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Nucléaire : les demandes d’indemnisation en forte hausse

Selon les chiffres du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) 1,46 milliard de francs ont été versés en compensation sur l’année 2023. Dont un peu moins de 835 millions à 64 victimes ou ayants-droit polynésiens, parmi les 108 à avoir acquis ce statut l’an passé. Sur l’ensemble du territoire national, 48% des dossiers examinés en 2023 ont abouti à la reconnaissance demandée.

À la veille du 2 juillet, journée commémorative du premier essai nucléaire en Polynésie, paraît le rapport d’activité 2023 du Civen. Selon le Comité, qui met à jour ses chiffres chaque année, la mission « Aller vers » a porté ses fruits en Polynésie. Mise en place par le Haut-commissariat après la visite d’Emmanuel Macron en 2021, une décennie après l’entrée en application de la loi Morin, elle avait pour objectif d’accompagner les victimes et leurs ayants-droit dans la constitution de leur dossier, avec des permanences en mairies ou des visites dans les archipels. Depuis sa création en 2010, le Civen a accumulé une pile de 2 846 demandes, mais l’apport de l’État est à relativiser dans ces statistiques, puisque seuls 264 dossiers ont été présentés via le haussariat. Contre 550 par les différentes associations, 635 par des avocats, 280 par les CMS et 1 117 par des personnes ne disposant pas de représentant. À noter que ces dossiers concernent une immense majorité d’hommes (72%). La courbe s’est toutefois légèrement inversée en 2023, avec, pour la première fois, une part plus importante de demandes faites par les femmes.

Le nombre de demandes a explosé

En ce qui concerne les demandes d’indemnisation en 2023, elles sont en nette augmentation : en 2022, année déjà marquée par une forte hausse de la pile de documents (+50% par rapport à 2021), 240 Polynésiens s’étaient manifestés, sur un total de 328 dossiers déposés. Pour 2023, ils sont 495 résidents du fenua à avoir déposé un dossier, soit la majorité des 564 nouvelles demandes sur l’année (+72%), de loin la plus prolifique pour le Comité depuis sa création en 2010. « Jusqu’en 2022, 814 demandes avaient été déposées auprès du Civen par des Polynésiens. En une année, le Civen a donc reçu un nombre de demandes déposées équivalent à plus de 60 % de toutes celles déposées de 2010 à 2022 », illustre le rapport. Avec une part plus importante de victimes directes que d’ayants-droit. Comme l’an passé, le plus gros contingent des demandes polynésiennes provient de la population (77,8%), devant les travailleurs civils du CEP (18,8) et enfin les militaires. Ceux-ci représentent seulement 3,4 % des demandes déposées au fenua, à l’opposé des statistiques de la métropole, où les anciens membres des forces armées ont font l’objet de 83% des cas étudiés. En ce qui concerne les pathologies signalées, le CIVEN recense une majorité de cancers du sein, du poumon et de la thyroïde.

108 nouvelles victimes ou ayants-droit au fenua

Si les demandes d’indemnisation augmentent rapidement, les décisions du Comité prennent aussi plus de temps. Tous les dossiers déposés ne sont pas nécessairement traités dans l’immédiat. L’an passé, les neufs membres de ce Comité, nommés par le président de la République, ont statué sur 287 dossiers, soit à peine plus de la moitié des demandes, parmi lesquels 221 Polynésiens. Au total, 48% des dossiers examinés ont abouti à une reconnaissance de la qualité de victime. Dans le détail, 108 Polynésiens (et 28 Métropolitains et un Algérien) ont obtenu le statut demandé, alors qu’ils étaient 48 en 2022. Issue inverse pour les 113 autres, dont trente disqualifiés car « hors-décret », à savoir ceux ne remplissant pas les trois conditions nécessaires pour prétendre au statut (lieu, temps et maladie).

Il s’agit donc d’un exercice moins favorable aux demandeurs que le précédent, qui avait vu le Civen plancher sur 320 cas, dont 143 ressortissants du pays, un nombre rehaussé à l’époque par le retour en séance de 54 dossiers contentieux (dans lesquels des questions prioritaires de constitutionnalité -QPC- avaient été soumises au Conseil constitutionnel). 53% des dossiers examinés avaient alors trouvé une issue favorable aux victimes.

Près de 835 millions de francs versés aux victimes polynésiennes

D’un point de vue financier, l’exercice 2023 a aussi été moins coûteux pour l’État que le précédent, avec 156 offres d’indemnisations proposées (48% à des victimes directes, 52% à leurs ayants-droit), pour 1,46 milliards de francs d’indemnités versées. Ce qui représente 16 offres et près de 320 millions de moins quen 2022. Si la part de Polynésiens parmi les nouvelles victimes reconnues en 2023 est de loin la plus importante (78,9%), l’écart est beaucoup plus resserré en ce qui concerne la répartition des indemnités versées : seule 58% de la somme totale (environ 833,6 millions de francs) a atterri chez des victimes directes ou ayants-droit polynésiens. « 89 offres d’indemnisation ont été adressées à des Métropolitains contre 64 à des Polynésiens. La différence s’explique par la liquidation en 2023 des dossiers réexaminés dans les suites de la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-955 (les QPC) qui concernaient essentiellement des Métropolitains (une seule en Polynésie)« , note le Civen. Au fenua, ces 833 millions de francs versés en 2023 ont été répartis entre trente-cinq victimes issues de la population, vingt-cinq travailleurs civils et quatre militaires.

Beaucoup restent donc en attente des indemnités attendues. « Le nombre d’offres d’indemnisation émises ne correspond pas au nombre de dossiers acceptés et au nombre d’indemnisations versées. En effet, dans ce cadre, il s’agit des offres d’indemnisation envoyées à l’amiable. Un dossier peut faire l’objet de plusieurs offres d’indemnisation (nouvelle pathologie, aggravation de l’état de santé, offre complémentaire sur un poste de préjudice, état de santé non consolidé lors de la première expertise). Un dossier accepté peut ne pas avoir encore fait l’objet d’une indemnisation, c’est le cas d’une partie des dossiers acceptés en 2023 pour lesquels les opérations d’expertise sont en cours », rappelle le rapport.

 

 

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