La Direction à l’habitat et à la ville (DHV) a été chargée, en 2025, de créer un groupe de travail sur la réforme de la location saisonnière, ainsi que de lancer une étude sur son impact sur la location longue durée. De quoi interpeller Hinamoeura Morgant, qui défend l’intérêt de ces logements moins chers – et désormais plus nombreux – que les chambres d’hôtels. Moetai Brotherson lui a rappelé que dans certaines zones de « tension extrême sur le marché », les AirBnB empêchaient les Polynésiens de se loger, ne profitant qu’à la spéculation. « Ils ont leur place, mais il faut rationaliser », explique le président.
C’est une petite ligne budgétaire qui a attiré l’attention dans les rangs de Tarahoi, ce mercredi. La Délégation à l’habitat et à la ville (DHV) est dotée, pour 2025, de 29 millions de francs pour mener diverses réflexions sur le logement. L’élaboration, d’abord, d’une « stratégie de reconquête de l’habitat vacant », mais aussi, pour 5 millions de francs, une étude sur « les effets de la location saisonnière sur la location longue durée ». Un groupe de travail doit même être lancé dans la foulée pour réfléchir à une réforme sur ce sujet, comme sur ceux des organismes privés de logement, des baux d’habitation et de la vacance des logements. Mais c’est bien le cas des AirBnB – dits aussi meublés de tourisme dans la réglementation – qui a interpellé Hinamoeura Morgant.
Les AirBnB « répondent à une demande »
Au micro de l’assemblée, l’élue – toujours Tavini – s’interroge sur la vision du gouvernement de ces locations de courte durée et se remémore un échange – une « joute verbale », dit-elle – avec un représentant de la présidence sur le sujet en commission. « Il a beaucoup tapé sur la location saisonnière, les AirBnB, tout en oubliant qu’ils répondent à une demande : on a aujourd’hui des hôtels extrêmement chers et avec les locations saisonnière, on peut avoir une nuit à 12 000 francs par nuit, et ils répondent à ce qu’on souhaite : 600 000 touristes, il faudra bien les loger, surtout avec la non réouverture de certains hôtels. Donc je trouvais ça dommage, lorsque l’année dernière lorsqu’on avait décidé de mettre en place une fiscalité plus contraignante de cette location saisonnière, ça n’allait pas en corrélation avec le programme et cette volonté de 600 000 touristes ».
Bref l’élue bleu ciel interpelle et interroge sur une éventuelle volonté de l’exécutif de resserrer les règles sur ces logements, bien pratiques pour les touristes, et souvent bien lucratifs pour leurs propriétaires.
Mettre fin à la « spéculation » et éviter d’empirer la « tension extrême » sur le logement
Et le gouvernement a effectivement l’intention de mieux réguler, comme le lui a immédiatement confirmé Moetai Brotherson, personnellement en charge du portefeuille du logement, alors aux côtés de Oraihoomana Teururai, qui pourrait le reprendre en début d’année. « Force est de constater que la location saisonnière, parce que la nature a horreur du vide, est venue combler un déficit en clés dans l’hôtellerie classique, à telle enseigne qu’aujourd’hui, il y a plus de clés dans cette locations saisonnière que dans l’hôtellerie classique en Polynésie, détaille le président. Maintenant, il est vrai aussi qu’on a une tension extrême sur le marché du logement à l’année. On a des personnes qui n’arrivent plus à se loger parce que le moindre logement est mis en AirBnB ».
Le gouvernement en sait quelque chose : « quand on veut envoyer des agents de l’administration à Bora Bora, on ne trouve pas à les loger », pointe le président, et « ça n’est pas la seule destination qui souffre de syndrome-là ». Un syndrome amplifié, toujours d’après le chef du gouvernement, par des achats groupés d’appartement en Vefa – parfois par des investisseurs « n’ayant jamais mis un pied en Polynésie » – pour les louer en saisonnier. « J’appelle ça de la spéculation », lance-t-il. L’idée est donc de « trouver un équilibre », de « rationaliser », « comme ça se fait partout dans le monde ».
Moetai Brotherson donne l’exemple du Pays Basque qui a fixé un nombre de jours maximum de location en AirBnB par logement, ou New-York qui a « carrément interdit » la pratique – la location de chambre au sein d’un logement habité y reste toutefois légal. La location saisonnière « a sa place » en Polynésie, rassure le président, mais il s’agit a minima de « réguler dans les zones sous tension ». L’étude de la DHV permettra d’en savoir plus sur ces zones où les AirBnB privent des Polynésiens d’un accès au logement. Cette régulation fait en tout cas partie des préconisations que l’on retrouvera dans le rapport de la commission d’enquête de l’assemblée sur l’inflation des prix de l’immobilier dont la présentation est prévue demain dans l’hémicycle.
Fin 2023, le premier pack fiscal de la mandature avait ajusté à la hausse la taxation des meublés de tourisme, provoquant déjà un peu de débat. Quelques mois plus tard, le ministre des Finances Tevaiti Pomare avait expliqué qu’un nouvel alourdissement de cette fiscalité n’était plus à l’ordre du jour. Et que l’explosion, relevée par l’ISPF des logements dédiés à la location saisonnière ( +88% depuis 2017 à Moorea pour atteindre 1 480 logements), +252% à Bora Bora avec 680 logements, +173% à Huahine…) était un phénomène « positif ». Tevaiti Pomare a depuis été remplacé par son ex-conseiller Warren Dexter qui n’a pas annoncé de nouveau chantier fiscal sur ce sujet.