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L’histoire sans fin des indemnisations du Nucléaire

Le tribunal administratif de Papeete a examiné mardi deux nouveaux dossiers de demandes d’indemnisation de travailleurs du nucléaire à Moruroa et Fangataufa dans les années 1960 à 1970. Une audience pendant laquelle le rapporteur public a longuement détaillé les évolutions jurisprudentielles du tribunal ces dernières années. Et en l’absence de la moindre décision de référence du Conseil d’Etat, la juridiction de Papeete fait office de précurseur en matière d’indemnisation des victimes du nucléaire…

Il est souvent difficile de s’y retrouver dans le maquis juridique des procédures d’indemnisation des victimes du nucléaire introduites par la Loi Morin. Fin 2013, seulement 11 demandes d’indemnisation avaient été accordées sur les 840 demandes reçues par le Comité d’indemnisation des victimes du nucléaire (CIVEN). Des refus qui sont ensuite attaqués devant les juridictions administratives. Mais à l’heure actuelle, il n’existe aucune décision de référence tranchée par le Conseil d’Etat. Depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2010, le tribunal administratif de Papeete a été l’une des premières juridictions à annuler le refus du ministre de la Défense d’indemniser les demandeurs.

Mardi dernier, le rapporteur public du tribunal administratif de Papeete s’est donc lancé dans une explication détaillée de la position de la juridiction locale. Selon le rapporteur public, l’Etat procède lors de ses refus à « un examen purement statistique » basé sur l’utilisation du logiciel NIOSH-IREP pour apprécier dans quelle mesure l’exposition aux rayons a augmenté le risque de déclarer une maladie radio-induite. Mais pour le tribunal de Papeete, cette méthode comporte d’une part une « marge d’incertitude » et est d’autre part tributaire de la « fiabilité » des données sur la dose de radiation reçue… En effet, les données utilisées par l’Etat pour établir son modèle statistique ont été construites sur celles issues de l’explosion des bombes de Hiroshima et Nagasaki. Une exposition « externe, instantanée et à forte dose » assez différente de la situation en Polynésie. Par ailleurs, le rapporteur public a émis des « doutes » sur la fiabilité des appareils de mesures portés à l’époque par les travailleurs du nucléaire. Puisque les « dosimètres externes » se résumaient à un film photographique dont la sensibilité dépendait de son orientation par rapport au flash issu de l’explosion… Enfin, lorsque l’Etat n’a aucune donnée sur l’irradiation des demandeurs, il attribue une « dose forfaitaire » par mois de présence sur les sites des essais. Une dose d’un niveau proche, selon le rapporteur public, de la radioactivité naturellement constatée en France métropolitaine…

Le tribunal enjoint l’Etat à indemniser depuis 2014

La position actuelle du tribunal est celle prise lors du jugement du dossier Tamaku le 23 septembre 2014. Le tribunal n’a pas de position de principe et observe les données personnelles des demandeurs. Le juge estime que l’utilisation du logiciel NIOSH-IREP est pertinent. Mais il lui oppose les fameuses marges d’incertitude et observe la situation des victimes sur des éléments objectifs et rationnels. La nouveauté introduite par la décision de septembre 2014, c’est que le tribunal ne fait plus qu’annuler les refus d’indemnisation. Il prononce maintenant des injonctions à l’Etat d’indemniser les demandeurs.

Mardi dernier, le tribunal a examiné le dossier de M. Rauzy. Et le rapporteur public s’est dit « plus que dubitatif » sur l’octroi d’une dose forfaitaire d’irradiation par l’Etat, alors que cet électronicien militaire était chargé de mesurer la radioactivité émise par le nuage pendant au moins trois essais… Le rapporteur a donc conclu à l’annulation du refus d’indemnisation et à l’octroi d’une indemnité provisionnelle de 2 millions de Fcfp en attendant une expertise plus précise des préjudices subis par la victime… Pour l’autre dossier, celui de la veuve de M. Faara. Le rapporteur a relevé que le demandeur, décédé d’un cancer du poumon, était décrit comme un « gros fumeur ». Il a donc demandé une expertise à un cancérologue pour recueillir de meilleures données individuelles sur le demandeur. Ces deux dossiers ont été mis en délibérés. La décision du tribunal administratif sera rendue dans dix jours. Mais comme pour tous les dossiers, l’Etat fera vraisemblablement appel en attendant qu’une position définitive soit prise un jour par le Conseil d’Etat…

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