Los Angeles (AFP) – Le réalisateur franco-polonais Roman Polanski veut retourner aux Etats-Unis pour mettre fin à l’affaire de viol d’une mineure qui le poursuit depuis 40 ans, à condition d’avoir la garantie qu’il ne sera pas incarcéré.
L’affaire, qui a rebondi ces huit dernières années après avoir été en suspens pendant des décennies, hante le lauréat de la Palme d’or de Cannes pour « Le pianiste », aujourd’hui âgé de 83 ans.
Il est accusé d’avoir drogué, fait prendre de l’alcool et violé Samantha Gailey – aujourd’hui Geimer – le 10 mars 1977 dans la maison de l’acteur Jack Nicholson à Los Angeles.
Il a reconnu une relation sexuelle illégale avec celle qui avait alors 13 ans mais dément l’avoir violée.
« Un juge doit statuer la semaine prochaine sur la demande de son avocat américain qui réclame la levée des scellés sur le témoignage du procureur de l’époque, confirmant un accord entre toutes les parties », a indiqué jeudi Me Hervé Temime à l’AFP.
Malgré les demandes des avocats de Polanski, la justice américaine a jusqu’à présent refusé de transmettre le témoignage du procureur Roger Gunson, recueilli aux Etats-Unis en 2010 et qui confirmait que M. Polanski a déjà purgé sa peine.
Roman Polanski avait notamment passé 42 jours dans la prison de Chino, en Californie, entre décembre 1977 et janvier 1978.
Son camp affirme que le juge Laurence Rittenband en charge de l’affaire à l’époque est ensuite revenu sur ce règlement amiable, déclarant que le cinéaste devrait passer jusqu’à 50 années derrière les barreaux, ce qui a déclenché sa fuite en Europe en 1978.
Les avocats américains de M. Polanski veulent aussi faire reconnaître une décision de la Cour suprême polonaise, qui a mis fin en décembre à la demande d’extradition du cinéaste vers les Etats-Unis.
Si le juge Gordon de Los Angeles reconnaît l’accord amiable et la décision de Justice polonaise, le cinéaste pourra « venir à Los Angeles et au tribunal sans craindre d’être détenu », souligne un autre avocat Harland Braun.
M. Polanski pourrait alors « venir au tribunal de Los Angeles pour conclure cette vieille procédure en étant condamné à une peine qu’il a déjà purgée », précise-t-il.
– Rattrapé par son passé –
Naturalisé en 1976, Roman Polanski vit en France avec son épouse, l’actrice Emmanuelle Seigner. Le réalisateur du « Bal des vampires », « Tess », ou « Rosemary’s Baby » est l’un des plus acclamés et primés au monde. Il n’est jamais retourné aux Etats-Unis depuis sa fuite, pas même pour recevoir l’Oscar du meilleur réalisateur en 2003 pour « le Pianiste ».
Son passé l’a rattrapé le 26 septembre 2009. Arrêté à Zurich en vertu d’un mandat international lancé par la justice américaine, il a passé deux mois en prison en Suisse, puis huit mois assigné à résidence dans son chalet à Gstaad.
M. Polanski s’était vu promettre « 42 jours d’incarcération et en a fait plus de 300 », insiste à cet égard M. Braun.
En juillet 2010, la Suisse a rejeté la demande d’extradition des Etats-Unis, et il a été libéré.
A l’automne 2014, le cinéaste a ensuite été interpellé à Varsovie. La Cour suprême a finalement clos sa demande d’extradition en décembre dernier.
Le juge Michal Laskowski avait alors remarqué que Polanski avait « déjà purgé sa peine », que la victime lui avait publiquement pardonné et ce dernier lui a versé le dédommagement qu’elle réclamait.
Lors de la procédure en Pologne, les magistrats avaient aussi souligné que sans la notoriété du cinéaste, l’affaire aurait été close depuis des années.
– Multiples tragédies –
Samantha Geimer, désormais cinquantenaire, a réclamé à plusieurs reprises l’abandon définitif des poursuites, voulant tourner la page d’une affaire qui a tourmenté sa vie.
Le scandale a jeté une ombre sur la carrière de Polanski. L’annonce de sa sélection pour présider la prochaine soirée des Césars avait ainsi déclenché une pétition aux milliers de signataires, ainsi qu’un appel au boycott de la cérémonie.
Le collectif « Osez le féminisme » avait qualifié son choix de « pied de nez indigne aux nombreuses victimes de viols ».
Le destin de Polanski a été marqué de multiples tragédies. Né à Paris en 1933 d’un père juif et d’une mère d’origine juive, il a déménagé en Pologne trois ans plus tard, où il a survécu à l’Holocauste. Ses années de guerre lui ont notamment inspiré « Le pianiste ».
En 1969, sa femme, l’actrice Sharon Tate, enceinte, a été assassinée par des adeptes de la secte de Charles Manson lors de l’un des faits divers les plus tristement célèbres aux Etats-Unis.
D’après ses avocats cités par TMZ, le cinéaste veut notamment pouvoir se rendre sur la tombe de son épouse défunte à Los Angeles.
© AFP/Archives VALERY HACHE
Roman Polanski le 17 mai 2014 lors du festival de Cannes