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Moetai Brotherson : « Je suis un éternel insatisfait »

©CP/Radio1

Président du gouvernement, mais aussi en charge de nombreux portefeuilles, Moetai Brotherson était L’Invité de la rédaction de Radio ce mardi. Des premiers 100 jours d’exercice, on retiendra les multiples études qui ont été lancées ou qui doivent encore l’être, dans une approche qui se veut certes prudente et réfléchie, mais qui rallonge encore des calendriers déjà longs.

Après le périlleux exercice du bilan des 100 jours, le président Moetai Brotherson inaugurait ce mardi dans notre studio une série d’entretiens que nous allons mener avec tous les membres du gouvernement.

Lorsqu’on lui demande s’il est satisfait de ses ministres, il répond : « Satisfait, non, parce que je suis un éternel insatisfait. Si je leur disais que j’étais satisfait, ils commenceraient à s’endormir. Tous les jours, je leur dis que je ne suis pas content.  Mais sans sombrer dans la paranoïa, non, je suis content de cette équipe. Je leur rappelle par contre qu’il y a du boulot et qu’on est là pour ça. Je pense qu’ils en ont conscience, tous autant qu’ils sont. » Il reconnaît la difficulté de constituer des équipes, d’autant qu’une « lettre de cadrage » aux ministres a conduit, assure le président, à une baisse de 10% de l’enveloppe des membres de cabinet. Dans ces conditions, attirer des personnes pour qui un poste au gouvernement représente une perte financière a été compliqué, notamment pour les plus jeunes des ministres qui « ne sont pas des professionnels de la politique ».

Citoyenneté ma’ohi : un calendrier très incertain

Sur les grandes orientations, la citoyenneté ma’ohi était l’une des idées phares de la campagne, dont l’objectif est de pouvoir légiférer en Polynésie sur l’accession à la propriété et sur l’emploi. De l’architecture de la loi existante, Moetai Brotherson ne veut garder que l’observatoire de l’emploi, le reste étant qualifié « d’usine à gaz ». Le député Tematai Le Gayic a débuté une tournée pour en faire la promotion. Il portera à Paris avec ses deux collègues une proposition de loi qui sera adossée à un vœu du gouvernement, repris ensuite par l’assemblée de la Polynésie.

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Pour obtenir cette modification de la Constitution au Parlement, il espère que les partis proches d’Emmanuel Macron en verront le bien-fondé ; il est a minima assuré du soutien du petit groupe Gauche démocrate et républicaine dont font partie les députés polynésiens. Mais l’incertitude demeure sur le calendrier parlementaire, dans lequel il faudra trouver une niche.

Moetai Brotherson assure que la réforme de la fiscalité, qui jusqu’ici avait laissé de côté le volet du patrimoine immobilier et financier, sera faite. Mais d’abord doucement, et ensuite pas trop vite : « Ce qui va prendre du temps, c’est la concertation parce qu’on ne veut rien forcer. » La réforme passera aussi par un changement d’habitudes des services fiscaux du Pays : elle devra être « simple, aussi bien dans la collecte que le déclaratif », et gagner en souplesse en consacrant moins de temps aux contrôles a priori.

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En charge du numérique, Moetai Brotherson est forcé de reconnaître que tout le monde n’a pas son aisance : « il ne suffit pas de réformer les outils, il faut aussi former les utilisateurs, que ce soit dans les administrations ou le grand public. » Mais la décentralisation est à ce prix, dit-il, d’où le concept des Fare Ora, ces guichets uniques dans les communes qui doivent aider les usagers à faire leur transition digitale personnelle.

Contre Starlink en Polynésie, qui nuirait aux opérateurs existants

Trop isolés ou soucieux du rapport qualité-prix, de nombreux Polynésiens espéraient pouvoir s’abonner à Starlink. Mais Moetai Brotherson n’a pas l’intention d’autoriser l’importation du matériel.  « La concurrence, ça ne veut pas dire le Far West. Si on veut tuer les opérateurs qui existent, je ne parle pas que de l’OPT, allons- y, libéralisons à outrance », dit-il en défendant la mission de service public de l’OPT, comme les bureaux de poste, financée par les activités télécoms du groupe.

Conséquences des essais : le Pays va faire son étude sur la transmission intergénérationnelle

Moetai Brotherson, qui est aussi en charge de la question des conséquences des essais nucléaires, veut créer un « statut polynésien de victime des essais », qui ne s’appuie pas sur le critère du « 1 millisievert » dont il avait demandé la suppression en 2021 dans une proposition de loi modifiant la loi Morin, sans succès. Son premier objectif sera de permettre l’étude de la transmission intergénérationnelle des pathologies radio-induites.

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Quant au Centre de mémoire des essais nucléaires, sa forme finale est en ce moment même suspendue à l’examen d’un rapport commandé à l’écrivaine Titaua Peu, précise le président du Pays.

Aéroport des Marquises : une étude demandée à Paris

Les transports aériens internationaux et le tourisme font également partie des attributions du président, qui explique qu’aucune étude sérieuse n’a été réalisée jusqu’ici sur l’aéroport international des Marquises : de simples « esquisses », sans volet financier ou administratif. Une« vraie » étude va donc être faite conjointement avec l’État, qui devra notamment fournir les personnels de douane et de police : Moetai Brotherson en discutera à Paris lors de son prochain déplacement.

En revanche, il ne semble pas très favorable à l’idée d’une grande compagnie aérienne ultramarine, évoquée par certains, qui rassemblerait les différentes compagnies existantes en difficulté.

Concession de Tahiti-Faa’a : pas de nouveau concessionnaire avant deux ans

La Polynésie a obtenu de Paris de participer à l’élaboration du cahier des charges du prochain appel d’offre. Les usagers de l’aéroport, et même les hôteliers? ont été consultés pour faire part de leurs doléances à court, moyen et long terme, une « liste que nous sommes en train de compiler ». Ce dossier qui traine depuis maintenant 13 ans va donc encore être retardé, avec un appel d’offres qui devrait être publié au 1er trimestre 2024, et de 18 à 24 mois pour le dépouillement des offres : « Ce n’est pas pour demain matin, ce nouveau concessionnaire ».  Le président ne répond pas quand on lui demande si le Pays va réclamer la majorité des parts dans la société d’exploitation ; on peut de toute façon supposer que lâcher le contrôle de l’aéroport international ne fait pas partie du plan indo-Pacifique de Paris.

Tourisme : le Village tahitien, encore une étude en attente

Moetai Brotherson, qui convient que le Pays manque de chambres d’hôtel, s’interroge encore sur l’avenir du Village tahitien, notamment sur sa structure juridique qui fait actuellement l’objet d’une étude, et sur les 42 milliards de dépenses publiques qu’il induit, dont 8,5 milliards ont déjà été déboursés. Il a rencontré 2 des 4 attributaires des lots. « On en rediscute », dit-il.

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En conclusion, à coup d’études et de missions diverses et variées, le gouvernement ne gâche-t-il pas la dynamique offerte par la légitimité des élections ? Moetai Brotherson se fixe plusieurs échéances : ce qu’il est possible de faire dans les deux premières années, ce qui peut être fait en cinq ans, et ce qui prendra plus longtemps. Une approche qui se veut raisonnée et raisonnable ; les réformes structurantes et les grands projets – PSG, fiscalité, aéroports, etc – sont longs à réaliser, les changements de mentalité encore plus, le mandat est court. Mais malgré le louable effort pédagogique, la population est impatiente. La lune de miel est probablement finie.