Mo’emo’e c’est le nom de l’œuvre présentée vendredi dernier au petit théâtre de la Maison de la Culture par une poignée d’adolescents sous contrôle judiciaire devant leurs proches et leurs éducateurs. C’est l’aboutissement d’une série d’ateliers d’écriture intenses. Un moment « bouleversant, joyeux et extrêmement émouvant » qui participe à leur reconstruction.
« Rallumer la petite veilleuse qui reste au fond d’eux, en mettant du gaz » c’est sur cette plaisanterie que se terminait le spectacle vendredi dernier au Petit théâtre de la Maison de la culture. Un groupe d’adolescents sous contrôle judiciaire a fait naître des rires et des larmes en quelques lignes chargées de leurs histoires, sur les visages de leurs familles et de quelques professionnels. Si cette prestation s’inscrit dans la réponse pénale à un acte de délinquance qu’ils ont commis, elle représente surtout une prise en charge éducative qui doit les aider à s’intégrer à la société. Ils étaient accompagnés dans ce travail par la compagnie du Caméléon et par leurs éducateurs spécialisés.
Une oeuvre unique et extrêmement émouvante
La représentation de près d’une heure est l’aboutissement de seulement six ateliers d’écriture intenses, de trois heures chacun. Il s’agissait pour ces jeunes gens de produire un texte rassemblant des éléments de leurs histoires personnelles, qui sera ensuite déclamé en groupe sur scène. Souvenirs d’enfance, évènements difficiles, peines, joies ou espoir… Guillaume Gay, directeur de l’association sort toujours surpris et touché de ces sessions. « S’il y a des parcours de vie douloureux, derrière tout ça il y a beaucoup de joie de vivre, c’est ça qui prime, tout est joyeux, explique t-il. On peut avoir des blessures à panser et en même temps avoir une joie de vivre à partager. Ça nous met à bonne distance pour entendre leur intérieur, ces paroles qui sont extrêmement rudes à entendre et extrêmement émouvantes ». Le spectacle en vaut le détour comme l’a souligné la directrice de la PJJ à la fin de la représentation. « Je sais pourquoi je fais ce travail » confiait-elle aux jeunes acteurs.
Une prise en charge éducative
Ces adolescents deviendront membres à part entière de la société dans quelques années. Il s’agit de les aider à comprendre les causes de leurs actes, et de permettre aux éducateurs de trouver des éléments sur lesquels travailler avec eux. S’ils sont ici pour avoir commis des actes de délinquance, ils ont la plupart du temps des parcours difficiles dès l’enfance : orphelins, sans domicile fixe, victimes de violences intra-familiales… leurs actes, c’est aussi la société qui en est responsable et c’est dans cette optique qu’ils bénéficient de cet accompagnement expliquait Liliane Vallois, directrice de al PJJ. Pour Teuru Tepa, un des membres de la compagnie, l’idée est de leur donner des outils pour avancer dans leur reconstruction. « J’essaye de leur montrer un bon côté de la vie, autre chose. On ne peut pas rester dans une case et ne plus en sortir, il n’y a pas de fatalité » positive le comédien. Connu des téléspectateurs, il a tout de suite attiré la sympathie des jeunes gens et s’investie dans sa mission auprès d’eux. »Il faut travailler plus que les autres mais on peut aller de l’avant. Allez de l’avant! »
S’ils n’ont pas tous terminé le processus, ou peut-être n’ont-ils pas voulu y prendre part du tout, ceux qui en ont bénéficié en sortent enrichis, peut-être un peu guéris à l’image de Pierre. Cette expérience pour lui c’était « extraordinaire« , une « découverte et une expérience professionnelle pour devenir comédien plus tard ». Ce vendredi toutes les familles n’ont pas répondu à l’invitation. Pierre par exemple n’a pas vu ses parents depuis plusieurs années et aimerait pouvoir être fier de leur présenter son travail sur scène. Les relations familiales, déterminantes dans le parcours de ces jeunes, trouvent parfois une occasion de se renouer.
Signaler les faits de délinquance juvénile pour aider leurs auteurs
La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) en Polynésie est chargée aussi bien de la protection de l’enfance que de l’enfance délinquante. Cinq cents jeunes sont suivis en moyenne par an. Un chiffre qui a dépassé les 800 l’année dernière, et qui pourrait atteindre 600 cette année. Des variations difficile à interpréter et qui ne collent pas toujours au ressenti de la population. Car comme le regrette Liliane Vallois les faits de délinquance juvénile ne font pas toujours l’objet de plaintes. Or, pour la directrice de la PJJ, ce sont justement ces signalements qui permettent de déclencher une réponse pénale, souvent assortie d’un suivi éducatif. Et donc de baisser le risque de récidive. À l’entendre, les plaintes permettent donc d’aider les jeunes délinquants à s’en sortir. |