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Locked-in syndrome : « C’est toujours la même, c’est toujours Rahe, mais enfermée dans son corps »

C’est en mars 2022 que tout bascule pour Rahera Taaroa et sa famille. Sans que rien ne le laisse présager, l’enseignante, aujourd’hui âgée de 38 ans, est victime d’un AVC alors qu’elle est seule chez elle. Après trois heures à lutter pour respirer, elle est retrouvée à l’entrée de son domicile, quasiment mourante. S’en suivent 70 jours en réanimation, cinq mois d’hospitalisation au CHPF, puis deux ans en Bretagne, au centre mutualiste de rééducation et de réadaptation fonctionnelles de Kerpape. Elle est désormais de retour au fenua, avec tous ses esprits, mais « bloquée dans son corps ».

Rahera souffre du « locked-in syndrome », ou syndrome d’enfermement, un état neurologique rare dans lequel la personne est éveillée, voit tout, entend tout, mais ne peut ni bouger ni parler. Rahe, son compagnon Parea et leurs deux enfants ont aujourd’hui accepté cette nouvelle réalité. Grâce à une vague de solidarité qui s’est formée autour de la famille depuis ce fameux 19 mars, Miss Raromatai 2002 aborde cette nouvelle vie avec plus de sérénité. Pourtant, la vie de cette famille de sportifs a été ponctuée de nombreuses épreuves.

Les premiers jours ont été éprouvants, autant physiquement que moralement, se souvient le père de famille: « Tu dois gérer ta propre douleur, l’incompréhension de ce qui vient d’arriver, et puis il y a Rahe… Ça fait pitié, elle doit avoir peur, et moi, mon rôle c’est de la protéger, mais je suis impuissant », confie Parea. S’en suivent cinq mois de doutes avec des diagnostics inquiétants. « On lui a fait une trachéotomie, elle respirait difficilement avec une machine. On nous disait qu’il y avait de gros risques qu’elle ne puisse jamais respirer sans assistance », raconte encore Parea. Mais l’ancienne crossfiteuse a déjoué les pronostics. « Ils ont commencé à voir que Rahe est très têtue, très combative, et qu’elle n’était pas seule. Nous étions tous là, et rien ne pourrait nous séparer. Ils ont bien cerné son caractère, s’amuse-t-il. C’était un tiers le temps, un tiers elle qui se battait, et un tiers son kiné, Maxime, qui œuvraient. »

De Tahiti à la Bretagne

Devant cette combativité, une sorte de « compte à rebours » s’est enclenché. Le manque de structures d’accueil adaptées a alors poussé la famille à s’expatrier en métropole. Après un premier essai avorté en mai 2022, ils posent finalement leurs bagages en Bretagne, pour que Rahera puisse  bénéficier enfin d’un suivi adapté. Mais pour la famille, qui s’attendait à des progrès visibles, c’est le choc. « Ce qu’on a vécu n’était pas ce à quoi on s’attendait. Il s’agissait plus d’apprendre à vivre avec le peu de capacités qu’elle a, et de comprendre ce qu’on peut faire pour qu’elle mène une vie, entre guillemets, normale. »

Elle a retrouvé sa « dignité »

En avril 2023, un an après l’accident, l’heure est au bilan : les médecins estiment que Rahera a atteint les limites de son évolution. Un coup dur pour la mère de famille qui a cependant appris à « communiquer, se déplacer, et faire les choses basiques du quotidien » tout en étant handicapée. « À Tahiti, il faut le reconnaître, on a un problème avec le handicap. Un handicapé reste dans un coin de la maison, il se cache, il ne fait plus rien, il ne va pas au cinéma… À Ploemeur, en revanche, c’est très fréquent de croiser des gens en fauteuil électrique. Ils ne peuvent peut-être plus parler, bougent peut-être juste une main, mais ils font leurs courses seuls. Ils sont autonomes au maximum… au moins, ils retrouvent de la dignité, et c’est ce qu’on est allés chercher là-bas, sans le savoir. »

« All for Rahe » un mouvement solidaire

Le retour au fenua a ensuite fait l’objet de longues réflexions pour la famille. Rester en Bretagne, où tout est adapté, ou rentrer ? « Si on reste là-bas, on fait quoi ? Qu’est-ce que je peux leur offrir ? Ce serait compliqué, niveau qualité de vie. Ici, j’ai un bon salaire, on a notre maison. Mais par contre, il n’y a rien de PMR. Le plan, c’était que si on rentrait, il nous fallait au moins une voiture adaptée, un fauteuil… Il fallait tout. »

Un défi que Parea a réussi à relever grâce au collectif de soutien « All for Rahe », constitué dès les premiers mois après l’AVC. Pour celle qui est devenue son épouse au cours de cette épreuve, Parea a mis sa carrière d’officier de police judiciaire entre parenthèses.

« Je n’ai rien fait d’autre que de prendre mes responsabilités »

Si Rahera dispose aujourd’hui des meilleures technologies pour faciliter son quotidien, Parea est « ses bras » depuis plus de deux ans. « C’est toujours la même, c’est toujours Rahe, mais enfermée dans son corps », insiste Parea qui est devenu un héros pour la communauté qui suit leur aventure. Mais pour lui, il a juste fait son devoir. « Il y en a qui disent que je suis un super-héros. Mais honnêtement, moi, je n’ai rien fait d’autre que de prendre mes responsabilités. Je suis un mari, un papa, je suis le dernier rempart, il n’y a personne d’autre derrière… Je suis pas un super-héros. »

Aujourd’hui, la famille s’est réinstallée dans son fare à Punavai Nui. Cette maison qu’ils ont construite ensemble, sept ans avant le drame, a été réaménagée et adaptée à la nouvelle vie de cette maman encore pleine de vie et de projets. Parea évoque, entre autres, des futurs combats en faveur des personnes en situation de handicap. En attendant, ils doivent d’abord reprendre tranquillement leurs marques. Le père de famille retrouvera les rangs de la DTPN en janvier.

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