A Rangiroa, le dépotoir « officiel » de la commune, situé juste derrière la mairie de Avatoru, fait peser de lourds risques de pollution sur la lentille d’eau de l’atoll. Le maire semble résigné par une situation qui dure « depuis des années » et les services de l’environnement regrettent le manque de moyens pour contrôler et gérer les déchets dans certaines îles éloignées.
Bien connu pour ses lagons turquoises ou encore sa fameuse passe de Tiputa remplie de requin et ses merveilles de la nature, l’atoll de Rangiroa paraît bien moins paradisiaque quand il s’agit d’évoquer son dépotoir totalement hors de contrôle. En effet, la commune utilise un lac pour y mettre ses déchets, dont la plupart ne sont pas triés. On y trouve de vieux appareils électroniques ou ménagers, des carcasses de climatiseurs ou de machines à laver, des déchets plastiques et des déchets verts qui jonchent le sol à la limite du lac et qui attendent sagement que les engins de la mairie viennent les y pousser, pour ensuite les recouvrir avec de la soupe de corail…
La lentille d’eau polluée ?
Les sols des atolls étant très peu épais, la lentille d’eau y est beaucoup plus accessible que dans les îles hautes. Une étude sur les « évaluations des gisements et analyse prospective sur l’organisation de la gestion des déchets en Polynésie française » effectuée par le ministère de l’Environnement et l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME) estimait en 2012 que « le passage d’un polluant dans les sols et donc dans la lentille d’eau est très rapide. Cette dernière est donc très vulnérable et facilement sujette à des pollutions. Les transferts de polluants depuis l’eau douce de la lentille vers le lagon où l’océan est possible ».
La même étude écrivait aussi que « la très faible implication des pouvoirs publics sur la politique de gestion durable des déchets, n’incite pas à la réduction à la source ». Et en effet, le maire de Rangiroa, Teina Maraeura, affirme que des discussions ont eu lieu avec les autorités du Pays et de l’Etat mais que rien n’y a fait : « cela fait des années qu’on discute de cela, je vais passer mes trente ans de maire l’an prochain et on n’a jamais trouvé de solution ».
« Il n’y a plus de moustiques et de nono »
Le tavana affirme d’ailleurs que le Pays lui a conseillé, il y a plusieurs années, de « retirer tous ces déchets et de les ramener sur Tahiti ». Mais il interroge : « qui va payer tout cela ? ». Depuis, le lac qui sert de dépotoir se remplit doucement mais sûrement.
Reste que la situation n’émeut pas vraiment le tavana de l’île qui explique qu’au moins aujourd’hui on ne verse plus le « mazout » directement dans le lac, comme il y a une trentaine d’années… Le premier magistrat de Rangiroa y trouve même un avantage : « il n’y a plus de moustique et de nono ».
« Un motu pour mettre nos déchets »
La commune envisage tout de même un embryon de solution. Envoyer les déchets sur un motu inhabité situé à 20 kilomètres de Tiputa. Les déchets y seront amenés par bateau ou à l’aide d’une barge. Reste à savoir si la solution réglera le problème ou ne fera que le déplacer.
Le tavana affirme d’ailleurs que la commune a mis en place un système de tri des déchets pour pouvoir « les quantifier et évaluer ainsi les incidences » sur les coûts d’un éventuel transport, soit vers ce fameux motu, soit vers Tahiti.
La Diren démunie
Interrogé sur la situation à Rangiroa, le chargé d’affaires en gestion des déchets à la Direction de l’environnement (Diren), Ryan Léou, concède être bien démuni devant l’ampleur et l’ancienneté de cette situation.
Il rappelle tout de même que le Pays peut mettre en « demeure » les communes qui ne respectent pas le cahier des charges relatif aux « décharges ». Même s’il vaut mieux trouver des solutions que passer par une répression inutile. Il précise que dans certaines îles éloignées, les tavana travaillent à la mise en place de centres d’enfouissement technique (CET) comme à Nuku-Hiva, Rapa ou Ra’iatea.
Aux Tuamotu, Hao effectue actuellement des études pour installer son CET. « Théoriquement, ce sera le premier CET dans l’archipel », explique Ryan Léou, qui ajoute que dans beaucoup d’atolls les tavana « ont fait le choix des CET simplifiés, qui ne demandent pas d’infrastructure trop lourdes à porter pour le peu de population qu’il y a sur l’île ».
Notons que Rangiroa ne pourra pas mettre en place de centre d’enfouissement technique simplifié puisque l’atoll dépasse la barre des 3 000 habitants.