Les riverains de Tiahura, à Haapiti, ont constaté ces derniers jours le creusement d’une tranchée, tout près du rivage, au bout d’un terrain récemment vendu pour accueillir un projet immobilier. Avec les associations locales, ils veulent interpeller les autorités en urgence : si un mur est construit si près de l’eau, le ressac provoquerait une disparition rapide de la plage de sable blanc qui fait face au Sunset Beach et aux Tipaniers. La mairie de Moorea a lancé des vérifications sur l’autorisation de ces travaux.
Les premiers coups de pelle n’ont que trois jours mais les photos ont déjà beaucoup tourné à Moorea. Une tranchée, profonde « d’un bon mètre » et semblant prête à accueillir les fondations d’un mur ou d’un muret, a commencé à être creusée dans le sable, mardi, au bout d’un terrain de bord de mer. Ce foncier, qui dispose d’une quarantaine de mètres de façade littorale, est situé directement à l’Est du Sunset Beach, qui partage la grande plage de sable de blanc de Tiahura, une rareté de ce côté de l’île, avec les Tipaniers. D’après la mairie, le terrain en question a été « récemment vendu » par un privé à un porteur de projet, qui a commencé la construction de plusieurs fare sur ses 150 mètres de longueur. La tranchée se situe à la limite de la plage de sable blanc et du terrain. Mais la bande littorale est très étroite à cet endroit : le sable excavé, qui a été entassé côté plage, la recouvre presque entièrement.
« Au premier coup de mer, ça va créer un effet de ressac et embarquer tout le sable »
De quoi provoquer, chez les voisins et les usagers, une vive inquiétude : celle que « toute une partie de la plage disparaisse ». « Une construction verticale si près de l’eau c’est proscrit, explique un riverain qui a prévenu les associations environnementales de l’île. Au premier coup de mer, ça va créer un effet de ressac et embarquer tout le sable. Et c’est contagieux : si ce bout de plage disparait, ça suivra sur les côtés, devant chez les voisins ». L’association Moorea Kitesurf, dont la zone d’envol arrêtée par la mairie se trouve juste à côté du chantier, parle d’un « massacre » et d’une « catastrophe » annoncés : « Bientôt sous le béton la plage, ou comment on détruit 50 mètres de rivage en deux jours ! », écrit le collectif sur les réseaux sociaux, appelant le public à se mobiliser.
La disparition progressive des plages de sable du fait des constructions trop près du rivage est un phénomène bien documenté en Polynésie, et notamment à Moorea. Des scientifiques avaient déjà constaté, au début des années 2000, que la part de plage de sable blanc sur le rivage de l’île sœur avait baissé de 33 à 18% au cours de la décennie précédente, tandis que les rivages artificialisés étaient en nette progression. La part de « plage sans végétation » était estimée, dans une autre étude publiée en 2019, à 10% seulement de la côte, deux fois moins que dix ans auparavant. Insistant sur « les facteurs anthropogéniques », « principaux moteurs des changements du trait de côte sur l’île de Moorea », ses auteurs appelaient à une « surveillance continue des côtes par la création d’observatoires dédiés ». Qui n’ont jamais été lancés par les autorités.
La mairie a « invité » les propriétaires à échanger sur leur chantier
Ce vendredi matin, la Fédération Tahei Auti ia Moorea, destinataire des photographies des riverains, avait déjà commencé à activer son réseau et à interpeller les élus de la commune sur la tranchée de Tiahura. Ses responsables préparaient en outre une saisine officielle de la Diren. Interrogée, la direction précise qu’elle n’intervient par principe « que si les travaux ou l’activité projetés sont soumises à évaluation d’impact sur l’environnement ou autorisation ICPE », et explique ne pouvoir se saisir d’un dossier « qu’en cas d’atteinte à l’environnement ». Elle n’a pour l’instant pas été officiellement interpellée sur le sujet. Pas plus, côté Pays, que la DCA, compétente en matière d’urbanisme et la DAF, qui gère les occupations du domaine public maritime.
En revanche, la mairie de Moorea a dépêché sur place, dès mercredi, des muto’i, qui sont venus « répondre aux signalements reçus » et « faire des constats ». Des constats qui doivent permettre aux autorités municipales « d’effectuer les vérifications nécessaires », concernant les « autorisations » de ces travaux. Elles sont en cours et les propriétaires du terrain ont été « invités » à la mairie pour échanger sur ce chantier. Les riverains précisent qu’aucun panneau d’information n’est visible, côté route comme côté plage, concernant un permis de construire. Ils veulent faire vite : « C’est partout pareil : une fois que c’est construit, on n’arrive plus à revenir en arrière ». « Et quand il y a un mur comme ça qui est dressé, c’est une question de jours avant qu’on voit les conséquences », ajoute un autre.
Le chantier n’a pas stoppé sur la plage de Tiahura, mais ses responsables ont ajouté un panneau « propriété privée – défense d’entrer »… côté plage.