INTERNATIONALSOCIÉTÉ Orthographe : Vallaud-Belkacem ou l’Académie française, qui a raison ? Europe1 2016-02-16 16 Fév 2016 Europe1 Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuelle de l'Académie, et Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education CONTROVERSE – L’Académie assure n’avoir jamais soutenu la réforme de l’orthographe, quand la ministre de l’Education nationale affirme qu’elle lui a donné son feu vert. « La question de l’orthographe, en France, c’est un volcan sujet à des éruptions périodiques, généralement violentes, séparées par des périodes plus ou moins longues de calme à peu près absolu. » Et le mois de février 2016 est indéniablement, pour reprendre les mots du linguiste Michel Arrivé, celui d’une éruption violente. Ministère de l’Education vs. Académie française Plus d’une semaine après l’annonce, dans les médias, de l’intégration de nouvelles règles orthographiques dans les manuels scolaires, les houleux débats se poursuivent. Ce week-end, l’Académie française s’est désolidarisée de « l’orthographe rectifiée ». Dans une interview au Figaro publiée samedi, Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuelle de l’Académie française, affirme que l’institution « n’a eu aucune part » dans l’élaboration de la réforme de l’orthographe, en 1990. « Je suis stupéfaite d’entendre dire que l’Académie française aurait inventé cette réforme de l’orthographe, ou l’aurait soutenue. » Des déclarations qui ont suscité « l’étonnement » de Najat Vallaud-Belkacem. Dans une lettre rendue publique mardi, la ministre de l’Education nationale a soutenu, au contraire, que l’Académie française avait non seulement voté à l’unanimité cette réforme en 1990, mais qu’elle n’avait pas non plus apporté de « démenti » en 2008, lorsqu’elle était entrée en vigueur. L’Académie n’a pas inventé la réforme mais en a approuvé les « idées directrices »… Que s’est-il réellement passé ? Hélène Carrère d’Encausse a raison sur un point : ce n’est pas l’Académie française qui est à l’origine des rectifications orthographiques de 1990. Cette tâche avait été confiée au Conseil supérieur de la langue française (CSLF), présidé par le secrétaire perpétuel de l’époque, Maurice Druon. En revanche, le comité d’expert du CSLF a ensuite travaillé à un compromis avec l’Académie. L’institution a ensuite « approuvé à l’unanimité » le rapport final du CSLF lors de la séance du 3 mai 1990, selon plusieurs sources, notamment le linguiste Michel Arrivé et le site de l’Académie française même. Mais l’Académie a tenu à préciser mardi qu’elle n’avait en fait approuvé que les « idées directrices », « l’inspiration et le principe » du projet ce jour-là. L’institution n’aurait donc pas validé les suggestions de révision orthographique en tant que telles, mais plutôt l’assurance, de la part du CSLF, qu’il n’y aurait aucune « imposition autoritaire de normes graphiques » ni de « sanction de l’usage pour les rectifications proposées ». …avant de se prononcer favorablement sur le fond Selon Hélène Carrère d’Encausse, ce n’est qu’en décembre 1990, alors que la réforme suscite déjà un vif débat politique et médiatique, que l’Académie a pu prendre connaissance des révisions orthographiques. « L’Académie, dans son ensemble, a marqué son désaccord avec ce texte », a-t-elle affirmé au Figaro, citant les voix dissonantes de Jean d’Ormesson, Alain Peyrefitte ou encore Félicien Marceau. Mais la secrétaire perpétuelle exagère en parlant de « refus général ». Car en janvier 1991, l’Académie a publié un communiqué pour le moins alambiqué dans lequel elle prend acte des « recommandations » du CSLF. Sans jamais les remettre en cause ni s’y opposer frontalement, elle pose néanmoins des limites à leur entrée en vigueur. L’institution refuse une « mise en application par voie impérative, et notamment par circulaire ministérielle ». Elle exige que les deux orthographes soient acceptées et se laisse une « période d’observation » pour « confirmer ou infirmer les recommandations proposées ». Une réforme méconnue mais pas « exhumée » Or, ces exigences ont bel et bien été respectées, les deux graphies étant admises. Par ailleurs, Najat Vallaud-Belkacem a raison lorsqu’elle souligne que « ces rectifications sont intégrées dans la neuvième édition du dictionnaire de l’Académie française ». Ce Dictionnaire présente l’orthographe traditionnelle des mots concernés à l’entrée principale et mentionne ensuite la possibilité d’une graphie rectifiée. Par ailleurs, Hélène Carrère d’Encausse dit ne « pas comprendre les raisons qui expliquent l’exhumation d’une réforme élaborée il y a un quart de siècle ». Mais si elle est méconnue, cette réforme n’a pas pour autant été « déterrée » en 2016. Certains manuels scolaires appliquaient déjà les modifications orthographiques, l’orthographe révisée étant devenue « la référence » dans l’Education nationale depuis 2008. Ce qui, n’avait, à l’époque, « pas suscité de démenti de la part de l’Académie », a noté Najat Vallaud-Belkacem. La ministre de l’Education nationale a donc appelé l’institution à clarifier sa position, « afin que les acteurs concernés puissent en tenir compte à l’avenir ». Source : Europe1 Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)