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Jean, un braqueur sensible

De début août à novembre, Jean, bien connu dans Papeete et ses environs comme voleur à la tire, a commis cinq vols à l’arraché. Incarcéré actuellement à Nuutania, c’est par visioconférence que s’est déroulé son audition. Une audition rythmée par les gémissements et pleurs du prévenu. Il a été condamné à deux ans de prison dont six mois avec sursis.

Jean a 37 ans et quatre enfants à charge. Deux que sa compagne, sans emploi, a eu d’une précédente union et deux de Jean. Sans emploi, Jean erre dans Papeete et Pirae à la recherche de proies faciles à détrousser. Ses cinq victimes, dont la plupart étaient présentes à l’audience, ont toutes le même profil. Relativement âgées, petites et malingres. Sauf un, visiblement le plus âgé, mais avec de beaux restes, qui s’est fendu d’un « heureusement pour lui qu’il s’est sauvé, sinon je lui cassais la gueule. »

Il repérait ses victimes dans la rue et les suivait. Sa technique, plutôt basique mais efficace, consistait à coincer ses victimes et leur faire les poches. Ou il leur arrachait leur sac et se servait dedans. En tout il a dérobé pour près de 150 000 Fcfp.

« Qu’est-ce-que vous avez fait avec cet argent ? » « C’était pour mes enfants », explique entre deux sanglots l’accusé, « j’ai pris un mauvais chemin » rajoute-t-il, ses pleurs allant crescendo.

Et des mauvais chemins, la route de Jean en a croisé beaucoup. Il a vécu dans la rue dès l’âge de 15 ans, ses parents étant décédés, et a fréquenté l’école de loin, ne sachant ni lire ni écrire. Son casier n’est qu’une longue litanie de condamnations pour vols, 23 à son actif. À l’énoncé des faits qu’on lui reproche, Jean gémit, se tord les mains et ses épaules tressautent au rythme de ses sanglots.

Deux ans de prison ferme requis

Pour la procureure, le cas de Jean « est déplorable, ce n’est pas possible de détrousser des gens dans la rue » et réclame deux ans de prison à son encontre avec son maintien en détention. Gémissements de Jean via la webcam.

Pour son avocate, Jean a eu une enfance sans repères, il a grandi dans la rue, il est illettré, et « il a volé pour assumer ses responsabilités envers sa femme et ses enfants. » Avant d’aller délibérer le juge lui laisse la parole. « M’sieur le juge, m’sieur le juge, je vous demande pardon du fond du cœur » sanglote-t-il à l’intention du magistrat.

Alors que le juge sort en compagnie des assesseurs pour délibérer, la visioconférence n’est pas interrompue et Jean se laisse aller à une pantomime. Il se lève, fait face au mur et s’affale contre lui tout en pleurant, bras écartés. Ses gémissements deviennent de plus en plus forts. Il frappe le mur de ses mains et il finit à terre, dos au mur jambes écartées, le buste dissimulé derrière le bureau. Seul un bras et un pied sont apparents sur l’écran télé de la salle d’audience.

Dans la salle on retient son souffle, pensant qu’il a fait un malaise. Son avocate s’empare du micro et l’interpelle. Pas de mouvement. Elle recommence. Il bouge un bras, la salle respire. Il se relève, le visage défait par les larmes et il s’assoit juste à temps pour le retour du juge.

« Après en avoir délibéré… », « m’sieur le juge », « le tribunal vous …. » « m’sieur le juge » « condamne à deux ans de prison… » « m’sieur le juge » s’égosille Jean en pleurs, « dont six avec sursis et votre maintien en détention » « m’sieur le…. » Fin de la visioconférence.

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1 Commentaire

  1. deodata
    1 décembre 2020 à 7h59 — Répondre

    Excellent Pascal !

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