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Turbulences autour des « sanctions américaines » contre les pompiers grévistes


À l’annonce de la grève des pompiers d’aérodromes, des touristes américains ont menacé, par le biais de leur consulat, d’attaquer en justice les syndicalistes responsables de leur éventuel blocage en Polynésie. La présidence en a été avertie et Moetai Brotherson a préféré « prévenir », à la télévision, de ces éventuelles « sanctions américaines », précisant que le Pays n’était pas impliqué dans le dossier. La Fraap parle tout de même de manœuvres « délirantes » pour mettre la pression sur les grévistes, et accuse même le président de « haute trahison ». Beaucoup de bruit de tous les côtés, alors qu’aucune procédure quelconque n’est lancée.

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C’est un coup de gueule qui a fait du bruit. Celui d’un couple de touristes américains qui, à l’annonce du blocage de certains aérodromes du Pays, en fin de semaine dernière, a préféré prendre les devants et contacter son consulat. Comme beaucoup d’autres voyageurs, ils craignent d’être bloqués par la grève déclenchée vendredi par la Fraap dans toute la fonction publique territoriale, et en particuliers à la Direction de l’aviation civile, où les pompiers d’aérodrome sont largement mobilisés. Qu’importe si Tahiti, Bora Bora, Rangiroa et Raiatea – où se rendent la vaste majorité des touristes américains, dont ce couple – ne sont pas concernées par ce mouvement, qui n’a d’impact « que » sur les 43 plateformes aéroportuaires gérées par le Pays. Auprès du consul, les visiteurs veulent être clairs : si leur liberté de circuler est entravée et qu’ils ne peuvent pas regagner les États-Unis en fin de séjour, ils saisiront immédiatement la justice américaine pour mettre en cause les responsables du blocage.

« Il est en train de mettre en conflit la France et les États-Unis »

Aucune procédure lancée, donc, mais la présidence, qui a entamé depuis déjà une semaine un bras de fer avec la Fraap sur le point d’indice des fonctionnaires, est tenue informée d’une possibilité de recours en justice et des conséquences qu’ils pourraient avoir sur les syndicalistes visés. Et sur leur capacité à voyager ou transiter par les États-Unis. Des risques très hypothétiques dont Moetai Brotherson s’est fait écho, samedi, au micro de Polynésie la 1ère. « J’ai été sollicité par les autorités américaines pour nous prévenir d’éventuelles sanctions contre nos pompiers d’aéroport, du moins ceux qui sont en grève, qui seraient éventuellement interdits de passage aux États-Unis », explique le chef du gouvernement.

Une déclaration qui fait s’étrangler les chefs de file des grévistes. « Délirant », « choquant », dénonce Jean-Paul Urima, qui rappelle que les pompiers d’aérodrome voyagent régulièrement vers la métropole – et donc via les États-Unis – pour maintenir leur formation de combattant du feu. « C’est grave ce genre de déclarations : dire qu’il va demander aux autorités américaines de ne plus donner de visa aux pompiers ! Ils sont 150 ! Il faut qu’il lise un petit peu les documents, les engagements internationaux avant de sortir de telles conneries, s’agace le secrétaire général de la Fraap. J’ai saisi le Haut-commissaire pour qu’il envoie un message de recadrage : Moetai est en train de mettre en conflit deux états souverains, la France et les États-Unis ».

Sur les réseaux sociaux, la Fraap martèle que les déclarations du président du Pays sont « gravissimes ». Le chef du gouvernement est accusé de vouloir mettre « de l’huile sur le feu » – ce qui n’aura comme conséquence que de « durcir le mouvement autour des pompiers », écrit le syndicat – et même de « balancer la liste de ses fonctionnaires à un état étranger ». Ce qui amène la fédération à s’interroger sur Facebook sur un éventuel crime de « haute trahison, et d’intelligence avec une puissance étrangère ».

Le service minimum… Avant les demandes de réquisitions

Et c’est donc au tour de Moetai Brotherson de dénoncer la transformation de ses propos. « Il faudrait qu’ils se lavent un peu les oreilles », souffle-t-il ce dimanche soir. Non, la présidence n’a « rien demandé » à Washington, pas plus qu’elle n’y a envoyé une liste de pompiers grévistes, son locataire précise qu’il ne souhaite « absolument pas » d’interdiction d’escale pour qui que ce soit, mais a voulu « prévenir » les militants  pour qu’ils « puissent agir en toute connaissance de cause ». Ce qui ne veut pas dire que le Pays restera immobile face au blocage de 43 aérodromes dans le pays, qui se poursuit ce lundi : « Nous appliquons les leviers à notre disposition et légaux dans ce pays », insiste Moetai Brotherson.

À partir de ce lundi doit se mettre en place un service minimum qui prévoit, au terme d’un protocole d’accord signé en 2016, entre un (pour la plupart des petites îles) et sept vols (pour Moorea et Huahine) par semaine et par aérodrome (voir tableau ci-dessous). Suivront, si la situation ne se débloque pas, des demandes de réquisitions du Pays auprès du Haut-commissariat. « Il y a des délais qui sont aussi issus de ce protocole et qui sont traduits dans un arrêté CM de 2016 qui très franchement a été écrit avec les pieds, reprend Moetai Brotherson, qui parle déjà de réécrire cet arrêté une fois la grève passée. Et effectivement, la suite logique si la grève n’est toujours pas levée alors que le service minimum est en place, ce sera d’aller au stade des réquisitions. Là aussi, j’ai lu beaucoup de choses fausses : ces réquisitions à ce jour ne sont pas demandées, elles sont en cours de préparation, et elles seront déposées auprès du Haut-commissaire en temps voulu. »

Le président du Pays, qui parle aussi d’un « contrôle des arrêts maladies ou congés inopinés » pendant cette grève, a répété tout le weekend que « sa porte était ouverte » pour reprendre les négociations. De quoi – encore – agacer Jean-Paul Urima, qui dénonce un refus du gouvernement de discuter du premier et du « plus important point du cahier de revendication » : la hausse du point d’indice des fonctionnaires territoriaux.

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Jt Vert 09/12/2024

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