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Nuihau Laurey : « Il y a une vraie troisième voie qui s’offre aux électeurs »

Ni l’autonomie « qui n’en est pas vraiment une » du Tapura, ni l’indépendance « pas claire » du Tavini. C’est la voie que compte se tracer Nuihau Laurey et A here ia Porinetia dans ce second tour des territoriales. Plutôt que de se laisser enfermer dans le « piège » du débat sur l’avenir institutionnel du pays, l’ancien vice-président, passé par le Amuitahira’a et le Tapura, veut mettre en avant ses « actions concrètes pour changer de système politique ». 

Pas de cris de victoire du côté de Nuihau Laurey. La liste A here ia Porinetia qu’il mène dans ces territoriales est pourtant une des grandes gagnantes du premier tour. Plus de 18 000 voix et 14,5% des suffrages exprimés : plus qu’assez pour passer la barre de qualification au second tour et venir former la triangulaire du 30 avril. Et si tout le monde, dimanche soir, commentait la rapidité du succès de ce mouvement, lancé à Tarahoi en 2020 et qui, après avoir un peu piétiné, ne s’est formalisé en tant que parti qu’en début d’année dernière, personne n’en semble vraiment surpris. À commencer par la tête de liste. « On avait réalisé un score pas négligeable aux législatives », rappelle Nuihau Laurey. Près de 12 000 voix, en juin dernier, à jeu égal avec le Amuitahira’a, qui a reçu le coup de grâce en étant éliminé ce dimanche. « Ces derniers mois, nous avons étoffé nos comités, on a vraiment fait campagne », complète le colistier de Nicole Sanquer ou Félix Tokoragi. Bref, un travail politique de fond et malgré les 40% d’abstention – dûs à la « défiance » générale des électeurs « un peu fatigués de la politique » – « les résultats sont là ».

« À nous d’expliquer notre démarche »

Pas partout, nuance tout de même l’ancien sénateur, qui sait qu’il faudra redoubler d’efforts à Tahiti  pour espérer sortir son épingle du jeu au deuxième tour. « C’est là que se trouvent les gros réservoirs de voix. On a manqué nos objectifs dans certaines communes », note-t-il. Objectif primordial : convaincre les électeurs des listes non qualifiées pour le second tour. « En présentant de manière plus approfondie notre programme » mais surtout « en disant qu’on a la chance, contrairement aux élections législatives, d’avoir une vraie alternative ». « Ça n’est pas le Tavini contre le Tapura, l’autonomie contre l’indépendance, on a une vraie troisième voie qui s’offre aux électeurs et c’est à nous d’expliquer notre démarche ».

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Une fusion de liste ? « Difficile de l’imaginer », répond Nuihau Laurey, à quelques heures d’un conseil politique capital pour A here ia Porinetia. La seule liste éliminée qui pourrait prétendre à une telle réunion, c’est le Amuitahira’a, qui, avec ses 11,9% et ses 14 773 voix, passe à moins de 800 voix de la barre de la survie. L’ex-Tahoera’a Nuihau Laurey en est issu, comme l’essentiel des autonomistes du pays. Et la liste verte avait pris soin d’intégrer plusieurs lieutenants orange, qui avaient peut-être senti, comme les élus du Tapura avant eux, la fin de l’aventure politique de Gaston Flosse arriver. C’est le cas notamment de Sylviane Terooatea ou Jonathan Tarihaa, tous deux candidats du Amuitahira’a aux dernières législatives, tous deux très bien placés sur la liste des vert et blanc. Mais le jeune mouvement avait déjà prévenu avant le premier tour qu’il exclurait des fusions de listes. N’est ce pas le risque de voir les orange s’allier à d’autres ? « Les chefs de partis sont libres et se décideront d’eux même », répond l’ancien vice-président, qui juge, quoiqu’il arrive, qu’avec l’obligation de déposer les listes du second tour ce mardi à 18 heures, « il y a très peu de temps », trop peu, probablement, pour mener à bien une telle fusion.

Le « piège » du duel autonomie / indépendance, « ça ne marche plus »

A Here défendra donc son projet « jusqu’au bout », comme l’avait affirmé Nicole Sanquer quelques jours avant le premier tour. Et pour défendre, il faudra s’extraire du duel autonomie / indépendance. « Si la Polynésie souhaite devenir indépendante, il y a tout un processus d’émancipation à mettre en place et on est à des années-lumière de tout ça, martèle le tête de liste. Ce n’est pas du tout la question que se posent les Polynésiens aujourd’hui ». Ce « piège » du scrutin à deux voies, ce serait le Tapura qui tenterait de le mettre en place, en « cristallisant » le débat autour de la question de l’avenir institutionnel. Et en mettant « encore une fois » en avant l’idée d’un « nécessaire ralliement de tous les autonomistes à la cause ». Une stratégie qui « ne marche plus » pour Nuihau Laurey, qui, malgré sa défense du lien avec la France, refuse de choisir entre une vision « soi-disant autonomiste », celle d’Édouard Fritch, avec laquelle « on a de moins en moins de points communs », et une indépendance « que l’on comprend de moins en moins, puisqu’on sent bien qu’il y a deux camps qui s’opposent au sein même du Tavini ». L’élu en est sûr : il y a dans l’électorat, « l’envie d’autre chose que cette dichotomie ».

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C’est d’ailleurs, entre autres, pour sortir de cette polarité que A here ia Porinetia propose de modifier le mode de scrutin des territoriales. En abaissant la barre des 12,5% qui élimine d’office les « petites listes » et en supprimant « cette prime majoritaire énorme », votée pour éviter les longues périodes d’instabilité politique mais « qui tue toute l’expression démocratique à l’assemblée ». Des propositions institutionnelles – avec la limitation des mandats ou la généralisation des référendums – que le parti veut mettre en avant dans les deux prochaines semaines. Mais la thématique principale de cet entre deux tours restera la même qu’au début de campagne : « la question économique, l’inflation, le coût de la vie », pointe Nuihau Laurey qui veut plus que jamais détailler ses « mesures assez radicales qui peuvent contribuer à faire baisser les prix à très court terme ».

« Rupture », « révolution politique »

Pour ça il compte sur un débat plus égalitaire – sur les chaînes de télé notamment – et « plus clair » qu’au premier tour. Un débat où il espère pouvoir croiser directement avec Édouard Fritch. « Durant toute cette campagne, il n’est jamais venu lui-même défendre son bilan dans tous les débats qui ont eu lieu. C’est quand même incroyable que le président sortant ne daigne même pas échanger avec ceux qui sont en face de lui pour cette élection. »

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Le chef de file du Tapura a concentré l’essentiel des critiques avant le premier tour. Et même si Nuihau Laurey assure vouloir défendre ses « mesures concrètes pour changer le système politique » plutôt que d’attaquer son ancien président, il ne semble pas décidé à réorienter ses attaques vers les bleu ciel, pourtant grands favoris du scrutin. « Édouard Fritch ne peut s’en prendre qu’à lui-même si le Tavini arrive à ces scores » insiste-t-il,pointant encore une fois vers les manœuvres « clientélistes » des rouge et blanc – sur la « distribution de fare OPH » avant l’élection notamment – mais aussi sur le choix de baser leur stratégie sur les tavana, qui feraient campagne pour la majorité par « allégeance ». « Les maires ne doivent pas avoir pour fonction d’aller chercher des voix pour le président du Pays pour éventuellement pouvoir bénéficier de subventions pendant la mandature, développe l’ancien ministre des Finances. Nous, nous proposons de casser ce lien par les subventions entre le gouvernement quel qu’il soit et les maires. C’est pour ça que je parle réellement d’une rupture, d’une révolution politique que nous souhaitons mettre en place, pour sortir de ces schémas qui j’ai l’impression fatiguent la population depuis trop longtemps maintenant. »

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