Pas de doute pour la candidate du Amuitahira’a : après une décennie de pouvoir d’Édouard Fritch, les Polynésiens veulent retrouver le « dynamisme » et le niveau de vie des années Flosse. Inéligible car condamné, ce « papa qui s’occupait d’eux » reste au centre du programme des orange, de la réhabilitation du projet de Mahana Beach à la souveraineté associée, toujours réclamée mais « plus une priorité ». Sa compagne et ancienne ministre parle aussi de la valorisation des jeunes élites, des sanctions contre les enseignants absents ou de la retraite à 60 ans.
« Ensemble sauvons le Pays ». C’est le slogan répété de programmes en discours par le Amuitahiraa o te nunaa ma’ohi depuis le début de cette campagne. Et Pascale Haiti l’a une fois de plus mis en avant dans le Quart d’heure de campagne, en direct sur le plateau de Radio1 et Tiare FM ce jeudi. Ancienne ministre et représentante du Tahoeraa à l’assemblée jusqu’à 2008, la Marquisienne, candidate malheureuse aux législatives de l’année dernière est, aux côtés de Bruno Sandras, la figure de proue de la liste orange aux territoriales. Et comme l’ancien maire de Papara, elle dit voir sur le terrain la « nostalgie » des Polynésiens, celle, bien sûr, des « années Flosse ». « Ils se rendent compte que finalement, pendant la période où Gaston Flosse était président de notre pays, ils vivaient mieux, avance la compagne du Vieux lion, inéligible cette année encore car condamné pour « détournement de fonds publics » et « abus de confiance ». L’économie se portait bien, malgré tous les grands chantiers qui se développaient dans notre pays, l’emploi ils y trouvaient leur place. Et les Polynésiens se rendent compte que tout ce qu’il a mis en place, aujourd’hui ils en profitent, et ils aimeraient retrouver ce dynamisme, ce metua, ce papa qui s’occupait d’eux, qui était toujours à la rescousse du plus petit, surtout des Polynésiens ».
La « recette », pour « sauver le Pays », elle existe, et elle est même simple d’après le Amuitahiraa : lancer des grands chantiers pour créer de l’emploi. Un millier pour la ferme de Hao, que les orange, comme les bleu ciel d’ailleurs, veulent refaire sortir de l’eau, et 10 000 rien que pour le Mahana Beach.
Le Mahana Beach, « un projet trop grand » pour Édouard Fritch
Ce méga-projet hôtelier de plus de 2 000 clés, qui a jusqu’à présent existé uniquement sur des vues d’architecte, les orange veulent à tout prix le remettre sur la table. Et ce malgré le fait que le Village tahitien, qui affiche tout de même 1 000 clés sur le même site, ait fait l’objet de signature de baux il y a quelques semaines. « Trop petit, pas assez d’emploi », balaie Pascale Haiti qui interroge : « pourquoi le faire maintenant ? » après 9 ans au pouvoir pour Édouard Fritch. Réponse : « Il est vraiment trop lent notre président ». Exit, donc les 6 hôtels et les quatre groupements d’investisseurs locaux. « Il faut avoir des ambitions, il faut voir grand pour la Polynésie », reprend la candidate. Le Mahana Beach c’est « 250 milliards de francs d’investissement » – contre 60 à 80 pour le Village tahitien. Quant à savoir pourquoi le projet n’a jamais vraiment avancé malgré les multiples annonces de Gaston Flosse sur le sujet, la candidate pointe de nouveau vers l’ancien bras droit du Vieux lion. « Gaston Flosse a mis un an pour préparer tout ça, il suffisait que M. Fritch reprenne ce dossier, mais pour X raisons il n’a pas eu le courage de le prendre. Peut être que ce projet est trop grand pour lui ».
À entendre la candidate, les investisseurs chinois, pas nommés directement mais qui sont « connus », sont surtout « toujours là », et toujours prêts à accepter « que tous les travailleurs sur le chantier soient des Polynésiens ». « 3 000 emplois la première année, puis 4 000, 8 000 et sur l’ensemble de ce grand projet, 10 000 emplois ». Ce qui se trouve être aussi le chiffre avancé par Pascale Haiti sur les pertes d’emplois de la Polynésie depuis 2004. Les chiffres de l’ISPF montrent pourtant que le nombre d’emplois salariés a légèrement augmenté sur la période, de 62 446 en janvier 2004 à 67 349 en début d’année 2023, tous types d’emplois confondus. Le chiffre actuel est toutefois en retrait par rapport à 2008 (69 000 salariés en juin), mais bien plus haut que lors du dernier mandat présidentiel de Gaston Flosse (60 600 emplois salariés en septembre 2014).
La souveraineté ? Plus une priorité
En cas de victoire surprise des orange, c’est Bruno Sandras qui est promis à la présidence. Il s’y est d’ores et déjà engagé : Gaston Flosse, 91 ans, et qui déclarait fin mars « lancer ses dernières forces » dans la bataille électorale mais vouloir aller « jusqu’au bout pour son pays », sera son vice-président. Sa compagne Pascale Haiti restera elle à Tarahoi, pour « s’occuper des membres de l’assemblée ». Il faut dire que l’ex-Tahoeraa sort d’une mauvaise passe en la matière : ses 11 élus de 2018 ont tous quitté le parti. Vers le Tapura pour l’ex-présidente du groupe Teura Iriti, le Tavini, pour James Heaux, ou A Here ia Porinetia pour Sylviane Terooatea. Jeffry Salmon, ancienne tête de liste orange, est inscrit dans ce dernier groupe mais aujourd’hui en retrait de la vie politique. « Bon débarras », commente Pascale Haiti, qui a aussi vu partir, vers A here ia Porinetia, les deux candidats qui l’accompagnaient lors des législatives de 2022.
Elle reproche à l’ancien groupe orange de l’assemblée d’avoir voté pour la vaccination obligatoire (à l’époque, Gaston Flosse les avait pourtant menacé de les « foutre dehors » s’ils ne le faisaient pas) puis pour la TVA sociale, auquelle le Vieux lion s’était opposé de façon plus constante. « Ils n’écoutent pas le chef du parti, ils ont été élus sur uns liste, il y a une discipline de groupe à respecter. Ils oublient à qui ils doivent leur place », tacle l’ancienne représentante. Cette fuite des cadres n’est-elle pas due aux affaires de Gaston Flosse, à ses prises de position souvent inattendues ? Ou au virage, officiellement entamée en 2020, de champion de l’autonomie vers chantre de la souveraineté ? « Des prétextes », répond Pascale Haiti. Le projet de souveraineté associée à la France, centrale dans le changement d’identité de l’ex-Tahoeraa et toujours présente dans les discours de l’ancien président, est étrangement très effacée dans le programme de ces territoriales. Et la candidate confirme que ce n’est plus aujourd’hui une priorité. « On s’est rendu compte que les gens sont vraiment dans la difficulté, ils ont du mal à subvenir aux besoins de leur foyer ». L’urgence, ce sont donc les grands projets, la relance, « donner du travail »… « Par la suite on s’occupera de la souveraineté de notre pays ».
Sanction contre les enseignants absents
L’ancienne ministre de l’Artisanat développe ainsi le programme des orange pour lutter contre la pauvreté : l’emploi bien sûr, mais aussi une revalorisation des aides, un rééquilibrage de la fiscalité – avec la disparition de la TVA sociale, la baisse des taxes à la consommation et une taxe exceptionnelle sur les « grosses sociétés » – et la fixation de l’âge de départ à la retraite à 60 ans (ou 35 annuités). Une proposition qui va à rebours des réformes métropolitaines et de l’évolution démographique du fenua : le nombre de matahiapo à soutenir augmente plus vite que le nombre d’actifs cotisants. Mais qu’importe, là encore, les grands projets et l’emploi vont permettre de financer « sans hausse de cotisation » ces promesses, en plus d’une accélération de la natalité grâce au planning familial. Côté éducation, le programme du Amuitahiraa se démarque en pointant « l’abus que représenterait l’absentéisme de certains enseignants. « Ils ne sont pas ici en vacances, ils viennent pour travailler, éduquer correctement nos enfants, ils sont payés pour ça », note Pascale Haiti pour qui, là aussi, « à l’époque du Tahoeraa, il n’y a jamais eu ce problème-là ». La solution : des sanctions en cas d’abus.
Côté éducation et jeunesse, le Amuitahira’a propose en outre une revalorisation des bourses étudiantes, le paiement des droits d’inscription à l’université des primo-étudiants, ou encore la mise en place d’un système de sélection et de formation des élites polynésienne de demain. 25 d’entre eux seraient sélectionnés chaque année pour être envoyés dans des établissements étrangers. Et plus globalement ceux qui « après le master ou la licence, souhaitent se perfectionner ou avoir de l’expérience, nous les envoyons vers la France ou le Canada, pour des métiers spécifiques ». Pendant ce temps-là des places sont « bloquées » au pays pour qu’ils puissent les occuper en rentrant, « et ils deviendront les cadres polynésiens » de demain.
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