Le 31 décembre 2016 à Taunoa, un homme au volant d’un 4×4 percutait un enfant de cinq ans qu’il tuait sur le coup. Poursuivi pour homicide involontaire, il a été condamné à 18 mois de prison ferme quatre ans après les faits.
Ce drame a marqué les esprits tant par sa date, à la veille de la nouvelle année 2017, et aussi par l’âge de la victime, 5 ans. « Un ange » dira l’avocate de la partie civile.
Taunoa, quartier Estall le 31 décembre 2016, 20h30. La paroisse protestante est pleine à craquer, de nombreux fidèles assistent à l’office en cette veille de nouvelle année. Parmi eux, une mère de famille avec ses deux enfants, une fille et un petit garçon âgé de cinq ans.
À quelques centaines de mètres une famille se prépare elle aussi à fêter la nouvelle année. Certains ont commencé les agapes dès le début de l’après-midi à renfort de bières. En début de soirée, les réserves s’amenuisant, l’un des fêtards décide de prendre le volant pour aller faire le plein de bière au magasin qui se situe à environ 500 mètres. Malgré les deux litres de bière qu’il a descendus depuis le début de la journée, il se sent d’attaque pour prendre le volant. Il connaît la route, la limitation à 40 km/h et ses dos d’âne et puis de toute façon, il ne va pas bien loin. Il grimpe dans le 4×4 qu’il emprunte à l’un de ses neveux, un véhicule non assuré, puis démarre.
Vers la fin de l’office au temple, la mère accompagnée de ses deux enfants sort pour aller prendre une bouteille d’eau à la voiture. Elle est garée en face, juste devant une carcasse de voiture et sous un arbre à pain qui masque par l’opulence de son feuillage une bonne partie de l’éclairage diffusé par un réverbère. Il fait sombre et c’est d’ailleurs l’endroit de prédilection des dealers du quartier pour faire leurs affaires.
Arrivée à la voiture la mère ouvre les portières et l’enfant s’apprête à monter à l’arrière quand l’homme au volant du 4×4 le percute. Il fait quelques mètres, s’arrête et descend de son véhicule, persuadé qu’il a touché un chien.
Un lynchage évité de justesse
Alertés par le bruit, les habitants du quartier Estall sortent de chez eux, se mêlant aux fidèles qui sortaient du temple. Devant le spectacle de la femme assise sur la chaussée tenant dans ses bras son enfant inanimé et en sang, priant Dieu pour qu’il ne meure pas, certains perdent leur nerfs et veulent lyncher le conducteur. S’il s’en sort à peu près indemne, c’est grâce à l’intervention des fidèles et aussi de la DSP qui le met à l’abri de la vindicte populaire.
À la barre, à l’énoncé des faits, le quinquagénaire semble rester de marbre. Seuls ses yeux et les mouvements de va-et-vient de sa pomme d’Adam montrent son émotion. « Je n’ai pas vu le gamin. Il a surgi d’entre les deux voitures et je l’ai percuté. C’était mal éclairé et il était habillé de noir. Je n’ai pas pu l’éviter. »
L’éthylotest révélera qu’il avait 0.44 ml d’alcool dans le sang, soit la limite délictuelle. S’il reconnait sa responsabilité dans l’accident, il n’arrive pas à déterminer si l’alcool y est vraiment pour quelque chose. « Cela aurait pu arriver à n’importe qui, c’est ce que m’a dit un muto’i. (…) Peut-être que l’alcool a diminué ma vision. »
En se penchant sur le passé de l’accusé on apprendra que lui aussi a perdu un enfant, sa fille. Elle était plus âgée que sa victime, 21 ans, mais a aussi connu une mort violente. Sous les coups de son concubin. Le procès aux assises de son meurtrier s’était tenu peu de temps avant ce drame. Autre facétie du destin, la mère de la petite victime était sa cousine germaine
« La mort d’un petit ange ».
Pour l’avocate de la partie civile, le dossier a traîné et à cause de cela, « la maman n’arrive pas à faire son deuil. Elle ne s’en remet pas de la mort de son petit ange. Elle a des images de son enfant sur elle avec son sang qui coule et ces images reviennent sans cesse. »
Braquant son regard sur l’accusé, elle le fustige. « Si vous n’aviez pas bu, si vous n’aviez pas pris ce véhicule, on aurait pu éviter cet accident… Vous n’avez pris que de mauvaises décisions ! Résultat, vous avez à ce jour une famille dévastée. »
Un peu plus loin assis à l’écart dans la salle, un homme opine. C’est le concubin de la mère qui prendra la parole pour abonder dans le sens de l’avocate. « Elle est suivie psychologiquement, elle n’en peut plus, elle a des envies de suicide. C’est long, trop long. On ne comprend pas. » Une incompréhension partagée par pas mal de personnes dans l’assemblée. Quatre années entre les faits et le jugement. Le temps judiciaire ne passe véritablement pas à la même vitesse que celui du commun des mortels.
36 mois de prison dont 18 avec sursis de requis
Pour le procureur de la République, qui reconnait « le chemin de croix des parents », le dossier est clair. « Il y a eu un manque d’anticipation des risques, de la route mal éclairée, et de la vigilance et des réflexes amoindris par l’alcool. ».
L’accusé regarde le procureur et semble acquiescer. Mais c’est au tour de la défense de s’exprimer et celle-ci s’attaque avant tout aux lieux et aux circonstances de l’accident. « L’enfant n’était pas visible, l’éclairage était déficient et il était caché entre l’épave et la voiture de sa mère, il a surgi d’entre les deux voitures et les circonstances me font dire que cela peut arriver à tout le monde. » Il conclut, « Ce dossier est très douloureux pour les parties civiles et aussi pour mon client. Ce type d’accident ne doit pas rester impuni, il doit y avoir une sanction que mon client attend avec sagesse. »
Suivant à la lettre les réquisitions du procureur, le tribunal a reconnu le conducteur coupable et l’a condamné à 36 mois de prison dont 18 avec sursis, et à l’annulation de son permis de conduire avec interdiction de le repasser avant douze mois. Il est reparti libre, croisant au passage le regard de l’homme qui va pouvoir annoncer à sa femme qu’elle peut enfin faire son deuil.