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Rangiroa : une scientifique pointe les risques des interactions entre plongeurs et dauphins

© Pamela Carzon

Pamela Carzon, docteure en éthologie et en écologie comportementale, spécialiste des grands dauphins de Rangiroa, vient de finaliser sa thèse, après six ans de travail. Elle s’est penchée sur l’impact du tourisme animalier dans la passe de Tiputa, et notamment sur le conditionnement de certains spécimens à interagir avec les plongeurs, ce qui n’est pas sans risque.

Elle est prisée des plongeurs du monde entier. La passe de Tiputa attire chaque jour des pelletées de palanquées, désireuses d’observer de près les grands dauphins qui y ont élu domicile. On y retrouve aussi un bon nombre de snorkeleurs, et plusieurs prestataires guidant leurs bateaux bondés à la tombée du jour, lorsque les cétacés s’adonnent à des pirouettes dans les vagues.

Pendant trois ans, Pamela Carzon, présidente de l’association Dauphins de Rangiroa a étudié les réponses comportementales des dauphins de Tiputa, face aux « interactions intrusives répétées » constatées, notamment lors des plongées en bouteille. Il lui a ensuite fallu autant de temps pour analyser ces données, « des heures et des heures d’interactions », et rédiger sa thèse de doctorat, co-encadrée par Eric Clua et Fabienne Delfour, et soutenue avec succès en juin.

Tiputa, c’est « un contexte d’une part très intéressant, et d’autre part inquiétant et préoccupant », présente la spécialiste. Pour la recherche, « c’est une zone qui nous permet de faire de très belles observations, on peut les voir interagir entre eux, on peut observer des comportements intéressants avec des dauphins qui vont aller interagir avec des éponges par exemple, ce genre de choses ».

Des juvéniles conditionnés à chercher le contact…

Mais c’est aussi l’occasion de constater, « qu’il y a eu, depuis des décennies, une volonté active de la part de certains plongeurs sous-marins, de réduire la distance, la limité naturelle de prudence entre l’animal sauvage et l’être humain, pour encourager des interactions intimes avec ces animaux ». Elle cite le cas d’un jeune individu, qui a été « conditionné par certains moniteurs à tolérer puis rechercher un contact, en considérant le plongeur comme une station de grattage ».

Le Code de l’environnement stipule qu’il est strictement interdit de déranger de manière intentionnelle le développement naturel des espèces protégées et des écosystèmes associés. « Cela se réfère à toute action humaine qui pourrait modifier le comportement naturel d’un animal sauvage pour un but de divertissement ». À Rangiroa, la question est difficile à traiter, « car c’est quelque chose qui s’est construit sur le long terme, avec une période de conditionnement, volontaire ou non d’ailleurs, inconscient de la part des plongeurs ».

Des plongeurs en contact avec un dauphin © Pamela Carzon

Mais des réactions imprévisibles

Pamela Carzon rappelle qu’il est difficile de maîtriser la réaction de l’animal avec une telle proximité. « Certains peuvent avoir des comportement affiliatifs avec les plongeurs, mais on voit aussi, régulièrement, des comportement agressifs, qui sont souvent mal interprétés par les plongeurs », ceux-ci ayant « une image hyper positive » d’un animal réputé « gentil et souriant ».

La dernière fois que nous avons vu » le jeune individu, « il est venu, nous a mordu les palmes, il a aussi attrapé les manomètres, mis sa tête entre le visage du plongeur et le détendeur… C’est un enfant de cinq mois, donc on peut imaginer ce que ça peut donner sur un animal plus âgé ».  Par exemple, des charges d’intimidation, des claquements de mâchoires, ou l’émission de sons. Ce qui peut parfois mettre les plongeurs en difficultés. Au-delà des conditions difficiles de la passe, réputée pour son fort courant, « quand un jeune dauphin vient sur vous comme ça, on peut voir des plongeurs qui vont presque remonter à la surface sous le coup de l’émotion » ou d’autres qui, à l’inverse, « vont vouloir suivre le dauphin vers le fond », à des profondeurs qu’ils ne sont pas habilités à fréquenter. Ou encore, « des cas d’essoufflement des plongeurs qui vont, sous le coup de l’émotion, mal gérer leur respiration ».

« Il n’y a pas besoin de leur faire des bisous pour faire de très belles observations »

Pamela Carzon plaide pour une réduction de l’activité humaine sur Tiputa, « aire d’alimentation, paysage écologique et social très important pour les dauphins ». Limiter le nombre de prestataires, de bateaux, de plongeurs est de snorkeleurs « est quelque chose qui me parait essentiel », dit-elle. Et sous l’eau, elle juge nécessaire de « décourager les efforts qui sont faits au quotidien pour essayer d’attirer les dauphins ».

« Il faut promouvoir un comportement humain passif, ce qui ne nous empêchera pas de faire de très belles observations sur la zone de Tiputa. C’est hyper important que les gens comprennent ça. Il n’y a pas besoin, d’aller conditionner les animaux et d’interagir physiquement avec eux et de leur faire des bisous ».

Pour la docteure, « il est très très compliqué de remettre en question ces attitudes vis-à-vis de la faune sauvage », surtout sur un atoll ou les dauphins sont un énorme vecteur d’attractivité. « Mais il faut essayer de comprendre qu’on a tout à gagner à apporter autre chose au grand public, qui est de plus en plus demandeur d’attitudes un peu plus éthiques, moins impactantes vis-à-vis de la faune ».

Des recommandations que Pamela Carzon souhaite diffuser via son association Dauphins de Rangiroa, via des conférences « au niveau local ». Mais aussi « à des niveaux peut-être un peu plus large, effectivement avec les administrations, et même à l’échelle nationale et internationale, en communiquant sur ces problématiques liées au développement irraisonné du tourisme animalier et à tous les risques associés ».

Une femelle de cinq ans, morte à Tiputa, après une collision avec un bateau en 2019. Elle faisait partie des 20 dauphins étudiés. © Pamela Carzon

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