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Moetai Brotherson face au public : pas de miracles

L’exercice d’hier soir face au public, qui a duré deux heures et demi au lieu de 90 minutes, aura frustré ceux qui attendaient des annonces spectaculaires. Il a surtout été question d’orientations, de pistes de travail. Le cap reste celui du programme électoral, mais le chemin est long et tortueux, tel était le message essentiel du président du Pays à la population.

Ceux qui attendaient des annonces importantes en auront été pour leurs frais : à l’issue de l’interminable séquence des questions pour un champion, que reste-t-il ? Sans aucun doute, la qualité de l’écoute du président du Pays, sa bienveillance envers des interlocuteurs parfois mal informés, parfois mal préparés à poser des questions courtes et claires, et un formalisme moins marqué, qui visiblement lui convenait mieux que celui de la veille.

Sur les problématiques de logement et de foncier, on retiendra l’intention de stopper l’incorporation de terrains dans les terres présumées domaniales, l’impossibilité, pourtant déjà maintes fois expliquée par les politiques et les médias, d’interdire la vente de terres aux non natifs tant que la citoyenneté polynésienne n’est pas reconnue dans la Constitution française, la volonté de faire sortir des logements sociaux les personnes dont les revenus dépassent les critères de l’OPH, afin de faire de la place pour une partie des 4 000 demandeurs en attente, ou encore la demande faite à l’État de l’augmentation de l’allocation au logement étudiant.

Sur le secteur primaire, l’une des pistes évoquées pour améliorer l’offre de fruits et légumes est celle « d’unités de mûrissement, de transformation et de conservation », qui pourraient contribuer à « lisser la saisonnalité », hélas une solution de « moyen à long terme ». Le président a également convenu qu’il faudra mettre plus de moyens pour subventionner les cantines.

Côté social, pas d’opposition au principe du congé paternité, un concept « pas encore installé dans notre société un peu macho » ; la nécessité d’une meilleure éducation des garçons pour stopper le cycle de la violence ; et l’adaptation du statut des associations d’insertion d’adultes handicapés pour les rendre éligibles à de meilleurs financements.

Sur la fiscalité, Moetai Brotherson s’est refusé à promettre des exonérations aux petits entrepreneurs qui ont périclité durant et après la crise sanitaire malgré les prêts spéciaux, et qui sont sous le coup de saisies : « la procédure ne se stoppe pas comme ça ». Mais la réforme de la fiscalité, déjà ébauchée avec les mesures de simplification pour les TPE, sera, avec celle de la protection sociale généralisée, le grand chantier de 2024. Même s’il convient que les impôts directs sont préférables aux impôts indirects, Moetai Brotherson est contre l’impôt sur le revenu, évoquant la complexité des déclarations à remplir et le coût de la collecte qui pourrait dépasser les recettes réelles.

Au chapitre « on y travaille », on classera entre autres l’amélioration du système de bourses, mais avec des contreparties de sérieux de la part des étudiants, l’élaboration des formations pour les professeurs qui vont devoir enseigner en reo tahiti, l’étude sur « une grande structure médicale dans le sud de l’île » de Tahiti, la gestion de la ressource en eau face à une demande partout en augmentation et à la salinisation des lentilles dans les atolls ; la réflexion sur les transports, en commun ou pas (mais l’idée de la route des coteaux de Tiparui à Faa’a semble abandonnée face aux coûts des expulsions et de la construction) ; l’idée de structures de prise en charge pour diverses addictions ; ou encore la recherche de scientifiques prêts à travailler, dans un premier temps, sur une nouvelle méthodologie qui puisse permettre d’étudier la transmission générationnelle des pathologies provoquées par les essais nucléaires.

Au final, comme durant une campagne électorale, la soirée aura certainement permis au président du Pays de mieux cerner, s’il en avait besoin, les préoccupations principales de ses électeurs, qui sont effectivement plus terre à terre (la vie chère et la frustration devant des démarches administratives jugées trop complexes étaient des thèmes récurrents) que l’accession rapide à l’indépendance – même si cette question était bien présente dans l’esprit des plus jeunes. Elle aura aussi montré qu’en politique, les miracles n’existent pas. Mais on saura gré à Moetai Brotherson de ne pas avoir promis la lune.

Moetai Brotherson sera l’Invité de la rédaction de Radio1, mardi 29 août à 11h30.

 

 

 

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