Le tribunal administratif a fait droit à une seule des demandes de Me Usang, auxquelles s’étaient joints l’Observatoire international des prisons et l’Ordre des avocats du barreau de Papeete : l’administration pénitentiaire doit équiper les cellules de Nuutania d’un dispositif de production et de distribution d’eau chaude sous deux ans.
En 2020, Me Arcus Usang avait saisi le ministre de la Justice d’une demande de mettre fin à la « violation quotidienne des droits de l’Homme au centre pénitentiaire de Nuutania » ou de « prendre les mesures nécessaires pour la fermer » . Silence du ministre, détour par le Conseil d’État via une demande d’annulation de la décision implicite de rejet du ministre, et renvoi au tribunal administratif de Papeete. Se sont joints à la procédure l’Observatoire international des prisons et l’ordre des avocats au barreau de Papeete, qui ont fait condamner l’État à de nombreuses reprises sur les conditions de détention.
Le tribunal administratif a rendu sa décision ce mardi. « Le contexte de surpopulation carcérale (…) doit être aujourd’hui largement relativisé » – il est de 123,9 % en maison d’arrêt et de 93,8 % en centre de détention selon les derniers chiffres du ministère – une situation qui « ne suffit pas à elle seule à justifier la fermeture du centre de Nuutania », dit le tribunal.
En attente d’un test amiante généralisé
Autre point, le manque d’intimité et les conditions d’hygiène des détenus. Là aussi, le tribunal se satisfait des conditions actuelles, « admissible dans de telles circonstances », évoquant les rideaux, la lumière et la ventilation naturelle. Le tribunal administratif avance aussi les travaux de rénovation réalisés ces dernières années, les campagnes de dératisation. L’absence de lavabos dans les cellules avancées par le requérant est balayée, puisque les cellules sont « au demeurant toutes équipées de douches » – même si pour certaines elles ne sont pas carrelées et alimentées par un simple tuyau.
Le tribunal administratif écarte aussi l’argument de la présence d’amiante « dans tous les murs » alors que l’organisme de contrôle n’en a détecté que dans « coffrages des poteaux en fibrociment » des ateliers et des bâtiments de détention et n’a pas formulé de recommandations. Nuutania est toutefois en attente d’un « test amiante généralisé sur l’établissement », indiquait le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son rapport de 2022.
En revanche, le fait que les détenus ne bénéficient pas d’alimentation en eau chaude fait mouche. Un huissier a mesuré la température moyenne de l’eau des douches à 22,5°C. Le tribunal administratif estime que l’administration pénitentiaire ne peut pas « dénier l’absence d’incidence sur les conditions de vie des personnes détenues, eu égard à la vulnérabilité de certaines d’entre elles ». « Il s’ensuit qu’une mesure structurelle d’envergure consistant à installer un dispositif de production et de distribution d’eau chaude pour toutes les cellules du centre pénitentiaire de Nuutania, s’impose », conclut le tribunal, qui donne au ministère de la Justice un délai de deux ans pour y procéder, un délai qui devrait suffire pour compenser « l’insularité » et « les délais inhérents à la commande publique ».