Melun (AFP) – Jacqueline Sauvage, condamnée à dix ans de réclusion pour le meurtre de son mari violent, mais partiellement graciée par François Hollande, reste en prison : le tribunal d’application des peines lui a refusé vendredi sa demande de libération conditionnelle.
« Nous sommes sous le choc », ont déclaré ses avocates, Me Nathalie Tomasini et Janine Bonaggiunta. Après la décision rendue par le tribunal d’application des peines (TAP) de Melun (Seine-et-Marne), elles ont dénoncé en conférence de presse « un véritable acharnement judiciaire » de la part de magistrats « qui probablement règlent leurs comptes car la grâce présidentielle a été extrêmement mal perçue par l’ensemble de la profession ».
Le parquet, qui avait pris des réquisitions favorables à la remise en liberté de cette femme, devenue un symbole des violences conjugales, « va faire appel » de la décision du TAP, a annoncé à l’AFP la procureure de Melun, Béatrice Angelelli.
Jacqueline Sauvage, 68 ans, avait été condamnée en appel en décembre à dix ans de prison par la cour d’assises du Loir-et-Cher pour le meurtre de son mari, qui la battait depuis des années et avait violé ses filles.
Sa condamnation avait suscité une vague de mobilisation, et la demande de grâce présidentielle formulée par ses filles avait été appuyée par de nombreux parlementaires et personnalités. Une pétition « Libérez Jacqueline ! » avait recueilli 400.000 signataires dans toute la France.
Le chef de l’État lui avait accordé le 31 janvier une grâce « partielle », notamment de la période de sûreté, ce qui lui permettait de présenter immédiatement une demande de libération conditionnelle.
Dans sa décision, le TAP reproche à Jacqueline Sauvage « de ne pas avoir confirmé qu’elle avait finalement choisi de commettre ces faits et de ne pas assez s’interroger sur son acte », ont indiqué ses avocates à l’AFP.
« Il est précisé qu’elle ne peut prétendre vivre à proximité des lieux des faits, dans un environnement qui, compte tenu des soutiens dont elle bénéficie, et de la médiatisation des faits, risquerait de la maintenir dans une position victimaire », ont-elles ajouté.
« On lui a reproché la médiatisation, alors qu’elle n’y est pour rien », ont-elles encore dénoncé.
– « Incompréhensible » –
Jacqueline Sauvage avait été transférée début février à la prison de Réau pour subir une expertise psychologique et médicale afin d' »évaluer » sa « dangerosité ». A l’issue de son évaluation, une commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, où siègent notamment le préfet du département et un bâtonnier, avait émis un « avis défavorable » à sa libération.
Dans la classe politique, les réactions indignées n’ont pas tardé.
« Cette troisième peine est incompréhensible », pour la maire PS de Paris Anne Hidalgo, un terme également employé par François Bayrou (MoDem). Décision « injuste » et « cruelle », selon Jean-Luc Mélenchon, candidat de « la France insoumise » à la présidentielle. Et « un signal catastrophique envoyé aux femmes battues », pour la députée Valérie Boyer (Les Républicains). « Restons mobilisés », a, elle, lancé Nathalie Kosciusko-Morizet (LR).
« Jacqueline Sauvage DOIT SORTIR », a de son côté tweeté Eva Darlan, la présidente du comité de soutien de la sexagénaire, demandant « un rendez-vous avec Francois Hollande ». De son côté, l’association féministe Les Effronté-e-s s’est dite « accablée et scandalisée » par ce rejet.
Jacqueline Sauvage avait été reconnue coupable, en première instance comme en appel, d’avoir tué son mari de trois coups de fusil dans le dos en 2012, après 47 ans d’enfer conjugal.
L’avocat général avait demandé la confirmation de la condamnation, jugeant que « la légitime défense n’est absolument pas soutenable ».
Lors de l’audience, ses trois filles avaient témoigné violemment à charge contre leur père, entrepreneur d’une société de transport, tué à l’âge de 65 ans. Toutes trois ont été violées, battues comme l’était leur mère. Leur frère, également victime des violences de son père, s’était suicidé la veille du jour où Jacqueline Sauvage a tiré sur son mari.
Aujourd’hui, « ses filles sont tout simplement dévastées », ont dit ses avocates. « Elles ne savent pas comment annoncer la décision à leurs enfants ».
© AFP/Archives JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN
Maîtres Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini lors d’un procès le 21 mars 2016 à Nancy