L’OFC, qui régit le football en Océanie, va lancer son championnat professionnel en 2026. Il s’agit d’un circuit en six étapes, sur cinq mois, pour lequel les déplacements seront pris en charge par l’OFC. Les appels à candidatures débutent en janvier pour les équipes intéressées : huit franchises venues de tout le Pacifique sont attendues et doivent trouver environ 170 millions de francs de budget. Reste à savoir si une équipe tahitienne sera de la partie. La fédération est toujours dans l’attente.
« On ne peut plus évoluer en amateur ». C’est, depuis cinq ans, le cheval de bataille de Franck Castillo, secrétaire général de l’OFC, et un vœu cher à son président Lambert Maltock. La Confédération océanienne de football est la seule au monde à ne compter aucun championnat professionnel. Ce constat ne sera plus d’actualité dès janvier 2026, date à laquelle l’OFC prévoit de siffler le coup d’envoi des premiers matchs de sa Pro League, sous le regard approbateur de la FIFA. « La création de cette ligue professionnelle est un élément fondamental du mandat », de Lambert Maltock, déclarait l’an passé le patron de la fédération internationale Gianni Infantino.
Révéler les futurs Karembeu, Zimako et Vahirua
Cette ligue vise à hausser le niveau global dans la zone, et notamment celui des sélections nationales, puisque les clubs engagés, venus de tout le Pacifique, seront essentiellement composés des meilleurs joueurs de leur pays. « Lors des qualifications pour la Coupe du monde, en 2022, la Nouvelle-Zélande avait battu Tahiti 1-0. Si les Tahitiens ne faisaient que du foot, à un niveau professionnel, ils pourraient les battre », illustre Franck Castillo.
Celui-ci voit cette nouvelle Pro League comme « un marchepied » pour les joueurs des îles. « Ici, il y a plein de petits Karembeu. Ils pourront se révéler dans le championnat de l’OFC, partir dans le championnat Australien, puis aller en Europe ». Ce Franco-espagnol, arrivé dans le Pacifique il y a un quart de siècle, rappelle qu’il s’agit aussi d’une opportunité pour les entraîneurs, les arbitres ou les cadres. « Avec ce projet, les gens seront motivés, tout va augmenter ». Bref, ne pas y aller, c’est dire adieu une sélection compétitive dans la perspective des qualifications à la Coupe du monde. Ce qui, hors Nouvelle-Zélande, n’a jamais été le cas jusqu’à présent en Océanie.
Cinq mois de compétition
L’OFC prévoit un évènement de lancement dès octobre 2025. Elle dessine actuellement les contours de cette Pro League et fait le tour des fédérations potentiellement intéressées. Le processus de candidature sera ouvert en janvier prochain, pour être clôturé fin juin 2025, avant l’annonce des participants en septembre.
L’OFC souhaite commencer avec au moins huit clubs, prêts à s’engager pour quatre ans dans une « ligue fermée », n’impliquant donc pas de relégation à un niveau inférieur. Et prévoit de commencer par un championnat sur cinq mois, de janvier à mai, disputé sur six rendez-vous programmés dans des stades hôtes définis à l’avance. « Il y aura cinq mini tournois, avec douze jours de récupération entre chaque et le dernier round sera consacré aux demi-finales et aux finales », pour déterminer le champion. Le nombre de matchs par round reste à définir, selon la configuration finale des engagés. « Chaque équipe jouera au minimum 17 matchs, ce qui est intéressant », note Franck Castillo.
L’autre partie de l’année serait consacrée aux championnats amateurs locaux, comme la L1 tahitienne ou la SuperLigue calédonienne. Franck Castillo aimerait laisser la possibilité aux joueurs des franchises professionnelles de jouer ces championnats avec un club une fois la Pro League terminée. Ce point nécessitera de sérieux ajustements dans les calendriers, car outre les cinq mois de compétitions, les joueurs seront aussi concernés par un à deux mois de préparation et un bon mois de congés en fin de saison. Soit près de huit mois d’indisponibilité.
Des déplacements pris en charge par l’OFC
L’OFC, qui a obtenu « des fonds de la FIFA », s’occupera de régler les notes de déplacement et d’hébergement sur place, en échange de récolter le produit de la vente espérée des droits TV. D’après Franck Castillo, monter une équipe coûtera donc environ 1,5 millions de dollars US par an (170 millions de francs) aux porteurs de projet, essentiellement pour la prise en charge des salaires. Ce qui nécessite de trouver des investisseurs et des sponsors. Certains gouvernements pourraient aussi participer.
« Tous les ans, le vainqueur de la Ligue Pro participera à la Coupe intercontinentale de la FIFA », qui réunit les vainqueurs des six plus importantes compétitions continentales, « avec une énorme exposition pour les sponsors », qui s’ajoute à celle offerte par la diffusion télévisée du championnat. Et ce n’est pas tout : tous les quatre ans la meilleure équipe de la Pro League, selon un prorata établi sur les quatre saisons, sera directement qualifiée pour la Coupe du Monde des clubs de la FIFA. Avec « l’important prize-money » qui va avec.
Cette place était jusque-là attribuée au vainqueur de la Ligue des champions d’Océanie. Si la création de la Pro League n’entrainera pas sa suppression celle-ci s’en retrouvera grandement dévaluée : elle n’accueillera plus que les clubs amateurs des championnats locaux, sans les meilleurs joueurs, ni l’enjeu représenté par une qualification au mondial des clubs. « On négocie tout de même avec l’Asie » pour que le vainqueur de la Ligue des champions d’Océanie joue contre le gagnant d’une compétition asiatique mineure.
L’Australie et Hawaii concernés, Fidji très motivé
Reste à savoir quels clubs et quelles fédérations franchiront le Rubicon vers le monde pro. Une place pour l’Australie et une autre pour Hawaïï sont ouvertes, qui, bien qu’appartenant à des confédérations continentales différentes, offrent des opportunités évidentes en termes d’investissement, de marketing et d’exposition. « La confédération asiatique (que l’Australie a intégré en 2006) et la Concacaf (Amérique du Nord/Centrale/Caraïbes) ont donné un accord de principe », précise le secrétaire général de l’OFC.
En ce qui concerne la Nouvelle-Zélande, les deux principaux clubs, Wellington Phoenix et Auckland FC, évoluent dans la A-League australienne, et ne sont pas concernés. Mais Auckland City, engagé dans son championnat domestique « réfléchit à y aller », confie un spécialiste du football océanien, au sujet du triple vainqueur sortant de la Ligue des Champions de l’OFC.
Dans les pays disposant de moins de moyens, « on espère que c’est la fédération locale qui va créer un club », glisse Franck Castillo. A Fidji par exemple, les choses ont bien avancé, d’après les médias locaux, qui rapportent que la fédération travaille avec des investisseurs pour présenter deux clubs. Et, selon nos informations, les fédérations des îles Salomon et du Vanuatu (dont le président n’est autre que celui de l’OFC) portent un projet pour développer une franchise avec leurs meilleurs joueurs. Enfin, la Papouasie-Nouvelle-Guinée tient des réunions d’informations avec ses clubs depuis un an, et a reçu la visite de l’OFC pour avancer sur le sujet.
A Tahiti, « l’OFC trouve que nous n’allons pas assez vite »
Parmi les fédérations les plus importantes d’Océanie, restent donc les deux francophones, Tahiti et la Nouvelle-Calédonie. Sur le Caillou, la situation économique actuelle complique les choses. Au fenua, « j’ai bon espoir qu’ils trouvent des investisseurs », note Franck Castillo. La réunion d’information à la FTF était prévue début décembre, mais celle-ci a été reportée à une date ultérieure. Le trésorier de la fédération Jean-François Martin concède bien volontiers que « l’OFC trouve que nous n’allons pas assez vite ». Et souffle le chaud et le froid, à un peu plus d’un mois de l’ouverture de l’appel à candidatures : « Sur le principe et les objectifs, j’adhère… Nous réfléchissons… Il faut désigner un chef de projet, tout est ouvert, mais il y a pas mal de prérequis à mettre en place. Nous attendons le cahier des charges de l’OFC », qui pourrait par exemple exiger qu’un club soit doté d’une académie de formation ou d’infrastructures bien précises.
Il explique notamment « attendre des éclaircissements sur les financements », alors que « nous avons déjà du mal à absorber sept sélections ». « On doit aussi convaincre les clubs amateurs », qui seraient alors contraint de voir leurs meilleurs joueurs partir dans la nouvelle entité professionnelle. À ce sujet, le président d’une des équipes les plus en vue du fenua nous assure qu’il n’est « pas au courant » de la création de cette Ligue professionnelle.
Un statut local à définir
Autre point, et non des moindres, la question du statut des joueurs, puisque la notion de sportif professionnel n’existe pas en Polynésie. En métropole, les joueurs évoluant dans des championnats semi-professionnels (entre la 3e et la 5e division), mais aussi les joueuses de D1 et D2, peuvent être rémunérés par un « contrat fédéral », un CDD à la grille de rémunération variable, homologué par la FFF. Il faudrait donc créer une formule de ce type au fenua, notamment pour signer des CDD pouvant aller jusqu’à quatre ans. « Il faudrait modifier le code du travail, peut-être aussi demander un allègement des charges sociales », suggère le trésorier. « Le Pays n’a pas encore été approché, », poursuit celui qui explique qu’une réunion sera nécessaire entre « le gouvernement, l’OFC, la FTF et la FIFA ».
Bref, « ça se structure et ça se prépare », affirme le trésorier, qui dit n’être informé de l’évolution du la Pro League que « en pointillés » au fil des ans, quand bien même le Comex de l’OFC l’a approuvée en 2022. Il assure que, si franchise tahitienne il y a, « ça doit être piloté par la Fédération », fermant ainsi la porte à toute initiative venue d’un club ou d’un privé, qui apporterait à l’OFC un projet ficelé avec des sponsors solides. Reste à ne pas louper le train, car en attendant, les autres nations avancent. « Si tu n’y vas pas, c’est la mort de ton football », assure une figure locale du ballon rond.