ACTUS LOCALESPOLITIQUE Matari’i férié « le dernier vendredi de novembre »… mais peut-être pas pour tout le monde Charlie Réné 2024-11-05 05 Nov 2024 Charlie Réné L'association Haururu fait en sorte de faire vivre les cérémonies traditionnelles des levers et couchers des Pléiades dans la Papenoo. Mais le gouvernement veut donner beaucouplus d'ampleur à ces célébrations. ©C.R. Comme annoncé voilà plusieurs mois, le gouvernement veut instaurer, en 2025, un nouveau jour férié dédié au lever des Pléiades et au début de la saison traditionnelle de l’abondance. Une célébration qui remplacera celle de la Fête de l’autonomie, et qui devrait se fixer non pas sur le 20 novembre, comme cela avait été annoncé, mais sur « le dernier vendredi » du même mois. Des consultations sont en cours pour faire évoluer dans ce sens le Code du travail, mais cette réforme sera sans effet sur certains secteurs si les conventions collectives ne sont pas modifiées… Plusieurs d’entre elles, notamment la convention commerce, font une référence directe au 29 juin. L’ordre du jour avait été diversement apprécié par les partenaires sociaux, lors de la « bipartite » organisée le 25 octobre dernier sur les projets de réforme du Code du travail. Aux côtés d’un projet de texte sur les « accords majoritaires » – qui ne fait visiblement pas encore consensus – la Direction du travail avait invité les représentants syndicaux et patronaux à s’exprimer sur un « projet de loi du Pays relatif au jour férié dit Matari’i ». À la CSTP-FO comme dans d’autres organisations, on s’était étonné à haute voix de la priorité accordée par le gouvernement à ce projet, alors que des évolutions importantes du même code – sur la simplification des procédures administratives, ou la lutte contre les faux-patentés, entre autres – sont demandées depuis de longs mois par les entreprises ou leurs salariés. Mais personne, autour de la table, ne pouvait feindre la surprise sur ce projet, déjà débattu à plusieurs reprises ces 20 dernières années, remis sur la table par l’ancienne vice-présidente en charge de la Culture, Éliane Tevahitua, travaillé au travers de rencontres avec des associations culturelles ou de spécialistes avant d’être confirmé en conseil des ministres fin avril. Le gouvernement avait alors annoncé l’inscription dans le calendrier officiel du passage à Matari’i i ni’a, la saison traditionnelle de l’abondance qui débute avec l’apparition dans le ciel polynésien de la constellation des Pléïades. Et la suppression – en guise de « substitution » – d’un autre jour férié : la Fête de l’autonomie du 29 juin, célébration jugée « politique » et qui ne ferait « pas l’unanimité ». Voilà pour l’annonce, restait à concrétiser dans les textes, mission confiée depuis lors au ministère et à la direction du Travail. Une date mouvante pour garder un weekend de trois jours Car il ne suffit pas de « décréter » un jour férié. Si le Pays peut facilement faire la bascule entre la Fête de l’Autonomie et Matari’i auprès de ses propres agents, il faut réformer le Code du travail pour l’appliquer aux salariés du privé. Et donc consulter les partenaires sociaux, dont certains ont été surpris – pas forcément de façon négative – par l’ébauche de loi du Pays qui leur a été présenté. La date retenue pour le jour férié n’est en effet plus le 20 novembre – qui avait pourtant été évoquée après le passage du spécialiste néozélandais Rangiānehu Mātāmua, confirmée en conseil des ministre, et qui revêtait pour Eliane Tevahitua une « double symbolique » en correspondant aussi à la Journée internationale des droits de l’Enfant – mais « le dernier vendredi du mois de novembre ». De quoi assurer aux salariés, chaque année, un weekend de trois jours et ainsi donner de l’ampleur à ces festivités traditionnelles que l’ancienne vice-présidente rêvait en « fête nationale », et autour desquelles elle avait même parlé de déplacer le Heiva. Pour 2025, ce serait donc le vendredi 28 novembre qui serait férié, à la place du 29 juin. La proposition, sans provoquer un grand enthousiasme, n’a pas levé d’oppositions fermes chez les partenaires sociaux. Mais du côté du patronat on a mis en garde : la modification du Code du travail ne suffira pas. Et pour cause : le code ne fait que lister des jours fériés officiels (voir ci dessous) sans y attacher de conséquences particulières en termes de rémunération ou de présence, à l’exception du 1er mai. Le tri entre les jours fériés chômés, non chômés, sur-rémunérés ou simplement ignorés est laissé à l’appréciation de chaque branche professionnelle, au travers des conventions collectives. « Disparités d’application » à prévoir Or les rédactions de ces accords sont très variables sur les questions de jours fériés. Sur la petite vingtaine de conventions sectorielles, une majorité comme celles de l’industrie, des banques, des assurances, du gardiennage, de l’éducation catholique et protestante ou du BTP renvoient directement leur liste des jours fériés et chômés à celle du code. Ou prévoient, comme celle des hydrocarbures, une mise à jour « automatique » de la liste sur la base des arrêtés du gouvernement ou des délibérations de l’assemblée. Pas de difficultés, dans ces secteurs, qui appliqueront de plein droit les changements apportés dans la loi. Mais d’autres conventions listent elles-mêmes, et sans référence au Code du travail, les jours fériés et chômés. C’est le cas de celle, très importante, de la branche commerce, mais aussi de la convention de la manutention portuaire, du transport aérien, de l’imprimerie, la presse et la communication ou de la convention du nettoyage, qui font toutes une référence directe au 29 juin et à la Fête de l’Autonomie, avec des régimes différents associées à ce jour férié. Sans modification de ces documents par les partenaires sociaux, la loi du Pays en pleine préparation sera sans effet dans ces secteurs. Les employeurs, comme le confirme la Direction du travail, « ne seront pas dans l’obligation de traiter le nouveau jour férié du dernier vendredi de novembre en tant que jour chômé et payé, et devront maintenir la date du 29 juin si elle est fixée conventionnellement ». À noter que la convention de l’hôtellerie et la restauration, qui concerne plusieurs milliers de salariés, ne fait pas de référence au Code du travail, mais ne considère pas la Fête de l’Autonomie comme un jour chômé. Ces conventions seront-elles revues d’ici juin 2025 ? Pas sûr quand on sait que plusieurs conventions viennent de faire l’objet de négociations et quand on connait la lenteur de ce genre de discussions dans certains secteurs. Tout dépendra de la volonté et la motivation des patrons et syndicats de chaque branche, les autorités « ne pouvant initier les négociations en lieu et place des partenaires sociaux ». Côté Pays, on le confirme : le premier lever des Pléiades officiellement inscrit dans le calendrier pourrait se faire avec une certaine « disparité d’application ». La « fête nationale » attendra encore un peu. 14 jours fériés dans le Code du Travail C’est l’article 3223 du code qui liste les jours fériés applicables en Polynésie. Le 1er mai, fête du travail a le droit à quatre alinéas pour lui tout seul : il est le seul jour systématiquement férié, chômé et payé, ou, pour les entreprises « qui ne peuvent interrompre le travail », doublement indemnisé. Les autres jours – au nombre de 13, contre seulement 10 en métropole – sont listés dans le premier alinéa, qui laisse aux conventions collectives le soin d’attribuer un statut à chacun : 1. le 1er janvier (Jour de l’An) ; 2. le 5 mars (Arrivée de l’Evangile) ; 3. le Vendredi Saint ; 4. le Lundi de Pâques ; 5. le 8 mai (Fête de la Victoire 1945) ; 6. l’Ascension ; 7. le Lundi de Pentecôte ; 8. le 29 juin (Fête de l’Autonomie interne), qui sera donc remplacée en 2025 par « Matari’i », le dernier vendredi de novembre 9. le 14 juillet (Fête nationale) ; 10. l’Assomption ; 11. le 1er novembre (la Toussaint) ; 12. le 11 novembre (l’Armistice) ; 13. le 25 décembre (Jour de Noël). 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