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Marquises inscrites à l’Unesco : « le plus simple a été fait, maintenant, il faut gérer »

Le Marae de lipona, à Hiva Oa ©DCP


Après les discours de célébration de l’inscription votée le 26 juillet, le travail ne fait que commencer aux Marquises autour des sites naturels et culturels désormais estampillés Unesco. La priorité : mettre sur pied le comité de gestion de ces sites terrestres et marins, répartis sur six îles, afin de lancer la centaine d’actions de préservation et de valorisation qui ont déjà été listées dès le dossier de candidature.

Trente ans de discussions, au moins sept ans de travail concret… Le vote de l’inscription des Marquises au patrimoine mondial de l’humanité, le 26 juillet, est la récompense de longs efforts communs à la Codim, au Pays, aux associations ou à l’État et son Office français de la biodiversité (OFB). Mais en Terre des hommes comme à Papeete, personne ne veut le cacher : « le plus simple a été fait, maintenant il reste le plus dur : il faut gérer un bien complexe », comme le résume Anatauarii Tamarii, le responsable de la cellule patrimoine culturel à la Direction de la Culture et du Patrimoine.

Bien « mixte » reconnu à la fois pour la richesse de ses sites culturels et certains de ses espaces naturels, bien « en série », avec des sites séparés les uns des autres et répartis sur six îles de l’archipel, dans des espaces à la fois terrestres et marins, « Te Henua Enata – Les îles Marquises », comme il s’intitule désormais dans la liste de l’Unesco, est effectivement un dossier singulier sous bien des aspects. Et l’objectif est à la fois de le préserver et de la valoriser, un équilibre subtil qui est au centre des engagements du dossier de candidature. Oui, l’Unesco doit attirer, aider à développer les Marquises, participer au rayonnement de l’Archipel, mais la Terre des Hommes ne doit pas être dénaturée. « Il ne s’agit ni de mettre sous cloche ni de faire du développement de masse. Les Marquises ça n’est ni Venise ni le Machu Picchu », pointe l’archéologue.

Travaux en cours pour trouver les membres du comité de gestion

Pour donner les bases de cet équilibre, et des engagements de chaque acteur, un plan de gestion a été versé au dossier de candidature et a depuis l’inscription été mis en ligne par l’Unesco. Si c’est le Pays qui a la charge de son application, en tant que gestionnaire reconnu du bien auprès de l’organisme onusien, il n’a jamais été question de laisser ses administrations travailler seules, rappelle l’archéologue. Dès le retour des délégations de New Delhi, les « cotech » ont été reformés et les travaux ont été lancés pour constituer le « comité de gestion » du bien Unesco. C’est cette structure « qui doit permettre d’établir la feuille de route des coordinateurs et des administrations pour assurer l’intégrité du bien et permettre aux communautés locales d’être complètement impliqués dans la gestion du bien ».

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C’est un arrêté du Pays qui fixera la composition exacte de ce comité, qui devrait se réunir deux fois par an. En son sein, on retrouvera bien sûr les ministères et directions impliqués dans l’écriture du dossier de candidature – la culture et l’environnement, qui étaient jusqu’à peu deux portefeuilles confiés à un même ministre. On y croisera des représentants de l’État, qui a accompagné l’inscription et s’est engagé à accompagner la gestion, dans la limite de ses compétences, notamment au travers de son Agence française de la biodiversité ou à ses financements, issus du Fonds Vert ou d’ailleurs. La Codim, bien sûr, tiendra une place centrale dans el comité, où les six Hakaiki disposeront chacun d’un siège. Les représentants de la « société civile » de l’archipel devraient aussi en avoir six : un porte-parole des associations doit être nommé dans chacune des îles.

Un choix pas si facile quand on connait les différences de points de vue sur l’intérêt de cette inscription. Des ambassadeurs, recrutés par une agence mandatée par la Codim, parcourent actuellement les communes pour aider les associations à s’organiser. « L’idée, c’est que les membres du comité ne soient pas choisis ou imposés par qui que ce soit, reprend le responsable de la cellule patrimoine culturel. Tout ça doit se faire dans le consensus ».

24 objectifs stratégiques, 101 actions déjà définies

À ce comité, une fois créé, de mener à bien le plan qui liste déjà 24 objectifs principaux, et 101 projets d’actions qui en découlent. Des actions qui visent à maitriser les espèces invasives sur les sites, prévenir le risque d’incendie, se doter d’une signalétique et d’informations sur place, renforcer l’implication des riverain, sensibiliser les touristes et développer les capacités d’accueil, réduire les différentes pollutions (déchets, pesticides…), mieux gérer les cours d’eau, revoir certaines règlementation et PGA, développer la pédagogie sur ces sites dans les écoles et pas seulement celles des Marquises, favoriser la coopération internationale, pour le développement ou la recherche scientifique, parfaire la connaissance des sites… Vaste programme, donc, qui s’étale déjà, dans les documents d’inscription, jusqu’à 2039.

Mais toutes ces actions ont besoin d’être précisées, coordonnées, hiérarchisées, financées, complétées… C’est le travail du comité et de la coordinatrice, recrutée par la Codim grâce à des fonds nationaux, et seule salariée entièrement dévouée à la gestion du bien Unesco. Elle sera tout de même bien entourée : dans les faits une bonne partie de ces actions seront menées par les administrations, du Pays, de l’État ou des communes. Qui les inscriront dans leur calendrier : « le plan de gestion ne vient pas modifier l’action de ces services, bien au contraire : plusieurs actions viennent conforter leur feuille de route » précise Anatauarii Tamarii. Ainsi, et à titre d’exemple, le Pays a prévu une évaluation sanitaire des sites archéologique qui doit passer, dans les mois à venir par les Marquises, et l’effort de rationalisation des points de mouillage écologiques ou de création de zones maritimes, lancé dans tout le pays, sera aussi orienté vers Henua Enata.

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L’application de ce plan de gestion n’est pas une option pour le Pays : son effectivité sera contrôlée par l’Unesco au bout de cinq ans. C’est d’ailleurs ce qui devait arriver en 2022 pour l’ensemble de marae de Taputapuatea, premier site polynésien inscrit au patrimoine mondial en 2017. Le Covid a décalé les inspections, et ça n’est pas plus mal, puisque les gestionnaires ont pris du retard sur beaucoup d’actions à mener. Le risque, en cas de manquements graves aux engagements du dossier d’inscription, c’est l’inscription du bien sur la liste du patrimoine en péril. « On n’y est pas, loin de là », assure-t-on à la DCP, mais un effort particulier doit tout de même être développé à Raiatea en attendant le calendrier de visite des experts de l’Unesco.

La Vallée de Hatiheu, à Nuku Hiva ©Unesco