Emmanuel Macron a nommé jeudi en milieu de journée Michel Barnier, 73 ans, figure de la droite gaulliste, au poste de Premier ministre. La passation entre Gabriel Attal s’est faite en fin de journée. Cet ancien ministre et négociateur du Brexit présenterait l’avantage de ne pas risquer la censure immédiate du Rassemblement national et de ne pas avoir d’ambition présidentielle pour 2027.
Il aura fallu 60 jours, après les élections législatives, pour trouver un Premier ministre. C’est Michel Barnier qui hérite de ce poste délicat, et de la mission de constituer un gouvernement qui ne soit pas censuré par l’Assemblée nationale, alors que le Président de la République a fait le choix de ne pas nommer une personnalité issue du Nouveau Front populaire, sorti des élections avec une majorité relative.
Hier, dans l’entourage présidentiel, on expliquait que Michel Barnier présentait plusieurs qualités : « Macron-compatible », il assure la participation des Républicains à la coalition en construction sans risquer, du moins dans l’immédiat, une censure par le Rassemblement national, et il n’aurait pas l’intention de se présenter à l’élection présidentielle de 2027.
À 73 ans, Michel Barnier est Premier ministre le plus âgé de la Ve République, succédant au plus jeune, Gabriel Attal. Michel Barnier est Savoyard, issu d’une famille catholique de gauche et gaulliste dès sa jeunesse. Diplômé de l’École supérieure de commerce de Paris, il entre en politique, à l’UDR, au milieu des années 70, travaille dans plusieurs cabinets ministérieils et devient à 27 ans, en 1978, le plus jeune député à l’Assemblée nationale, représentant le département de la Savoie où il était déjà, dès l’âge de 22 ans, conseiller général. En 1992, il est chargé de l’organisation des Jeux Olympiques d’hiver d’Albertville, aux côtés de Jean-Claude Killy.
Une carrière entre Paris et Bruxelles
En 1993, il est nommé ministre de l’Environnement dans le gouvernement d’Édouard Balladur. En 1995 il est élu au Sénat, qu’il quitte en 1999, à sa nomination en tant que commissaire européen. Il redevient ministre en 2004, chargé des Affaires étrangères dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin de qui il est proche depuis leurs années étudiantes. Il apporte ensuite son soutien à Nicolas Sarkozy, et devient en 2007 ministre de l’Agriculture et de la Pêche du deuxième gouvernement de François Fillon. En 2009 il est élu député européen, siégeant à droite avec le PPE dont il est vice-président. Il est ensuite commissaire européen de 2010 à 2014, chargé du marché intérieur et des services, mais échoue par deux fois à prendre la présidence de la Commission, devancé par Jean-Claude Juncker puis par Ursula van der Leyen. C’est à lui qu’est confiée la difficile négociation du Brexit, une expérience de cinq années dont il a tiré un livre. En 2015, l’UMP lui préfère Laurent Wauquiez pour mener son parti aux élections régionales en Auvergne-Rhône-Alpes. En 2021 il échoue à prendre la tête du parti, devenu Les Républicains, qui lui préfère Eric Ciotti et Valére Pécresse. Après l’échec cuisant de cette dernière, il appelle à voter pour Emmanuel Macron.
Les deux hommes se rejoignaient sur plusieurs points, comme le recul de l’âge de la retraite, ou un « choc de simplification » des aides sociales. Sa longue expérience européenne, qui lui vaut une réputation d’excellent négociateur, peut s’avérer utile alors que la France est pointée du doigt pour son déficit budgétaire. À noter qu’Emmanuel Macron l’avait déjà approché, en 2020, pour succéder à Édouard Philippe, à condition qu’il quitte les Républicains, ce qu’il avait refusé. Mais, dit-on, il s’entend très bien avec le tout-puissant secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler.