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Manoukian ravit l’Interconti, et dit « à bientôt » à Tahiti


Le jazzman volubile a enchanté la scène du motu de l’Intercontinental, ce samedi soir, avec sa conférence pianotée. Un savant mélange d’humour, de pédagogie, de technicité et de poésie, qui a laissé le public un peu plus érudit. Et entre deux monologues passionnés – et parfois un brin obsédés – André Manoukian a laissé entrevoir son talent de pianiste. Et son univers musical où il voudrait emmener, à l’avenir, le public du fenua, pourquoi pas avec une formation plus étoffée. 
« Vous allez assister à une tentative d’accouplement entre un homme et son instrument », avait prévenu André Manoukian. Un trait d’humour parmi beaucoup d’autres, mais le fait est que dans ses impro-compositions, qui divaguent entre le jazz, le classique et les sons d’Orient, il ne paraissait souvent faire qu’un avec son piano, ce samedi soir. Qu’un avec son public, aussi. Près de 800 spectateurs qui ont rempli le motu de l’Interconti pour cette représentation unique à Tahiti, et qui, outre les fous rires, sont revenus de leur soirée un peu plus érudits. Car quand il ne pianote pas, Manoukian discute, imite, cite, moque, invente aussi parfois, il l’avoue, mais surtout explique beaucoup. « Il arrive à parler de sujets très techniques sur la musique avec une telle poésie que tout le monde le suit », s’étonne une professeure de chant dans l’assistance. « C’était très pédagogique, j’ai appris beaucoup de choses, complète Sylvio Cicero, pourtant fin connaisseur – et même, lui aussi, professeur – en matière musicale. Et puis il est drôle, il habille tout ça avec des vannes, c’est très bien fait ».
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Le culte de l’anecdote et la culotte

800 personnes, donc qui lors des prochains dîners mondains expliqueront peut-être comment la décapitation de Robespierre a donné l’impulsion au jazz, comment la musique militarisée peut « filer la gastro » à des diplomates, ils parleront peut-être de ce que jouaient les enfants de Bach pour l’endormir, du vrai nom de la « Élise » de Beethoven… Ou encore de la méthode de respiration anale et de la connexion entre le « périnée de la chanteuse et la moustache du pianiste ». Car si le jazzman, comme il l’avait annoncé, a parlé d’histoire de la musique dans ce one-musician-show, c’est toujours en passant par l’anecdote… Et très souvent par la culotte, que l’on parle de la sensualité du violoncelle contre le bas ventre ou des amours du jeune Mozart pour ses belles-sœurs. André Manoukian s’est aussi livré sur ses propres émois, ses scènes ou son histoire familiale. Mais sous les cocotiers de Faa’a, c’est tout de même en faisant vibrer les « formes psychoérotiques » de son instrument, parfois transformé en oud ou en cithare, qu’il a terminé, sous des applaudissements nourris, cette conférence passionnée et pianotée.

 

Chacun sa dédicace
Un dernier morceau où il lie Aznavour et sa grand-mère arménienne, Anouch. Anouch, c’est aussi le titre de son dernier album, très personnel, et qu’il aimerait venir jouer avec « deux ou trois zikos » lors d’un quatrième séjour à Tahiti. Vu la file d’attente devant son stand de dédicace à la sortie du concert, il n’aura pas de mal à trouver un public. Dans la queue,  des musiciens en herbe venus lui tendre une clé USB ou chercher un conseil, dont la jeune chanteuse Lylia qui à qui Manoukian a laissé ses coordonnées après sa première partie réussie, des mélomanes avec une question en tête, des curieux qui ont apprécié ses ouvrages de vulgarisation musicale… Il prend le temps de parler à tout le monde : « Dans le spectacle, je raconte que quand j’étais gosse j’allais chercher des conseils auprès des pianistes du Yacht Club, pointe-t-il. Alors si à mon petit niveau je peux aider ».
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La musique « c’est du sacré et du sucré », dit-il. C’est surtout du beau spectacle et du partage.