Paris (AFP) – Le Paris coquin dépérit. Alors que la rue Saint-Denis perd un à un ses sex-shops remplacés par des bars bobo, Pigalle pleure l’un de ses lieux emblématiques : l’unique musée français de l’Erotisme et des plaisirs charnels ferme ses portes et met aux enchères ses collections.
Godemichés du monde entier et de toutes les époques, chaises de plaisir, dessins et sculptures érotiques… Plus de 2.000 objets plus polissons les uns que les autres seront vendus au plus offrant dimanche par la maison de vente Cornette de Saint Cyr.
Fondé en 1998 au cœur du quartier le plus chaud de Paris par deux amis, Jo Khalifa et Alain Plumey, une ancienne star du porno, tous deux fascinés par l’érotisme et ses représentations artistiques, le Musée de l’Erotisme accueillait chaque année quelques dizaines de milliers de curieux.
Le propriétaire de l’immeuble a décidé de ne pas renouveler le bail et aucune solution viable ne s’est présentée pour réinstaller ailleurs cette institution muséale entièrement privée, version parisienne d’autres musées érotiques de référence comme le Venustempel d’Amsterdam et le musée du sexe de New York.
« On n’a jamais été aidés, ni par l’État ni par la ville de Paris. Il faut dire qu’avec un tel sujet, on imagine mal des élus nous soutenir. Et en France, la fréquentation touristique a vraiment baissé, y compris pour notre voisin Le Moulin Rouge. Il n’y avait pas de raison que nous soyons épargnés », indique Jo Khalifa à l’AFP.
Pour Maître Bertrand Cornette de Saint Cyr, chargé de la dispersion, « cette vente exceptionnelle offre un tour du monde de l’art érotique, un panorama unique des cultures et coutumes des peuples ».
« L’art érotique est un art populaire, et a toujours existé. Il a toujours été difficile à dénicher en raison de sa source d’inspiration au cœur de l’intime », explique-t-il à l’AFP.
– Automate musical et robot –
« Cette collection constituée depuis trente ans présente le grand intérêt d’avoir été motivée par un grand souci esthétique et une originalité dans les représentations, les plus éclectiques possibles », ajoute le commissaire-priseur.
« Les représentations érotisantes sont très minoritaires dans les manifestations artistiques habituelles. Constituer une telle collection est très compliqué », insiste-t-il, très confiant au sujet de cette vente qui intéresse « un large spectre de clientèles ».
Parmi les lots proposés, beaucoup viennent d’Asie où l’érotisme peut parfois être considéré comme une philosophie. La plus ancienne œuvre mise en vente est une plaque de marbre du 18e siècle représentant Vishnu et provenant d’un temple tantrique.
Un kamasutra indien, des bronzes de Pathan (Tibet), une pipe phallique en bois sculpté provenant de Thaïlande, des représentations érotiques des sexes masculins et féminins d’Amérique latine sont aussi au catalogue, tout comme un automate musical français de la fin du XVIIIe siècle, représentant deux personnages en plein acte sexuel.
De nombreux lots évoquent les maisons closes qui, en France, ont connu leur âge d’or sous la IIIe République, avant leur fermeture en 1946 sous l’impulsion de Marthe Richard. Un ensemble de documents sur la prostitution sera également dispersé, ainsi que des dessins coquins signés Wolinski, ami du Musée de l’Erotisme.
Des chaises de plaisir sont estimées à partir de 1.000 euros. Des phallus en bronze ou en bois d’Afrique seront proposés en lots à partir de 500 euros, tandis que de nombreuses photographies de nus féminins et masculins sont estimés autour de 80 euros.
Le clou de la vente est une imposante sculpture moderne en bronze de 1980 représentant une femme en plein coït avec un robot, estimé 7.000 à 8.000 euros.
Toutes les oeuvres sont exposées au Musée de l’Erotisme jusqu’à samedi (72 boulevard de Clichy, 75018 Paris).
© AFP PATRICK KOVARIK
La devanture du musée de l’Erotisme, le 2 novembre 2016 à Paris