Radio1 Tahiti

Moetai Brotherson : les rouges et orange « s’allient pour sauver leurs privilèges »

Pour le candidat bleu ciel, l’attelage Tapura – Amuitahira’a, sorte de « Magic Circus du Fe’i », « prend les électeurs pour des imbéciles ». La « plateforme autonomiste » serait davantage une « plateforme opportuniste » qui ressort les vieux épouvantails du passé. Certes le Tavini a aussi eu son lot de calculs électoraux, comme la fameuse alliance du 7/7/7, mais le contexte était « différent » et l’expérience a « servi de leçon ». Pour le député, le vote bleu ciel n’est pas un vote pour l’indépendance mais pour « donner le choix » aux Polynésiens.

Au lendemain de la confirmation d’une alliance Tapura / Amuitahiraa pour le deuxième tour, Moetai Brotherson était l’invité du Quart d’heure de campagne ce matin en direct sur Radio1 et TiareFM. Et même si le candidat du Tavini à la présidence du Pays dit « ne pas être là pour dire du mal des uns et des autres » – « ils le font très bien eux-mêmes » – il n’a pas mâché ses mots sur cette alliance censée sauver le pays du « péril indépendantiste ». « Ce que veulent le Tapura et le Amuitahiraa, ça n’est pas sauver le Pays, c’est surtout sauver leurs privilèges, leurs postes bien confortables, sauver les copains et les coquins », tacle le député, qui compare la relation Fritch – Flosse à un cirque. « En bas de la RDO, on a le Magic Circus of Samoa, et puis au fond de Pouvana’a, on a le Magic circus du Fe’i, ironise-t-il. C’est pathétique, c’est pitoyable, et je pense que ça ne correspond à ce que les Polynésiens attendent, vraiment pas. » Avant de préciser : « qu’ils soient magouilleurs et magouilleurs et demi, ça ne me surprend plus, mais ce qui me désole, c’est de voir ça présenté comme une plateforme autonomiste. C’est une plateforme opportuniste. »

https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2023/04/MOETAI-1-bis-plateforme-dopportunistes.wav?_=1

Autre motif de « désolation » du meneur bleu ciel, voir Édouard Fritch et Gaston Flosse ressortir le spectre du chaos de l’indépendance. « La même soupe depuis 40 ans », s’agace-t-il avant de résumer : « si vous votez pour les indépendantistes, demain on va saisir les maisons, chasser tous les blancs et basculer dans l’indépendance-misère… Il faut être sérieux deux minutes ». Le candidat, soupçonné par ses concurrents de dresser un « écran de fumée » devant le projet d’accession à la pleine souveraineté de son parti, le répète : s’il est élu, il sera « bien sûr » le président de tous les Polynésiens, pas seulement des indépendantistes.

A Here Ia porinetia ? « C’est un parti autonomiste, il ne faut pas tourner autour du pot »

Et pourtant, comme le rappelait Tony Géros sur le plateau de Radio1, l’avènement d’un gouvernement Tavini donnera bien du poids aux indépendantistes et à leur projet, que ce soit à l’ONU ou pour pousser Paris à revenir à la table des discussions. En cas de victoire des bleu ciel, l’État « ne pourra plus s’effacer du débat » sur l’autodétermination, avait précisé début avril le maire de Paea, pressenti comme un successeur d’Oscar Temaru à la tête du parti. Alors voter Tavini, est-ce faire avancer l’indépendance ? « C’est faire avancer la possibilité du choix, répond Moetai Brotherson. C’est pour ça qu’on a fait cette réinscription : jusqu’en 2013, il n’y avait aucune porte ouverte, on ne voulait pas donner la possibilité du choix aux POlynésiens. Depuis nous appelons l’État à venir discuter non pas de l’indépendance, mais à venir discuter du processus d’autodétermination qui mènera à un référendum, au cours duquel les Polynésiens choisiront. »

https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2023/04/MOETAI-2-bis-possibilite-du-choix.wav?_=2

Et la troisième voie, prônée par Nuihau Laurey et Nicole Sanquer ou Félix Tokoragi ? « Elle tente d’exister depuis des années », note l’indépendantiste. Nuihau Laurey, c’est un « copain » et A Here Ia Porinetia accueille, comme d’autres partis, des « gens intelligents et de bonne volonté » avec qui le Tavini serait prêt à travailler. Mais « c’est un parti autonomiste, il faut pas tourner autour du pot, tranche le candidat bleu ciel. Ils essaient de montrer une autre vision de l’autonomie, mais ils ont participé à des gouvernements qu’ils combattent aujourd’hui ». « Très peu de points communs », en revanche, avec le Tapura : « Travailler avec des personnes qui vous disent qu’ils ont menti aux Polynésiens pendant 30 ans, c’est un peu dur. »

Le 7/7/7 ? « On a retenu la leçon »

Critique à l’égard de cette « nouvelle rencontre » entre Édouard Fritch et Gaston Flosse, Moetai Brotherson est pourtant bien placé pour savoir que son parti a lui aussi eu son lot de calculs électoraux. Comme le fameux accord du 7 juillet 2007 – le 7/7/7 – quand les élus de l’UPLD s’étaient réunis avec le Tahoera’a à Tarahoi pour former l’UDSP, et renverser la majorité du To Tatou Ai’a de Gaston Tong Sang. À l’époque, l’actuel député était un « militant Tavini » plongé dans l’incompréhension face à cette alliance, et qui avait en réponse démissionné du service des postes et télécommunications pour marquer sa désapprobation. Ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui de bien marquer la différence entre la stratégie de son parti voilà 15 ans et celle du Tapura et du Amuitahiraa aujourd’hui. Tout est question de contexte : « Au sortir du Taui, dans les familles les gens se disputaient, en venaient aux mains, c’était vraiment tendu tendu, il fallait faire la paix, pose-t-il. On a voulu essayer, et on a vu que de l’autre côté c’était toujours des calculs opportunistes, des calculs politiciens, une alliance en vue de préparer la prochaine élection ». « On a retenu la leçon » assure-t-il expliquant que l’absence de fusions ou d’union pour ces territoriales était un principe fixé depuis déjà plusieurs mois.

https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2023/04/MOETAI-3-alliances-passees-du-Tavini.wav?_=3

Après le premier tour de dimanche, Moetai Brotherson et le Tavini ont donné comme consigne aux troupes bleu ciel de « continuer sur leur lancée », et d’aller « à la rencontre de la population. Particulièrement ciblés, les abstentionnistes qu’il faut convaincre qu’un « changement réel est possible », et « qu’il ne faut pas qu’ils laissent d’autres s’exprimer à leur place ».