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Nicole Sanquer : « On sait que notre mandat peut être de très courte durée »


Invitée de la rédaction de Radio1, la députée qui retrouve son siège perdu en 2022 revient sur les résultats de ces législatives mais parle surtout de l’avenir. Avenir du Amui Tatou, « accord pour une élection » plus qu’alliance pérenne, mais qui devrait trouver des échos « dans certaines communes » dès les municipales et pourrait « marquer un tournant » entre les autonomistes de Tarahoi. Avenir de l’activité parlementaires aussi, au sein du groupe Liot, pourquoi pas avec Moerani Frebault. Avenir, enfin, d’une assemblée nationale sans majorité claire, ce qui pourrait affecter les capacités d’action du gouvernement central et donc l’avancée des dossiers polynésiens.

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  • Amui Tatou : des « prolongations » au cas par cas pour les municipales, et un « tournant » à Tarahoi

Pas une « revanche », mais une « possibilité poursuivre le travail ». Voilà comment la députée, élue en 2017 sous les couleurs du Tapura, puis éliminée dès le premier tour en 2022 avec son tout nouveau A Here ia Porinetia, voit son retour dans le siège de la deuxième circonscription. « Les Polynésiens ont compris les enjeux de cette élection », avait-elle répété au soir du second tour. « Il était pour nous évident de ramener une voix qui porte l’autonomie à Paris », complète-t-elle aujourd’hui. Toujours vêtue de rose ce lundi midi, Nicole Sanquer est bien une députée « Amui Tatou », « pas une alliance de circonstance », mais un « accord pour ces législatives », qui a permis d’éviter le report de voix autonomistes vers le Tavini… qu’A Here ia Porinetia avait d’ailleurs été accusé d’encourager il y a deux ans.

Mais alors quel avenir pour le regroupement ? Il survivra quoiqu’il arrive par « le travail commun à l’Assemblée nationale », répond la présidente du parti vert, qui continue de s’opposer à l’idée d’un « parti unique » pour préserver le « pluralisme politique » au sein du camp autonomiste. « En 2023, il est clair que les électeurs ont fait confiance à Ahip sur un programme qui changeait un peu la manière de gérer ce pays » rappelle-t-elle. Et sur l’opposition au Tapura, dont le mode de fonctionnement continue visiblement de ne pas coller avec celui du parti de Sanquer et Laurey. Pourtant, vu la « bonne entente » des militants sur le terrain de la deuxième circonscription – terni seulement par quelques « difficultés d’organisation » – des rapprochements peuvent être envisagés pour les municipales de 2026. Mais au cas par cas. « J’ai entendu dans certaines communes, déjà, et je parle par exemple de Mahina où il y a eu une entente, pourquoi pas prolonger cet accord pour les municipales, explique l’ancienne candidate à la mairie de Mahina, qui a annoncé qu’elle ne se présenterait pas au prochain scrutin local. En tout cas c’est le sujet qui va être débattu, on est à deux ans de cette élection municipale. Et on a bien vu, sur Paea par exemple, que ce rassemblement des forces autonomistes a permis de mettre en difficulté le maire indépendantiste ».

Dans le détail, le Amui Tatou est arrivé premier dans toutes les communes tahitienne de la deuxième circonscription – avec beaucoup d’avance à Mahina (64,5%) ou Teva i Uta (59,62%) et moins à Paea (52%) ou Taiarapu Est (53,05) – à l’exception notable de Papara (52,2% pour Steve Chailloux). Le bilan du Amui Tatou est aussi de bon augure pour la poursuite du « travail en commun » à Tarahoi, entamé avec les recours contre la loi fiscale ou le règlement intérieur. Voire un groupe réuni ? À voire. Mais « les résultats de cette élection vont peut-être marquer un tournant » à l’assemblée de Polynésie, assure Nicole Sanquer, « nous devons nous rencontrer entre présidents de partis ». L’ancienne vice-présidente de l’assemblée, déchue ce lundi pour cause d’incompatibilité de mandat, pointe au passage que « l’ouverture » promise par le gouvernement Brotherson dans les travaux parlementaires n’a pas été au rendez-vous.

  • Direction le groupe Liot, et pourquoi pas avec Moerani Frebault

Nicole Sanquer avait promis de siéger dans un « petit » groupe du « centre ou de la droite », elle le confirme. « Le Liot avec des collègues de l’UDI et des collègues des outre-mer, est en train de se recomposer », se réjouit-elle. Groupe centriste et éclectique, il s’était d’abord formé en 2018 sous le nom « Liberté et territoires », entre autonomistes corses, déçus du macronistes et non inscrits à la recherche d’une structuration et de gain de temps de parole et de moyens. Après l’élection de 2022, il devient « Libertés, indépendants, outre-mer et territoires » et incorpore des élus UDI – parti avec qui siégeait Nicole Sanquer et, un temps, Maina Sage pendant la précédente mandature – trop peu nombreux pour composer un groupe, ainsi que des dissidents socialistes ou républicains. Le petit groupe, qui a dénoncé à plusieurs reprise la « confiscation du débat » par le gouvernement d’Elizabeth Borne au travers l’utilisation du 49-3, avait notamment déposé, sous la houlette de sa figure Charles de Courson, plus ancien député de l’assemblée réélu de justesse dimanche, une motion de censure trans-partisane qui était passée à neuf voix de faire tomber l’exécutif parisien.

Certains présageaient que cet attelage politiquement peu cohérent, mais, d’après Nicole Sanquer respectueux de « l’expression de chacun » et composé d’élus « qui défendent avant tout leur territoire », allait disparaitre après la dissolution. 14 de ses élus ont finalement été reconduits, mais les tractations avec d’autres députés devraient lui permettre de passer le seuil des 15 parlementaires nécessaire pour reformer un groupe. Les deux élus autonomistes polynésiens, qui ont reçu « beaucoup d’appels » depuis samedi et prévoient de finaliser les discussions dès leur arrivée à Paris, cette semaine. Nicole Sanquer et Moerani Frebault – que la candidature sur la liste européenne macroniste destinait plutôt à un groupe proche de l’ancienne majorité – pourraient donc finalement siéger ensemble ? « Ce n’est pas du tout exclu et nous faisons tout pour rester unis à l’Assemblée nationale pour porter la voix de la Polynésie française, reprend la député. Par contre nous sommes déjà concertés par rapport aux commissions où nous devons siéger. Par rapport aussi au programme que nous avons établi, Moerani voudrait siéger dans la commission des lois parce que nous demandons des modifications de notre loi organique et moi j’aimerais siéger dans la commission des affaires sociales et santé pour pouvoir apporter ces fameuses conventions État – Pays ».

Rien n’est toutefois joué pour Moerani Frebault qui doit rencontrer, en plus des représentants de Liot, ceux de Horizons, le mouvement créé par Édouard Philippe. L’hypothèse d’une situation où les trois députés polynésiens siègent dans trois groupes différents (Mereana Reid-Arbelot devrait rejoindre GDR groupe communistes – élus ultramarins lui aussi en position pour se reformer) n’est donc pas exclue non plus ? C’était déjà le cas entre 2020 et 2022, rappelle Nicole Sanquer, puisque Moetai Brotherson était déjà chez GDR et Maina Sage ayant alors choisi de rejoindre « Agir ensemble » pour se rapprocher de la majorité d’alors. « Et pourtant il y avait des dossiers où on se retrouvait complètement, pointe la députée. L’important, c’est de garder notre liberté ».

  • Députée pour un an ?

Comme souvent, les résultats nationaux de l’élection n’ont été que peu commentés localement. Et pourtant, ils ont de quoi alimenter le débat : la gauche qui a fait mentir les sondages en finissant premier, le camp macroniste qui a miraculeusement survécu à la faveur d’un front républicain ressuscité, le Rassemblement national, promis à une majorité de gouvernement et qui finit en troisième position… Et surtout, l’absence de majorité claire pour former un gouvernement. Les trois députés élus, plus que d’autres, suivent la situation de près, mais Nicole Sanquer dit ne pas être des plus concernés par la question du choix du Premier ministre. « Je ne m’arrête pas à une personne, dit-elle. Pendant mon premier mandat, je n’étais pas dans la majorité présidentielle. Je pense qu’il faut avoir les bons arguments quand vous rencontrez les ministres et surtout ne rien lâcher ».

En revanche, le risque de paralysie de l’exécutif national, avec un gouvernement aux marges de manœuvres très limitées ou qui risquerait à tout moment d’être censuré, a de quoi inquiéter la Polynésie. « C’est ce qu’on redoute en fait, cette instabilité au sein de l’Assemblée Nationale, parce que là, le travail parlementaire serait pratiquement inexistant et ne porterait pas ses fruits », précise-t-elle. Une erreur, la dissolution ? Difficile pour la députée nouvellement élue de le présenter ainsi. Elle rappelle ainsi que la majorité relative d’Emmanuel Macron, ces derniers mois, « n’arrivait pas faire passer ses textes sans 49-3 ». La « clarification » voulue par l’Élysée après la victoire du RN aux Européennes pouvait donc être une bonne idée… Sauf qu’elle n’a rien clarifié. « En tout cas nous sommes conscients que notre mandat peut être de très courte durée, c’est à dire un an », lâche la parlementaire. Un an, c’est le délai minimum à respecter, d’après la constitution, avant une nouvelle dissolution.

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