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« On ne rétablira pas la taxe sociale »

 

Alors que le nouveau ministre de l’Économie doit, en concertation avec le ministre de la Santé, travailler sur la réforme de la protection sociale généralisée, la question du financement reste posée. Le gouvernement s’oriente vers des « économies sur les dépenses de santé » plutôt que sur de nouvelles taxes ou cotisations, ont expliqué sur notre antenne Moetai Brotherson et Warren Dexter, qui veut que les non-salariés contribuent davantage. Quant à la suite de la réforme de la fiscalité sur le patrimoine abandonnée par le précédent gouvernement, c’est une piste de réflexion mais pas une urgence.

« Non, on ne rétablira pas la taxe sociale », affirme Moetai Brotherson, qui assure : « Il y a d’autres options qu’on va présenter. Cette réforme de la PSG a fait l’objet récemment de deux conseils interministériels à l’issue desquels je pense que l’ensemble du gouvernement est rassuré sur la façon de procéder qui nous est proposée par le ministre de la Santé. Mais il y a dans le plan qui nous est présenté beaucoup d’innovation. (…) Là aussi il faudra concerter parce que les gens vont être surpris. »

Peu de chance, tout de même, de voir les cotisations patronales baisser, dit le président du Pays, qui rappelle que du temps de la réforme Te Autaeaeraa (2005), « on avait tenté le coup de dire, si on baisse les cotisations patronales, il va y avoir de l’embauche et donc on va s’y retrouver. On a baissé les cotisations mais derrière, ça n’a pas tellement suivi. »

Warren Dexter confirme : pas question de fiscaliser davantage la protection sociale, « Cédric Mercadal est d’abord allé chercher des pistes d’économies dans les dépenses de santé. » Et il est décidé à aller chercher les non-salariés : « Cette fameuse primauté du RGS, il est temps d’y mettre fin. Vous êtes salarié, vous êtes au RGS et à côté, vous avez une activité indépendante où vous faites des millions, vous ne cotisez pas, ce n’est absolument pas normal. D’après les premières estimations, ça pourrait déjà rapporter 2 à 3 milliards de fonds supplémentaires à la PSG. »

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À l’inverse, puisque le Pays génère des excédents budgétaires, peut-on envisager une baisse de la CST pour rendre du pouvoir d’achat aux Polynésiens ? Pas si vite, répond Moetai Brotherson, qui veut rappeler que les bons résultats affichés par la précédente équipe masquent, dit-il, « des pans entiers de l’action publique » – santé, OPH, satellites du Pays – qui nécessitent chaque année des subventions d’équilibre. « Il ne faut pas croire qu’on est assis sur un tas d’or et qu’on ne fait rien avec », dit le président. Rappelons tout de même qu’en matière budgétaire un excédent est calculé après versement des subventions, pas avant.

Fiscalité des successions et du patrimoine foncier : « une partie du Tavini est très frileuse sur ce sujet »

« Bien sûr », dit Warren Dexter, il va reprendre la réflexion, abandonnée en janvier 2022 par l’ancien gouvernement, sur la taxation du patrimoine qui ne l’est pas encore, même s’il est conscient « qu’on va devoir beaucoup discuter parce que ce n’est pas dans l’ADN du Tavini d’aller taxer les successions et les terrains », ce que confirme Moetai Brotherson : « une partie du Tavini est très frileuse sur ce sujet ». Mais pas question de taxer les propriétaires riches en terrain mais monétairement pauvres : « le principe, c’est l’équité fiscale », rappelle Moetai Brotherson. Pas d’urgence de ce côté en tout cas pour le ministre dont la priorité est d’abord la lutte contre la vie chère.

Loi fiscale : « On a tenté parce que nos juristes sont venus nous dire, sur un malentendu, ça peut passer »

Reste qu’il faut trouver des recettes fiscales. La loi fiscale de l’année dernière, ça pique encore un peu. Il suffit d’entendre la réaction du président du Pays quand on parle de « fiasco » : « sur la forme, pas sur le fond », répond-il. Certes, le Conseil d’État n’a pas eu à se pencher sur le fond puisqu’il a trouvé des motifs suffisants de censure sur la forme. Mais l’entêtement du gouvernement, alors que nombreuses étaient les voix qui disaient que la rétroactivité ne passerait pas ? « On a tenté parce que nos juristes sont venus nous dire, sur un malentendu, ça peut passer. Il y avait une chance que ça passe, ça n’a pas été le cas. »

Le gouvernement cherche à présent un moyen de sortir par le haut de cet épisode embarrassant, et à « ne pas pénaliser ceux qui ont été favorisés par cette loi fiscale » – par exemple les primo-acquéreurs ou les concessionnaires automobiles. Il va donc consulter le tribunal administratif pour vérifier que cette amnistie fiscale est possible. Une consultation qui prendra plusieurs semaines.