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Pas de reconfinement tant que l’hôpital tient bon

La Polynésie reste en dehors du périmètre du reconfinement national. C’est le haut-commissaire Dominique Sorain et le président Édouard Fritch qui l’ont expressément demandé à Paris. Les deux responsables souhaitent éviter ce retour au confinement, synonyme d’après eux de « catastrophe économique et sociale ». Ils comptent sur les effets du couvre-feu et « les efforts de chacun » pour éviter la saturation de l’hôpital qui sonnerait l’échec de leur stratégie.

Une fois n’est pas coutume, c’est Édouard Fritch qui a pris la parole en premier, ce vendredi, au Haut-commissariat. Huit jours après la mise en place, depuis Paris, du couvre-feu en Polynésie, 48 heures après l’annonce, par Emmanuel Macron, d’un reconfinement national, l’allocution étaient attendue pour mettre au clair la stratégie adoptée au fenua. Et si le président du Pays promet d’emblée d’aller « droit au but », il prend soin de rappeler les chiffres inquiétants de l’épidémie. Près de 400 cas positifs détectés par jour, une réanimation déjà à 60% de ses capacités maximales de lits, 33 décès en moins de deux mois… Aucun doute, la situation est « grave », reconnait le responsable qui explique que « la Polynésie s’est hissée parmi les pays avec un taux d’infection les plus hauts du monde ». « Nous n’avons pas su nous protéger », reprend-il. Le président dit ne vouloir « accabler ni stigmatiser qui que ce soit ». Mais dénonce l’application non rigoureuse des gestes barrières, les « rassemblements privés » qui continuent, ou pointent vers les « cas contacts » ou « cas positifs » qui choisissent de ne pas s’isoler, voire même de voyager. « Cela fait 7 mois que nous répétons les mêmes messages, que nous appelons à la discipline individuelle », insiste Édouard Fritch, qui ne laissera paraître, pendant toute la conférence, aucun retour critique sur la communication et sur la stratégie sanitaire du gouvernement.

« L’État n’a pas repris en main la destinée de la Polynésie »

La situation est grave, donc, mais la Polynésie ne sera pas reconfinée. « Nous ne le souhaitons pas pour l’heure », insiste le président du Pays qui assure que ce genre de décisions, tout comme le rétablissement du couvre-feu, sont discutées à Tahiti plutôt que prises à Paris. « Ce n’est pas l’État qui a repris en main la destinée sanitaire de la Polynésie », précise l’élu, qui semble parier sur un impact positif du couvre-feu, « signal d’alerte sérieux » pour la population. « Nous attendons encore quelques jours pour bien évaluer l’efficacité des mesures », continue-t-il. Pour Dominique Sorain, les mesures déjà en place, qui vont être renforcées à la marge, sont déjà « des mesures très contraignantes », mais elles permettent de limiter les dégâts sur l’activité.

« Ne pas confiner aujourd’hui ne signifie pas renoncer à des mesures fortes pour se protéger, explique le haut-commissaire. Notre objectif est d’assurer la santé des Polynésiens tout en maintenant une activité économique sur le territoire ». À entendre les deux responsables, un confinement, même s’il ménageait l’activité professionnelle et scolaire en journée, serait synonyme de « catastrophe économique et sociale pour tous les Polynésiens ». « Le pays pourrait prendre des mois voire des années à s’en remettre », renchérit Dominique Sorain.

Un renfort d’infirmiers et davantage de contrôles

Ni le président ni le haut-commissaire ne précisent à partir de quel niveau de propagation du virus un confinement pourrait être réinstallé. Mais l’indicateur principal est l’activité de l’hôpital : « lorsque nos moyens publics seront saturés, nous n’aurons pas d’autre choix que de demander le confinement de Tahiti et de Moorea » explique Édouard Fritch. Un stade qui n’est pas atteint, comme l’ont rappelé hier les responsables du CHPF, mais dont le fenua « s’approche dangereusement ». « Je ne peux pas exclure cette possibilité (le confinement, ndlr) si la situation venait à se détériorer » appuie Dominique Sorain.

En attendant, « tous les moyens publics ont été mobilisés » pour permettre au Taaone d’affronter la vague épidémique à venir. Et l’État promet lui aussi « un effort de solidarité« . Ainsi 12 infirmiers de la réserve nationale vont être envoyés au fenua et une mission du service de santé des armées viendra évaluer les besoins complémentaires. Le haut-commissaire a au passage annoncé un relèvement du plafond d’aide aux petites entreprises, sans entrer dans les détails de la mesure.

Hors de l’hôpital, ce sont surtout les contrôles qui devraient être renforcés, pendant le couvre-feu, mais aussi, en journée, dans les centres urbains. « Le non-respect des règles fera l’objet de verbalisations », prévient le haut-commissaire. Aucune règle supplémentaire n’a en revanche été évoquée concernant les voyages. Responsables de la réintroduction du virus en juillet et août, les voyageurs extérieurs, qu’ils soient touristes, fonctionnaires ou résidents de retour au pays, ne représentent plus, aujourd’hui, un facteur de contamination important d’après les autorités. Les portes du fenua ne se referment pas, donc, et les voyages inter-îles, s’ils sont fortement déconseillés quand ils ne sont pas « absolument nécessaires », restent pleinement autorisés.

Jusqu’à 5 000 cas par jour « si nous ne faisons rien »

Entre autres données, Édouard Fritch a présenté ce midi, une nouvelle modélisation de la trajectoire de l’épidémie, réalisée par une université australienne pour le compte de l’OMS. Le pic de contamination en Polynésie, placé entre décembre et janvier par les prévisions du Bureau de veille sanitaire en septembre, semble, à la lumière des dernières données, se rapprocher. C’est dès le courant de novembre que le virus pourrait se propager au plus vite au fenua. Des 300 à 400 cas quotidiens actuels, certains scénarios voient l’épidémie atteindre près de 5 000 cas par jour dans quelques semaines. Nul doute que l’hôpital ne pourrait alors plus assumer ses missions correctement. « Mais ça, c’est si on ne fait rien« , prévient Édouard Fritch. Les scénarios plus optimistes, qui comptent sur des gestes barrières efficaces, des rassemblements beaucoup plus rares et donc sur une propagation ralentie, tablent sur « seulement » un peu plus de 500 cas par jour. « Nous avons besoin des efforts de chaque Polynésien », insiste le président, qui avait amené à ses côtés le ministre de la Santé Jacques Raynal, et le représentant de l’OMS Sean Casey.

 

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