Rome (AFP) – Sa rivalité avec Jacques Mayol l’avait rendu célèbre dans le monde entier et avait inspiré le film « Le Grand Bleu » de Luc Besson: le légendaire plongeur italien Enzo Maiorca est mort dimanche à 85 ans dans sa ville natale de Syracuse, en Sicile.
« Ce n’est pas du courage qu’il faut pour aller dans les profondeurs, c’est la volonté d’un homme normal qui, lorsqu’il est confronté à la difficulté, puise au plus profond de lui-même pour en extraire le meilleur », disait Enzo Maiorca.
« A partir de 30 mètres, il y a comme une main gigantesque qui t’entraîne à t’enfoncer plutôt qu’à émerger et si tu ne mets pas toute la force de tes jambes, tu es entraîné sans aucun espoir », ajoutait-il.
Pendant près de 30 ans, cet « homme normal » a pourtant réalisé des exploits hors du commun, collectionnant les records de plongée en apnée, sport dont il fut l’un des précurseurs.
Annoncé par le maire de Syracuse, Giancarlo Garrozo, son décès a été suivi d’un flot d’éloges en Italie. Le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, a salué « un grand Sicilien, explorateur des mers, qui a révolutionné le monde de l’apnée », tandis que la marine a rappelé son engagement « en faveur de la sauvegarde du milieu marin ».
« C’est une journée triste, mais je veux me souvenir de toi que comme ça: avec ton sourire, ta disponibilité, ta joie de vivre, ton amour pour la mer », a posté sur Facebook son compatriote Umberto Pelizzari, autre monument de l’apnée.
Né en juin 1931, grand amoureux de son île et de sa ville qu’il n’a jamais quittées, Enzo Maiorca racontait avoir éprouvé dès son plus jeune âge le besoin de se confronter au principe d’Archimède et de voir « la mer à la verticale ».
– ‘Comme la palette d’un peintre’ –
Il a découvert l’ivresse des profondeurs en 1943 grâce à un masque à gaz trouvé dans la campagne et bricolé « avec autant de bonne volonté que de fantaisie, avec autant de mastic que de fil de fer ».
« J’ai vu le fond de la mer comme la palette d’un peintre devenu fou, entre ses pinceaux et ses couleurs », expliquait-il.
A partir de 1960, « l »homme poisson » commence à aligner les records, atteignant cette année-là la profondeur de 47 mètres et battant du même coup son grand rival de l’époque, le Brésilien Amerigo Santarelli.
Un ans plus tard, il est le premier à descendre sous les 50 mètres (51 mètres), barrière jusqu’alors jugée infranchissable par les scientifiques qui pensaient qu’aucun homme ne pouvait survivre à la pression.
Déjouant mètre après mètre les lois de la physique, Enzo Maiorca a battu 17 records jusqu’à atteindre en 1988 la profondeur de 101 mètres. Il avait alors 57 ans et avait décidé de se jeter à nouveau à l’eau pour ses deux filles Patrizia et Rosanna, elles aussi championnes d’apnée.
Son record a cependant été largement dépassé depuis: Pelizzaro l’a poussé jusqu’à -150 m en 1999 et il est maintenant détenu par l’Autrichien Herbert Nitsch après une descente de 253,2 mètres.
Une fois sa carrière de plongeur terminée, Enzo Maiorca s’était consacré à la défense de l’environnement marin. Il s’était aussi engagé brièvement en politique devenant sénateur, entre 1994 et 1996, dans les rangs de l’Alliance Nationale (post-fasciste).
Longtemps limitée au petit monde de la plongée sous-marine, la notoriété d’Enzo Maiorca a connu un formidable coup d’accélérateur avec la sortie en 1988 du « Grand Bleu » de Luc Besson.
Basé sur la rivalité légendaire du Sicilien avec le plongeur français Jacques Mayol, qui s’est donné la mort en 2001, le film décrit l’obstination des deux hommes à pousser toujours plus loin les limites de leur sport.
Incarné à l’écran par l’acteur français Jean Reno, Enzo Maiorca avait toutefois demandé et obtenu l’interdiction du film dans son pays, estimant qu’il donnait une image de lui caricaturale. Un nouveau montage, épuré de certaines scènes, avait cependant obtenu son aval et pu sortir en 2002.
© Umberto Pelizzari/AFP/Archives HO
Cliché non daté du légendaire plongeur italien Enzo Maiorca (à gauche), en compagnie d’Umberto Pelizzari