L’OPT doit intervenir ce weekend à Hawaii sur le câble Honotua, coupé depuis la fin de semaine dernière, avec l’espoir d’une remise en fonction dès lundi. En attendant, beaucoup de professionnels dénoncent des perturbations de connexion parfois handicapantes. Et ce alors que le câble Manatua, inauguré en 2020, devait justement sécuriser la connexion du fenua sur le reste du monde. Les explications de Winiki Sage, chef du département cœur de réseau chez Onati.
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Ça n’a échappé à personne : la connexion internet polynésienne a fait un bond de quelques années en arrière ces derniers jours, au moins du point de vue de la vitesse. L’explication, l’OPT l’avait donnée dès samedi dernier : une « coupure de liaison » sur le câble Honotua, qui relie, depuis 2010, le fenua à Hawaii et donc au reste du monde. Onati avait alors déjà rebasculé l’ensemble du trafic sur le second câble qui branche le fenua au réseau international, Manatua. La filiale télécom de l’office travaille depuis lors à la réparation de la défaillance (lire ci-dessous), avec l’espoir d’un retour à la normale en début de semaine prochaine.
Mais certains commencent à trouver le temps long, surtout parmi les gros utilisateurs du net. Les « gamers », pas avares de commentaires sur les réseaux sociaux, mais aussi des entreprises qui ont besoin d’échanger de grandes quantités de données avec l’étranger et qui se disent « handicapées » par la situation. Beaucoup de professionnels travaillent par exemple avec des plateforme et outils informatiques hébergés hors du territoire, comme c’est le cas d’acteurs du transport ou de l’hôtellerie, qui ont connu des perturbations de leur activité dès le Salon du tourisme. D’autres doivent recevoir régulièrement de très volumineux fichiers, comme les cinémas Pacific Films, qui n’ont pas pu télécharger les copies numériques de tous les films programmés cette semaine.
Le temps du détour
Une situation qui semblait avoir été écartée par la pose, en 2020, de Manatua, câble qui avait coûté près de 5 milliards de francs, dont 2,4 milliards payés par l’OPT (après une subvention de 1,5 milliard du Pays et une autre de 310 millions de l’État). Sa principale promesse : « sécuriser » la connexion polynésienne. Le câble, qui transite par les Cook, Niue et est atterré à Apia, aux Samoa, n’aurait finalement pas la capacité nécessaire pour prendre ne charge tout le trafic ? Plus compliqué, répond l’OPT. « Il y a d’abord une question de distance », assure Winiki Sage, le chef du département cœur de réseau chez Onati. En passant par les Samoa – puis par un câble transpacifique, Hawaiki – pour « aller chercher des données aux États-Unis ou Europe », « on fait un détour », qui implique « un petit délai ». La période de risque cyclonique, qui multiplie les connexions de particuliers, n’aide pas non plus à « fluidifier » le trafic.
Connectivité difficile à acheter
Mais surtout, la capacité d’un câble sous-marin dépend, plus que sa conception ou de sa « taille », des connectivités qui sont négociées à sa sortie. Onati, pour Manatua et Honotua, a des partenariats au long terme avec des acteurs capables d’offrir, à Apia ou à Hawaii, du débit en provenance des points chauds mondiaux de la donnée. Des capacités très onéreuses et calibrés « pour que les deux câbles absorbent le flux total » dont a besoin la Polynésie, explique Winiki Sage. Une voie en moins et c’est l’embouteillage. Onati a bien lancé, dès le weekend dernier, des discussions pour augmenter temporairement les capacités, côté Samoa. « Mais on dépend de fournisseurs extérieurs qui bien sûr ne nous font pas de cadeaux, explique le responsable. Quand on a besoin de connectivité pour 15 jours, ils veulent nous vendre pou 6 mois ou un an, ça a un coût énorme, c’est pas évident ».
Le chef de département, en tout cas, balaie l’idée que Manatua ne remplirait pas la mission pour laquelle il a été financé. « Si on avait pas Manatua, on serait complètement isolé, on tomberait à des débits impossibles », insiste-t-il. D’autant que l’apétit des Polynésiens pour les données est en explosion permanente, avec le développement numérique et les nouveaux usages mobiles. Quid des connexions satellitaires ? Si l’arrivée récent dans le secteur des constellations à orbite basse comme Starlink ou OneWeb ont de quoi nourrir le débat, l’OPT avait déjà jugé, par le passé, que les solutions traditionnelles (satellites à orbites hautes, comme ceux qui assure aujourd’hui la connexion de certaines îles isolées), n’étaient plus viables, technologiquement ou financièrement, pour répondre à toute la demande de connexion du fenua. Bref, malgré le mécontentement de certains, le deuxième câble joue son rôle pour Onati : « Sans lui, on aurait dû prioriser la voix, le mobile et on aurait eu que quelques liaisons internet, ça serait une catastrophe », renchérit Winiki Sage.
Une équipe polynésienne à Hawaii samedi
Cette défaillance d’Honotua devrait tout de même encourager des réflexions, à l’OPT ou du côté du gouvernement, qui affiche de très grandes ambitions en matière de numérique. L’arrivée annoncée des câbles sous-marins de Google au fenua – et de nombreux autres d’après Moetai Brotherson – pourrait être présentée comme une réponse aux interrogations des usagers. Mais pour l’instant, c’est sur la réparation du câble hawaïen que les esprits sont concentrés. La confirmation de l’origine de la panne – une déconnexion de la partie maritime et terrestre du câble sur la « chambre de plage » de Big Island où Honotua est atterré – a pris du temps. Les difficultés d’obtenir une autorisation d’intervention aux États-Unis n’ont pas aidé. Mais une équipe techniciens doit bien partir samedi pour Kawaihae dans le nord de l’île, pour « refaire le jointage et faire repartir le système ». Objectif : « rebrancher » Honotua dès lundi.