Comme il s’y était engagé le 1er mai, le gouvernement a reçu les organisations patronales et les syndicats de salariés, ce mardi après-midi à la présidence. Une « tripartite » principalement consacrée aux mesures de soutien de l’économie post-confinement. Le Pays, qui entend agir sur la base de ses capacités financières et des outils votés fin mars doit encore « placer le curseur » sur la durée ou l’ampleur des dispositifs d’aide aux entreprises et salariés.
Une « crise sans précédent, sans doute encore plus que grave que celle que nous avons connue entre 2008 et 2013″. C’est ce qui attend la Polynésie d’après la présidence du Pays. Alors que les autorités allègent de plus en plus les mesures d’urgence sanitaire, c’est donc l’urgence économique qui concentre l’attention. D’après des calculs « qui doivent être affinés dans les semaines à venir » par les institutions, le PIB du fenua pourrait baisser de 120 à 140 milliards en 2020. Le coronavirus va donc faire perdre à la Polynésie environ 20% de son activité annuelle, et très probablement peser pendant plusieurs années sur son économie. « Ce sont 12 000 emplois qui sont concernés », pointe la présidence dans un communiqué ce mardi soir. Comment limiter la casse ? C’était la question de fond de la rencontre tripartite de cet après-midi, au cours de laquelle le gouvernement, le patronat et les syndicats de salariés ont surtout échangé sur la mesure Diese (Dispositif exceptionnel de sécurisation de l’emploi, destiné aux salariés) et Deseti (Dispositif exceptionnel de sauvegarde de l’emploi des travailleurs indépendants).
Car c’est bien sur ces deux outils, votés à l’assemblée le 26 mars en même temps que le reste du plan de sauvegarde de l’économie que le gouvernement veut s’appuyer pour assurer la reprise. Comme l’a pointé le vice-président Teva Rohfritsch pendant la rencontre, le Pays ne peut « faire qu’avec ce qu’il a ». Et si le collectif budgétaire voté en mars était imposant – 32 milliards de francs, en comptant les mesures d’aide déjà développées pendant le confinement – les pertes fiscales vont l’être tout autant dans les mois à venir. « La trésorerie du Pays n’est pas un puits sans fond », confirme la présidence.
Entre ces contraintes et les besoins des entreprises qui, faute de pouvoir payer leurs collaborateurs, devront s’en séparer, reste à « placer le curseur », comme l’explique la ministre du Travail Nicole Bouteau. Le Pays propose, en revoyant les conditions du Diese, de compenser jusqu’à 70% les pertes de revenus des salariés liés à une diminution du temps de travail, pendant une durée maximum de 3 mois. Une mesure qui doit surtout bénéficier au secteur du tourisme, durement touché.
Des paramètres qui « ne sont pas complètement adaptés aux besoins », dénonce-t-on côté syndical. Certaines organisations demandent une prise en charge « à 100% » pour limiter les licenciements. D’autres, comme la CSTP-FO, milite pour des discussions plus larges sur une caisse de chômage. Son secrétaire général, Patrick Galenon, considère en tout cas qu’un soutien de 6 mois est « un minimum » pour donner de la visibilité aux entreprises et à leurs salariés. D’autant que si la reprise des vols domestiques se profile, celle des vols internationaux, soumise à la situation sanitaire mondiale, est plus incertaine.
Le ton est plus dur du côté du Medef. Pour le président de l’organisation patronale Patrick Bagur – qui devrait laisser son siège jeudi soir lors d’une assemblée générale – le dispositif Dièse est gravement « inadapté ». Sans modifications profonde du texte, certaines entreprises, et notamment les hôtels, pourraient perdre une bonne partie de leurs salariés, « et de leur compétences ».
La question du soutien de l’État est bien sûr fondamentale dans la définition des mesures mises en place par le Pays, aujourd’hui financées sur son propre budget. « On le redit encore, nous en appelons aussi à la solidarité nationale pour pouvoir aider la Polynésie dans le temps long », explique Nicole Bouteau. Ce midi Édouard Fritch a une nouvelle fois indiqué que les « échanges continuaient » avec l’État sur ce sujet. Paris a déjà offert des possibilités d’emprunt au fenua. Mais « mon souci est de ne pas hypothéquer l’avenir de ce pays », a expliqué le président du Pays.
La CPME demande de mettre le tourisme en « zone franche » pour 6 mois
La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a présenté durant cette réunion son plan « Fenua Pass », de « Sauvetage du secteur du tourisme en Polynésie Française ». L’idée : encourager le tourisme intérieur le temps que le tourisme international se reconstruise. « Il faut foncer, il ne faut pas lésiner sur les moyens », lance Christophe Plee, le président de l’organisation patronale, qui demande des exonérations totales de fiscalité et de cotisations pour les entreprises du tourisme dans les 6 prochains mois, en contrepartie d’opérations promotionnelles dans tout le fenua pour encourager « les Polynésiens à redécouvrir la Polynésie ». Un plan qui aboutirait à fixer des « prix résidents », « abaissés de 40 à 50% » dans les pensions, hôtels, chez les prestataires de service et même chez Air Tahiti. L’idée a semble-t-il été notée par le gouvernement, qui encourage d’ores et déjà au « patriotisme économique » et au tourisme local. Du côté des syndicats, on salue aussi l’initiative, même si certains émettent des doutes sur la capacité des résidents à prendre le relais, en termes économiques, des touristes américains, européens et asiatiques qui constituent habituellement la majeure partie de la clientèle du secteur. « Si le local représente 15 à 20% de l’activité, c’est déjà ça, ça permet de garder des emplois », relativise Patrick Galenon. |