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L'expulsion, là où s'échoue le rêve américain des clandestins

Tijuana (Mexique) (AFP) – La sonnette du poste-frontière de Tijuana retentit. A travers la porte grillagée, l’agent de la Border Patrol américaine prévient qu’il reconduit 12 Mexicains dans leur pays. Un peu plus loin, un panneau les accueille, on peut y lire « bienvenue à la maison ».

Si ce type d’expulsions a lieu régulièrement, le candidat à la Maison Blanche Donald Trump, qui devrait être investi lors de la convention républicaine de Cleveland à partir de lundi, a promis de les multiplier, ciblant les millions de sans-papiers installés chez le voisin du nord.

On estime que plus de 11 millions d’immigrants en situation irrégulière vivent aux Etats-Unis. Près de la moitié sont originaires du Mexique. 

De l’autre côté, un agent mexicain leur ouvre la porte. La plupart arrivent tête basse, leurs quelques affaires dans un sac en papier. Beaucoup n’ont aucun document permettant de les identifier.

« Tu viens d’où ? Qu’y a-t-il près de ce village ? Tu as du +pisto+ ? », interroge l’agent pour vérifier s’il s’agit bien de Mexicains.

Le terme « pisto » est un piège : il est utilisé en Amérique centrale pour désigner l’argent mais pas au Mexique.

Tous sont bien mexicains. Ils accèdent donc au centre de rapatriement d’El Chaparral. 

En 2015, quelque 30.000 Mexicains ont été raccompagnés à la frontière à ce poste-frontière moderne, voisin de San Diego, sur un total de 207.398, selon les chiffres officiels du Mexique.

– Enfants seuls – 

A El Chaparral arrivent aussi des enfants ou des adolescents seuls, des femmes enceintes et des personnes âgées. Ils venaient à peine de sauter de l’autre côté, avaient de faux papiers, sortaient de prison ou semblaient totalement désorientés au Mexique, après une vie aux Etats-Unis.

Lorsqu’on les interroge sur les projets du milliardaire américain d’expulsions massives ou de construction d’un mur tout le long de la frontière, nombre d’entre eux trouvent ça flou ou ne connaissent pas Donald Trump.

Juan Carlos, un « jornalero » (ouvrier agricole) de 35 ans originaire de Sinaloa (nord), se veut plus pragmatique : « Il vaudrait mieux que ce monsieur nous aide pour qu’on nous paye mieux ici (au Mexique) et que nous n’ayons pas à aller là-bas (aux Etats-Unis) ».

A ses côtés, Javil Cortez, un paysan qui voulait « être quelqu’un dans la vie » et améliorer les conditions de vie de ses quatre enfants restés dans l’Etat pauvre du Michoacan (ouest), ne s’avoue pas vaincu.

« On m’a menacé de m’envoyer en prison si je revenais (aux Etats-Unis), mais je ne vais pas tenir ma promesse. Je vais revenir », assure-t-il.

On ne compte plus les familles séparées par les expulsions et les villes frontalières, comme Tijuana, recueillent les migrants expulsés qui cherchent à rester au plus près de leur famille. 

– ‘Ce monsieur est malade’ –

C’est le cas de Yolanda Varona, qui dans les années 1990 a fui la violence de l’état de Guerrero (sud) et, en 2010, a dû laisser en Californie ses deux enfants après 17 années sur place.

Comme chaque jeudi, cette femme de 49 ans qui a fondé Dreamers’ Moms, réunit les parents expulsés dont les enfants, pour la plupart Américains, sont restés de l’autre côté. Il s’agit de parler, de canaliser la douleur de l’absence et tenter de trouver des solutions.

Mais personne ne veut entendre parler de Donald Trump.

« Je crois que ce monsieur est malade. Tous les Mexicains ne sont pas des voleurs ou des violeurs. Je crois que nous avons aidé les Etats-Unis à devenir une nation aussi puissante », estime Yolanda.

Pourtant, près de la moitié des étrangers expulsés sont des criminels, d’après les chiffres du département de la sécurité intérieur des Etats-Unis.

Mauricio Hernandez-Mata, condamné pour possession d’arme et de drogue, a été expulsé en 2010. Mais ce Mexicain de 34 ans élevé à San Diego a une particularité : il a combattu en Afghanistan pour les Etats-Unis en 2004 et 2005.

« Je l’ai fait de bon coeur. Mes actions doivent être prises en compte », réclame M. Hernandez, qui a désormais l’interdiction de retourner dans ce pays pour lequel il était prêt à mourir.

© AFP Sandy Huffaker
Hector Barajas, un vétéran de l’armée américaine expulsé des Etats-Unis, passe le poste-frontière de Tijuana, au Mexique, le 8 juillet 2016