Le tribunal de commerce pourrait prononcer ce lundi la liquidation judiciaire de l’entreprise de travaux publics, qui emploie une centaine de personnes, notamment dans les îles. Interpellé sur les retards de paiement du Pays, qui ont fragilisé Interoute, le président Moetai Brotherson s’est engagé à accélérer les procédures, dans ce dossier et dans les autres, et à accompagner au mieux les salariés qui ne seraient pas repris par la concurrence.
Les difficultés sont loin d’être nouvelles pour Interoute. La société, lancée dans les années 70, entre autres par Albert Solia, qui en a été plus tard le PDG, reste aujourd’hui un des poids lourds du secteur du BTP polynésien. Mais d’année en année, elle a perdu du terrain face à ses concurrents, et notamment la société Boyer, qui a conquis à partir de 2017, et malgré un long bras-de-fer judiciaire, le cœur d’activité d’Interoute : le bitumage et la réfection des voies à Tahiti. L’ancien leader du marché n’a pas baissé les bras, et s’est beaucoup investi, en repli, sur les travaux publics des îles. La société attirait encore, en 2021, un peu plus d’un milliard de francs de contrats relevant du Code des marchés publics. Contre près de 5,5 pour Boyer. Une domination sur le marché qui avait motivé, en 2019, une grève de plusieurs syndicats et entreprises du milieu du BTP, et à laquelle beaucoup, au sein d’Interoute, imputent les difficultés actuelles.
Le redressement judiciaire n’a pas suffi
Interoute reste, du fait de sa capacité de projection dans les archipels, où elle emploie une bonne partie de ses salariés, une entreprise stratégique du secteur. Aussi, quand le directeur général Heirangi Nouveau est contraint de demander, en mai 2022, le placement en redressement judiciaire de la société, accablée par les dettes et qui perd certains marchés à cause de son manque de trésorerie, beaucoup expriment leurs inquiétudes. Une inquiétude, qui, comme le regrettent les syndicats n’a pas fait suffisamment réagir le Pays, dont les retards de paiement importants sur certains marchés pèsent lourdement sur Interoute. En septembre dernier, après une période d’observation, un plan d’étalement des dettes est acté auprès du tribunal. Il n’a pas avoir suffi. Ce lundi, le même tribunal pourrait constater le dépôt de bilan de la société et la liquider, comme l’ont appris nos confrères de la Dépêche. Une reprise de la société par un concurrent n’est pas impossible, mais les employés n’ont à l’heure actuelle que peu d’espoirs de ce côté.
Reprise, retraite ou reconversion
L’heure est plus généralement au pessimisme, depuis les syndicats jusqu’au président du gouvernement, qui a rencontré les acteurs du dossier en fin de semaine. Une entrevue que Moetai Brotherson a commentée lors d’un direct Facebook samedi. Il rappelle que le Pays « n’est pas partie prenante » à l’audience de lundi, mais reconnaît tout de même, en creux, la part de responsabilité de l’administration : les crédits en attente de paiement de la Polynésie à l’égard d’Interoute, au travers des marchés de l’Équipement, mais aussi de la direction de l’Agriculture, atteindraient 200 millions de francs. « Nous paierons rapidement ce que nous devons à cette société », insiste le président qui dit avoir mobilisé ses services pour que les règlements soient faits « d’ici deux semaines ». Pour sauver Interoute ? A minima pour permettre d’offrir un meilleur plan de cessation d’activité à la centaine de salariés. Si, en cas de liquidation, certains, « reconnus pour leurs compétences », pourraient être rapidement embauchés par des concurrents – qui pourraient aussi être intéressés par les engins déployés dans les îles – d’autres devraient se voir proposer des départs à la retraite anticipés, ou des reconversions avec l’aide du Sefi. La ministre du Travail Vannina Crolas a été chargée, avec ces services, « d’accompagner » au mieux cet effort.
Les procédures administratives, « des paquebots plus que des poti marara«
Le chef du gouvernement, qui rappelle à plusieurs reprises hériter, sur cette question comme sur d’autres, d’une situation et de décisions de l’équipe précédente, s’engage surtout à tout faire pour « simplifier et les démarches » et « accélérer les délais de paiement » aux entreprises à l’avenir. C’était aussi l’objet de la grève du BTP de 2019 : les procédures administratives permettant à un prestataire du Pays de se faire payer sont depuis longtemps jugées inutilement complexes, aboutissant à des problèmes de trésorerie réguliers. Anormal, pour Moetai Brotherson : « Quand vous êtes en retard de ce que vous devez à la CPS ou aux impôts, il n’y pas de délais, il y a au contraire des amendes, des surcharges ». Il n’y en a pas quand c’est l’administration qui est en retard. « Nous avons commencé ce boulot » insiste le président, sans citer les efforts de modernisation déjà lancés ces dernières années par le gouvernement d’Édouard Fritch. « Ce travail va être fait, mais il ne portera ses fruits que d’ici deux ou trois mois, précise l’élu. Le temps de modifier les procédures, réorganiser l’administration… Ce sont des grosses machines, on ne peut pas les faire virer à 180° comme ça, c’est pas de poti marara, plus de paquebots ».