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Mereana Reid-Arbelot face à Pascale Haiti : que retenir du débat ?


À trois jours du deuxième tour des législatives, les candidates indépendantiste et autonomiste ont débattu sur le plateau de Radio1 et Tiare FM ce mercredi. Dans cette troisième circonscription très serrée – moins de 500 voix d’avance pour Mereana Reid-Arbelot au premier tour – elles ont bien sûr chacune appelé les abstentionnistes de leur camp à se mobiliser ce samedi. Mais ont surtout affiché leurs différences, sur les sujets du nucléaire, du pouvoir d’achat, sur leur rapport à leur propre camp ou aux groupes nationaux. Côté Paris, Pascale Haiti – Flosse a confirmé qu’elle ne siégerait pas avec le RN, avec qui la candidate Tavini « peut travailler » malgré d’importantes différences de « valeurs » avec le parti d’extrême-droite.

  • Nucléaire ou pouvoir d’achat, question de « priorité »… et de possibilités

« Je reprendrai ce travail dès le jour de mon arrivée à l’assemblée nationale ». C’est la réponse de Mereana Reid-Arblelot quand on l’interroge sur son sujet « prioritaire » – le nucléaire – et sur la commission d’enquête créée fin mars, et brutalement stoppée par la dissolution. Une commission qui avait commencé ses auditions sur l’histoire et les conséquences des essais atomiques français, et qui ne pourra pas être réactivée en l’état avant 2025. Dommage pour la candidate bleu ciel, qui tablait sur ses conclusions – et donc sur de nouvelles propositions – au moment des débats budgétaires nationaux de fin d’année. Des modifications de la loi Morin auraient alors pu être envisagées, mais la députée sortante, en cas de réélection s’engage quoiqu’il arrive obtenir, comme le veulent l’ont demandé les associations ce 2-juillet, la prorogation de certaines dates limites des indemnisations tombant en fin de cette année 2024 :

La prorogation, pourquoi pas, pour Pascal Haiti, mais la commission « pour quoi faire ? ». « Il ne faut pas créer pour créer », lance la vice-présidente du Amuitahira’a, qui « se désole » que les représentants Tavini ne « reconnaissent pas le travail effectué » ces dernières années, sur le nucléaire. « Les 18 milliards » – le montant de la dotation globale de l’État en 2003, dont Gaston Flosse avait plusieurs fois dénoncé le « recul » – « le fait nucléaire dans l’éducation », « l’ouverture des archives », la mission aller-vers… Qu’importe car à l’entendre, ce qui intéresse « vraiment » les Polynésiens, c’est l’emploi et surtout le « pouvoir d’achat », sur lequel, les parlementaires « ont des choses à faire ».

« Nous avions reçu à l’assemblée une délégation de Calédonie pour savoir si on ne pourrait pas se mettre d’accord pour porter un projet commun au niveau national : que le coût du fret maritime soit soutenu par l’État pendant une certaine période, le temps que le pays retrouve un peu ses couleurs, détaille l’élue, qui siège depuis 2023, et la réconciliation surprise d’Édouard Fritch et de Gaston Flosse lors de l’entre deux tours des territoriales, avec le Tapura à l’assemblée. Je pense que c’est un dossier où on peut se mettre d’accord avec les autres pays d’outre-mer, parce que ça nous concerne tous ».

Mereana Reid-Arbelot, favorable à l’idée, rappelle que le combat des députés contre la vie chère n’a pas attendu la dissolution – en témoigne l’opposition réussie à la taxe sur le fret aérien qui devait être destinée au financement du train métropolitain – et qu’elle avait aussi des projets en la matière. Notamment une demande d’extension à la Polynésie de la contribution nationale de service public sur le prix de l’électricité, déjà mise sur la table par le Cesec ou des parlementaires, mais qui n’a jamais été obtenue auprès de Paris.

  • Qui pour « travailler efficacement » avec les gouvernements de Papeete et Paris ?

Éric Minardi, en apportant le soutien du Te Nati – RN « sous condition » à Nicole Sanquer dans la deuxième circonscription, précisait qu’il « attendait de voir comment allait se positionner » Pascal Haiti en cas d’élection à Paris. En clair, si la vice-présidente du Amuitahira’a – parti qui avait fait campagne pour Marine le Pen en 2017 et appelé à voter pour la candidate au deuxième tour de 2022 – pouvait se laisser tenter par un siège sur les bancs du Rassemblement national, en position de force dans les sondages, et probablement dans l’assemblée post-7 juillet. Mais la candidate du Amui Tatou douche ses espoirs : elle précise qu’elle siégera « au centre ou à droite », comme le permet l’accord d’union des autonomistes, plutôt que « à gauche ou à l’extrême-droite ». Et classe au passage le RN sous cette étiquette politique fermement rejetée par ses cadres.

Pas d’animosité pour autant entre la représentante des roses, qui cherche à convaincre les quelques 3200 électeurs de Naumi Mihuraa – soutenue au premier tour par le RN -, et cette partie de l’échiquier politique. Elle entrevoit des coopérations faciles, quel que soit son groupe, avec les élus et l’exécutif du Rassemblement National, si sa victoire se confirme. « Éric (Minardi, ndr) a déclaré qu’il était autonomiste. Je pense que je ne peux que l’en remercier, commence-t-elle. Et je pense que Si Jordan Bardella est premier ministre, c’est dans son intérêt de collaborer avec les représentants polynésiens. Il ne sera pas Premier ministre uniquement de son parti, il sera le Premier ministre de tous les Français ».

Du côté de Mereana Reid-Arbelot, direction le même groupe GDR qu’avant la dissolution, ou bien une autre composante du Nouveau Front populaire, bloc de gauche national allant du PS à LFI en passant par le PC ou EELV. Quitte à être dans l’opposition ? « Nous y étions déjà, rappelle-t-elle. Et nous avons travaillé de façon très fluide ». « Le regard parisien a changé sur les parlementaires polynésiens, précise-t-elle. Parce que nous montions des dossiers, nous argumentions et nous ne demandions pas des chèques en blanc. Nous argumentions nos demandes et ça s’est toujours très bien passé ». Entre un gouvernement macroniste et un gouvernement lepéniste, pas de différence ? « Évidemment si, sur l’idéologie, sur quelques axes de stratégie politique qui seront complètement à l’opposé de ce que nous préconisons, puisque nous défendons les valeurs républicaines, répond l’ancienne cheffe de la tour de contrôle de Tahiti – Faa’a. Et quelquefois, il faut avouer que l’extrême droite, pour nous, ne respecte pas ces valeurs-là ».

  • Indépendance, autonomie, oui, mais lesquelles ?

Indépendance contre Autonomie. Cela a été un des arguments clé de Pascal Haiti dans cette campagne, et même l’objet de son message final dans ce débat du deuxième tour : « Il faut élire trois représentants autonomistes », trois députés roses, donc, pour ne pas laisser le Tavini faire porter la voix de l’indépendance à Paris. « Ça n’est pas l’enjeu », répond Mereana Reid-Arbelot, qui ne met pas beaucoup en avant le projet indépendantiste du Tavini dans ses discours. Et qui estime que « c’est le camp autonomiste qui essaie de faire entrer ce clivage dans la campagne ». Sauf que les députés Tavini l’ont fait, eux, entrer à l’assemblée. Par exemple avec la proposition de résolution de Tematai Le Gayic sur le droit à l’auto-determination de Moahi Nui, qui a été cosignée par sa collègue de la troisième circonscription. « C’était pour commencer les discussions dans le cadre du processus de décolonisation, pour mettre le sujet sur la table, reprend la député sortante. Après, le processus de décolonisation mènera ou pas à l’indépendance ».

Mais si les futurs députés polynésiens devaient se positionner sur une réforme du statut des outre-mer, ou de celui du fenua en particulier, choisirait-elle la ligne d’Oscar Temaru – pas de « petits pas » au sein du statut d’autonomie, seulement un grand pas vers la décolonisation – ou celle de Moetai Brotherson, qui a lui même évoqué des changements souhaitable dans le statut actuel ? « Avant tout, je suis démocrate. Donc, je vais respecter ce que décidera l’Assemblée de Polynésie pour le porter ensuite au national ». À Tarahoi, donc, de mettre les voix bleu ciel au diapason, répond en substance la candidate bleu ciel, qui rappelle que les autonomistes, eux aussi, ont besoin d’accorder leurs violons. « Monsieur Gaston Flosse a déclaré que l’autonomie était un pantalon vieux et troué et qu’il fallait aller au delà », rappelle-t-elle.

Le leader orange a même déclaré qu’il se considérait comme « indépendantiste » et soutient plus généralement un statut de pays associé à la France… Qui n’a pas été approuvé dans les tentatives de plateforme autonomiste et qui n’est pas au programme de l’alliance Amui Tatou. Son épouse Pascale Haiti, vice-présidente du Amuitahira’a, pourtant le soutient bien : « Nous sommes au bout de nos compétences. Nous sommes prêts. Regardez un peu dans la loi : aujourd’hui, dans la loi organique, notre statut, on fixe le nombre de ministres. Mais enfin, nous ne sommes quand même pas des enfants. Ce n’est pas à eux à venir nous fixer le nombre de ministres », dit-elle. Faire évoluer le statut ? « Bien sûr » et vers une souveraineté associée : « il faut que l’État nous accompagne dans notre développement ».

Pas sûr que Moerani Frebault, proche de la ligne Tapura de préservation de l’autonomie, où Nicole Sanquer, dont le A here ia Porinetia veut surtout changer le mode électoral, partage son combat s’ils se croisent à Paris.

  • Pascale Haiti « pas concernée » par ses condamnations… Mais bien en danger d’inéligibilité

Elle répond avec le sourire, mais semble rester dans le déni. En 2022, Pascale Haiti avait été condamnée, comme Gaston Flosse, dans l’affaire du faux-bail de la rue Cardella, établi deux ans plus tôt pour permettre au Vieux Lion de s’inscrire et de se présenter à Papeete. En avril dernier, la cour d’appel confirme la peine de Gaston Flosse – 9 mois de prison avec sursis, et 5 ans d’inéligibilité – et alourdit même celle de la seule représentante du Amuitahira’a au sein du groupe rouge – orange de Tarahoi : Pascale Haiti est condamnée à 6 mois de prison avec sursis, et trois ans d’inéligibilité.

Une peine suspendue à un recours du couple en cassation, mais qui pourrait devenir définitive et applicable dans les prochains mois, lui faisant perdre tous ses mandats… y compris celui de député si elle l’obtient ce samedi. Les électeurs de la troisième circonscription devraient alors revoter. Et pourtant l’intéressée, qui estime que la différence de peine entre la première instance et l’appel est seulement due à son mariage avec Gaston Flosse survenue entre temps, veut afficher sa sérénité. « Je fais entièrement confiance à la justice, dit elle. Encore une fois, je ne suis pas concernée par cette affaire ». Ce n’est pour l’instant pas l’analyse des tribunaux.

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