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Obésité et coachs de santé du Pays : les diététiciens perplexes

Les annonces faites la semaine dernière par le ministre de la Santé, pour endiguer « le fléau » de l’obésité, font râler les diététiciens même si la stratégie est saluée pour son ambition. En cause : l’absence de reconnaissance de leur profession qui n’est pas prise en charge par la CPS. Une frustration qui dure depuis 15 ans et que les mesures annoncées – notamment celle vantant l’embauche de 200 coachs spécialisés en santé, nutrition et sport – ont ravivé.

Plus de reconnaissance, c’est ce que réclament les membres de l’association des diététiciens de Polynésie française. Une requête qui ne date pas d’hier : depuis 15 ans, ces spécialistes de la nutrition tentent d’inclure leur activité dans la liste des actes de santé pris en charge par la CPS.  » L’obésité et le surpoids sont avant tout des problèmes d’alimentation. Cela fait des années qu’on demande un remboursement partiel de nos consultations pour les rendre accessibles au plus grand nombre, mais rien n’a changé. On nous a toujours dit que nous n’étions pas une priorité »,  déplore Morgane Ausangee, vice-présidente de l’association. Un discours qui semble d’autant plus incompréhensible à ses yeux après les annonces faites à l’assemblée la semaine dernière par le ministre de la Santé Cédric Mercadal qui, face à l’échec de la lutte contre l’obésité relevé par la chambre territoriale des comptes, a déclaré l’obésité « défi majeur pour notre pays » en dévoilant les grandes lignes d’une stratégie ambitieuse pour lutter contre ce « fléau ».

Quel cadre légal pour les 200 coachs ? 

Mise en place du « sport sur ordonnance », nouvelle législation pour encadrer la vente de produits riches en sucre, gras ou sel, avec hausse de la TVA sur ces produits dès 2025… Une stratégie ambitieuse, incluant aussi l’embauche de 200 coachs spécialisés en santé, nutrition et sport qui auront pour mission de faire passer les bons messages directement sur le terrain. « L’obésité et le surpoids sont des maladies non transmissibles. Le souci, c’est que les coachs sportifs, bien qu’ils aient une formation en nutrition, s’ils n’ont pas le diplôme complet comme nous, n’ont pas le droit de prendre en charge des pathologies. Ils ne peuvent donc pas prendre en charge des personnes ayant un surpoids ou une obésité. Nous ne comprenons pas pourquoi nous n’avons pas été approchés par le gouvernement sur cette problématique-là », ajoute encore Morgane Ausangee.

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Un suivi accompagné et personnalisé

Il faut dire qu’une loi du Pays existe depuis 1988 pour encadrer la profession. Mise à jour en 2015, elle précise que toute personne qui n’est pas médecin spécialisé ou diplômée d’un BTS ou DUT n’a pas le droit de donner des conseils alimentaires. Une problématique pointée par les diététiciens qui assurent que, pour changer les habitudes alimentaires, il faut un réel accompagnement. « Ils veulent faciliter l’accès à ces informations-là, mais ils passent par des gens non formés, alors qu’en remboursant (partiellement) nos consultations, cela permettrait aux personnes qui n’ont pas forcément les moyens de venir nous voir. Parce que juste aller donner de l’information et dire aux gens “fais ci, fais ça”, ça ne marche pas. Tout le monde sait comment manger équilibré, depuis le temps que la Direction de la santé communique dessus. Ce qui manque, c’est un suivi accompagné et personnalisé, et ça, seul le diététicien-nutritionniste est en capacité de le faire », insiste la vice-présidente de l’Association des diététiciens de Polynésie française.

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Une rencontre avec les autorités

Les spécialistes saluent l’initiative du gouvernement et disent vouloir « travailler main dans la main » avec les autorités. Ils s’inquiètent du discours qu’auront les jeunes recrues dans les quartiers et auraient aimé, par exemple, être sollicités pour participer à la formation des futurs coachs. « Sur le territoire, nous avons les meilleurs discours pour pouvoir aider et guider ces nouveaux coachs. Pourquoi on ne nous a pas sollicité ? »  s’interroge encore Morgane Ausangee. Quoi qu’il en soit, les diététiciens de l’association n’ont pas dit leur dernier mot et espèrent être reçus par le ministère, l’ARASS et la CPS « très prochainement » pour discuter de cette nouvelle stratégie, mais surtout de l’éventuelle intégration de leur profession à celles pouvant prétendre à un remboursement, au moins partiel, par la CPS.