importants pour la présidente, Elodie Cinquin-Beigbeder, « pour les jeunes, avoir des activités comme ça où tu deviens acteur, tu partages avec les associations, les scientifiques, les acteurs locaux de la science, ils se rendent compte qu’en fait les sciences sont partout : un brin d’herbe, faire cuire des pâtes… La science nous entoure. La rendre ludique, c’est une réappropriation, c’est éveiller de la curiosité et peut-être aussi susciter des vocations ».
- Samedi 25 janvier, au musée de Tahiti et des îles, ateliers de 13h à 17h : exposition sur les myxomycètes, stands de la société d’astronomie, les moustiques avec l’institut Louis Malardé, la flore polynésienne avec AOA Polynesian forests, l’extraction d’ADN avec les collégiens de Tipaerui, les étoiles et le temps, la mouche, les maths et l’IA, les robots… Et à 17h30 : conférence « Le Blob : de la forêt à l’espace, l’incroyable parcours d’un organisme unicellulaire ».