ACTUS LOCALESTOURISMETRANSPORTS Michel Monvoisin : « Ce qu’attend ATN, ce sont des directives » Charlie Réné 2024-04-08 08 Avr 2024 Charlie Réné Invité de la rédaction de Radio1 ce lundi, le patron d’Air Tahiti Nui est revenu en détail sur la situation de la compagnie, qui a engrangé 3,2 milliards de francs de perte en 2023. « On a de la réserve », « on se bat, on fait le maximum » assure le PDG, dont le remplacement d’ici le mois de mai a été évoqué par le président Moetai Brotherson. « À partir du moment où ATN aura une feuille de route, elle saura la mettre en application, que ce soit moi ou un autre » répond le dirigeant pour qui « le sujet, ça n’est pas ma petite personne ». Au gouvernement, donc, de développer, enfin, sa vision de l’avenir de la compagnie, dont il détient 85% du capital. Lire aussi : ATN : moins de déficits que prévu, mais de grands changements en vue Une compagnie, deux discours autour d’ATN. La semaine dernière, Moetai Brotherson parlait, sur le plateau de Radio1, d’un transporteur aérien arrivé à un « point d’inflexion », qui avait un besoin de « réinvention »… « On ne peut pas garder le même modèle et espérer que les courbes s’inversent », lançait le président du Pays, à quelques heures d’un conseil d’administration qui a arrêté des comptes 2023 en déficit de 3,2 milliards de francs. Ce lundi, c’est le PDG d’Air Tahiti Nui qui avait pris la place du président du Pays sur le plateau de Radio1. Les difficultés actuelles, Michel Monvoisin, aux manettes de la compagnie au tiare depuis 2013, ne les nient pas, mais les remplace dans leur contexte. 10% d’inflation sur les billets suffiraient à redresser les comptes D’abord celui d’une compagnie qui a engrangé des bénéfices – et distribué des dividendes – jusqu’en 2019, qui a subi de plein fouet la crise Covid, et le regain de concurrence qui l’a suivi sur la ligne États-Unis – Tahiti. Avec l’augmentation des fréquences d’Air France, qui s’ajoutent à celle de son partenaire United, la concurrence low cost de French Bee, et plus récemment les incursions de Delta Airlines sur le marché, autorisées sous la précédente mandature et saluées par la nouvelle, l’offre en siège est largement supérieure à la demande sur la ligne. C’est d’ailleurs ce qu’a pointé le récent rapport de la Chambre territoriale des comptes. Les tarifs n’ont pas pu, concurrence exacerbée oblige, être ajusté aux coûts réels des opérateurs. « Il faut savoir que dans le monde, les compagnies aériennes ont passé 25% d’inflation en moyenne, c’est Iata qui le dit. Dans les Outre-mer, c’est entre 30-35 voire 40%, rappelle le dirigeant. Nous, on est à zéro. On aurait passé à peine 10%, on serait à l’équilibre, on aurait gommé les 3 milliards ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2024/04/ATN-inflation.wav ATN, a tout de même réussi à « ajuster » à la marge des tarifs sur le tronçon Los-Angeles – Paris, le plus stable et le plus lucratif pour la compagnie. Mais son seul espoir, de ce côté, en dehors d’un effondrement du prix des carburants, c’est d’une évolution du marché mondial de l’aérien. Cela pourrait venir, d’après le dirigeant, d’une normalisation de l’activité aérienne en Asie, dont le marché reste largement en dessous des chiffres de l’ère pré-Covid. À l’entendre, c’est parce qu’elles ont des avions disponibles que les grandes compagnies comme Air France, Delta ou United peuvent se permettre d’en mobiliser sur la ligne de Tahiti… et d’y perdre de l’argent. Car avec 43% de part de marché et 78% de taux de remplissage en 2023, la compagnie au tiare n’a pas à rougir de ses performances face à ces concurrents, notamment United qui a subi une lourde chute de fréquentation. La différence : là où les géants compensent ces pertes sur des grandes lignes très rentables, ATN et ses quatre avions n’ont, hormis les États-Unis, que des « petites dessertes », coûteuses mais fort utile au Pays. Comme le Japon et la Nouvelle-Zélande. « Le sujet, c’est pas ma petite personne » L’autre constat, là encore partagé par la CTC, c’est celui d’un parc hôtelier déjà saturé au fenua, et qui a plutôt eu tendance à se contraindre encore ces dernières années. Pour Michel Monvoisin, trouver une solution au manque de « réceptif » de la destination Polynésie est un préalable à tout développement de l’activité. Le PDG applaudit les ambitions affichées par le gouvernement Brotherson pour le tourisme, où l’idée de miser sur des investisseurs asiatiques pour faire sortir de terre des nouveaux « resorts » rapidement. Il ne balaie même pas l’idée de nouveaux partenariats, pourquoi pas avec Singapour Airlines…. Mais « la priorité, ce sont les chambres », martèle-t-il, « 3000 en plus pour atteindre les 600 000 touristes ». Or, « c’est que c’est plus facile d’avoir un avion que de construire un hôtel ». Si croissance il y a dans le réceptif, « ATN l’accompagnera, pourquoi pas en louant un nouvel avion. « L’erreur » a été de développer d’abord les capacités de transports. Malgré les récentes déclarations du chef du gouvernement qui annonce un « changement de pilote » à ATN d’ici le mois de mai, le dirigeant ne semble pas vouloir désolidariser du gouvernement-actionnaire… Michel Monvoisin note tout de même, en creux, que dans ses volontés de changement, Moetai Brotherson ne fixe finalement pas de nouveau cap clair à la compagnie. « Changer de pilote, c’est son droit le plus absolu. Mais ce qu’attend ATN, et pas moi particulièrement, ce sont des directives, c’est de savoir ce qu’attend le gouvernement. À partir du moment où ATN aura cette feuille de route, elle saura la mettre en application, que ça soit moi ou un autre. Le sujet, c’est pas ma petite personne » https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2024/04/ATN-avec-ou-sans-moi.wav Condamné à attendre ? Non à « se battre » ATN serait donc condamné à attendre que le gouvernement clarifie sa vision, que les hôtels se construisent, et que les concurrents se redéploient ailleurs ? Non, répond Michel Monvoisin, « on se bat, on fait le maximum ». Le PDG en veut pour preuve les bons résultats de la fin d’année dernière, notamment sur la ligne du Japon, pas aussi catastrophique que prévue à sa reprise – plus de 50% de remplissage contre 30% prévus. Et justifie ses choix par les résultats. Celui des Dreamliners, auxquels certains auraient préféré des Airbus, mais qui « sauve la compagnie » dans le contexte actuel. Celui de la ligne de Seattle, aussi. Un « très bon choix d’ouverture », et qui, une fois prolongée jusqu’à Paris, a permis de capter « 16 000 touristes supplémentaires » sur l’année. « On fait plus qu’encaisser, nous on est plutôt agressif. Sur les capacités qui ont été mises en place l’an dernier, c’est ATN qui a mis le plus d’offres en siège, insiste Michel Monvoisin. Et Seattle a été une réponse qui a été payante parce qu’on a vu chez nos concurrents le coefficient de remplissage baisser quand on a ouvert. On a pris cette clientèle du Nord-Ouest des États-Unis qui préférait une route directe. Notre réplique, elle est d’être agressif sur l’offre en siège ». https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2024/04/ATN-encaisser.wav Dans cette bataille, la Société d’économie mixte peut compter sur un atout : ses 16 milliards de francs de réserve, qui lui permettent de « voir venir » côté « cash ». Assez pour ne pas avoir à demander de nouvelles aides du Pays dans les prochaines années ? À voir, car plus que la trésorerie, ce sont les fonds propres, dont les niveaux sont fixés par des seuils légaux, qui pourraient manquer l’année prochaine si ATN perdait encore 3 à 4 milliards de francs en 2024. La question d’une restructuration de capitale serait alors plus que jamais posée. Des réflexions sur les sièges et sur la classe Premium Dans une compagnie « qui vole beaucoup » comme ATN, les sièges des avions doivent être changés tous les « 5 à 7 ans ». La réflexion est donc lancée pour ceux des Dreamliners, entrés en service entre 2018 et 2019. Et ce dossier « déjà ouvert » pourrait être l’occasion de réétudier la place faite dans les cabines aux classes business, économies et premium. Faut-il renforcer la dernière pour s’accaparer ce marché porteur, comme l’a suggéré la CTC dans son rapport ? À voir. « Il ne faut pas trop diminuer la classe éco non plus, parce qu’il y a une demande, nuance Michel Monvoisin. Aujourd’hui, les gens regardent le prix pour voyager, donc sur le prix, il faut garder quand même de la marge en nombre de sièges économiques ». Bref, pas de verdict pour l’instant. « Dans l’aérien, on fait des études avant de prendre une décision. On pèse le pour et le contre, on analyse ». 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