L’Office polynésien de l’habitat organisait ce jeudi un « forum ouvert » sous le chapiteau de la présidence, en préparation de sa future feuille de route 2023-2028 autour de trois grands axes : la construction durable, l’autonomie alimentaire et énergétique, et le mieux-vivre ensemble. L’occasion de faire un état des lieux avec le directeur de l’OPH, Moana Blanchard, avant son départ fin août.
Plus de 130 participants étaient à ce rendez-vous ouvert jeudi matin par Chantal Galenon, ministre en charge du Logement : des agents de l’OPH, bien sûr, mais aussi des représentants des services du Pays, de plusieurs communes et de l’État, de l’Agence française de développement (AFD) et l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (Ademe), de la Fédération des associations pour la protection de l’environnement (Fape), des associations de locataires de l’OPH et de plusieurs entreprises. Ils ont planché sur des sujets qu’ils ont définis ensemble au sein de 14 ateliers, autour des trois axes de réflexion proposés par l’Office : la construction durable, l’autonomie alimentaire et énergétique, et le mieux-vivre ensemble, explique le directeur de l’OPH Moana Blanchard.
Créer des faa’a’pu dans les résidences, préserver les grands arbres, améliorer l’assainissement, optimiser la climatisation naturelle des constructions, réduire l’utilisation du bitume, augmenter la part de matériaux locaux (l’OPH est le plus gros importateur de bois du fenua, et aussi le plus gros client des scieries locales), mutualiser les équipements pour la maintenance des résidences et la confier à des jeunes en CAE, ou encore rétablir le « 1% logement» sur les cotisations sociales pour contribuer à la construction de logements, les idées n’ont pas manqué.
Traiter l’aspect qualitatif, notamment sur le plan du développement durable, de l’offre de logement social est sans aucun doute une louable initiative. Mais c’est toujours l’aspect quantitatif qui pêche : l’OPH comptabilise à ce jour 5 000 demandes. Les multiples difficultés de la politique polynésienne de logement social ont été cataloguées dans un rapport de la chambre territoriale des comptes en 2019. Elles restent d’actualité.
4 000 demandes en logement collectif, 1 000 demandes de fare
Le « stock » de demandes de logements OPH est plus élevé que jamais : 4 000 demandes d’appartements alors que la production de ces logements n’a guère dépassé 100 unités par an ces dernières années, et 1 000 demandes de fare, sans compter les demandes d’aides en matériaux. « Le plus gros enjeu, dit Moana Blanchard, ce sont ces familles qui n’ont pas de terrain et doivent attendre des années. Récemment j’ai inauguré un lotissement, il y avait une dame qui attendait depuis 22 ans. »
Une nouvelle filiale de l’OPH
L’OPH a récemment créé Arana, une filiale chargée de développer du logement intermédiaire destiné aux ménages disposant de 2 à 4 smig – « des gens dont les revenus ne sont pas assez élevés pour aller dans le marché libre, mais trop élevés pour le logement social ». Une structure qui va pouvoir bénéficier de conditions exceptionnelles de financement, sur 50 ans, auprès de la Banque des territoires. Car les organismes privés de logement social sur lesquels le gouvernement précédent avait misé n’ont pas changé la donne : « il semblerait qu’il y ait des difficultés administratives pour faire coïncider la défiscalisation nationale et la défiscalisation locale », avance Moana Blanchard en guise d’explication. Il explique aussi que l’OPH n’est pas dans la même logique de temps et de marges que les opérateurs privés, et que sa nouvelle filiale pourrait proposer des logements 20% moins cher. Reste à surmonter un autre obstacle réglementaire pour obtenir ces financements : le Pays ne peut pour l’instant pas garantir les opérations d’Arana à 100% – ce type de garantie influe négativement sur la notation de la collectivité.
L’accession à la propriété, au ralenti
En 2006, le gouvernement avait ouvert la possibilité de faire accéder à la propriété les locataires de 22 lotissements. Mais le processus est lent, très lent. En cause selon Moana Blanchard, la complexité administrative : « il faut refaire les documents d’arpentage, régulariser ou pas les extensions sauvages qui constituent un risque juridique pour nous, et puis surtout que les accédants établissent un cahier des charges, ce qui prend au minimum deux ans ».
Plus d’un milliard de Francs d’impayés
Le taux d’impayés à l’OPH serait de 27%. Moana Blanchard rappelle que le montant des loyers impayés avait atteint 4 milliards et affirme que le montant à recouvrer aujourd’hui est plus proche d’un milliard, soit un an de chiffre d’affaires. Mais une bonne partie de ce rattrapage est un artifice comptable, l’admission en non-valeur qui concerne des sommes encore théoriquement recouvrables. Et certaines créances, elles, ne seront jamais honorées : chaque année, l’OPH passe 100 millions de Francs d’impayés en pertes.
« Un sujet récurrent, je dirais que ça fait partie du rôle de l’OPH comme facteur de paix sociale », dit Moana Blanchard avec un certain fatalisme. Les locataires, dit-il, attendent trop longtemps avant de négocier un plan de paiement. D’autres ne reconnaissent pas l’OPH comme le bailleur légitime, lorsqu’un logement leur a été attribué suite à l’intervention d’une personnalité. La volonté de la nouvelle ministre Chantal Galenon d’anonymiser les dossiers en commission d’attribution permettra peut-être un changement des mentalités, des deux côtés.