Un mois après l’accident du Aito Nui II sur un récif de Hitia’a, le remorqueur le plus puissant du port attend toujours d’être expertisé et réparé. Son remplaçant, lui, se fait attendre : la location d’un navire à l’Usine du Nord calédonienne bute sur des complications administratives, et d’autres pistes sont aujourd’hui étudiées, du côté du Caillou, auprès d’une société locale et même auprès d’un prestataire australien spécialisé.
Le remplacement du Aito Nui II est « plus compliqué que prévu ». C’est ce qu’ont pu constater les membres du conseil portuaire, réuni voilà quelques jours. Parmi ces représentants des usagers du Port autonome de Papeete (Pap), du monde économique et de l’administration, beaucoup s’inquiétent de la situation de ce remorqueur, le plus récent et plus puissant du Pap, et qui avait « heurté une patate » – dans des circonstances qui restent toujours à expliquer – lors d’une opération à Hitia’a le 4 octobre dernier. Dix jours plus tard, et alors que les plus gros porte-conteneurs censés desservir le fenua, vu les difficultés d’entrée dans la passe, ont dû renoncer à leur escale polynésienne, le directeur de l’établissement public avait apporté une touche d’espoir aux importateurs et distributeurs.
Pas du côté du Aito Nui II, qui est en attente d’expertise – des spécialistes ont été spécialement déplacés depuis l’étranger et le navire doit entrer à la cale de halage ces prochains jours – puis de réparation – ce qui pourrait durer jusqu’à six mois, d’après les premiers constats -, mais plutôt du côté d’un remplaçant temporaire. Jean-Paul Le Caill avait évoqué des discussions bien avancées avec la société Koniambo Nickel, qui exploite « l’Usine du Nord » calédonienne actuellement en sommeil, pour une location d’un de ses remorqueurs. « Le temps de boucler le dossier administratif et de faire venir le bateau, il faut un mois et demi. Donc mi-novembre, il devrait pouvoir être là », expliquait alors le responsable.
Calédonie, Australie, société locale…
Un calendrier aujourd’hui remis en cause par des « complications administratives », expliquent des membres du conseil portuaire. Le navire proposé par Koniambo Nickel est certes en état de marche, et remplirait largement, avec ses 40 tonnes de poussée, l’intérim du Aito Nui II. Mais il ne disposerait pas de la licence nécessaire pour naviguer en pleine mer. Un document administratif qui s’avère très complexe à faire évoluer, et sans lequel il faudrait, pour faire venir ce remorqueur au fenua, l’embarquer sur un navire spécialisé… ou le remorquer. La piste ne serait pas totalement abandonnée, mais le port a préféré s’ouvrir d’autres options.
Trois d’entre elles ont été citées par la direction aux membres du conseil. La première, la plus évidente, consisterait à trouver un autre remorqueur en Calédonie, où l’important trafic de minéraliers et de cargos implique la présence de beaucoup de ces navires. La Province Sud, qui faisait partie des premiers acteurs consultés, avait d’abord décliné la demande du Pap, mais la Sora-Sorecal, une société spécialisée basée à Nouméa, aurait finalement un navire disponible. Des discussions sur les conditions financières et administratives de cette location sont en cours.
La deuxième possibilité est, étonnamment, locale. Une société polynésienne de BTP doit faire venir un remorqueur spécialisé pour un chantier maritime, et des discussions ont été ouvertes pour l’utiliser pour les opérations les plus complexes dans la rade de Papeete. La solution soulève là encore, des questions administratives, de coûts, de gestion d’équipage, et d’assurance, comme c’est d’ailleurs le cas de tous les autres scénarios. Enfin, le Pap est aussi en contact avec un loueur australien qui a envoyé un de ses remorqueurs en Amérique du Sud ces derniers mois. Le navire doit faire escale au fenua sur le chemin du retour : il s’agirait de le faire rester plusieurs mois au lieu de quelques jours.
Des options, mais pas encore de réponses
Quatre options sur la table, donc, et des décisions à prendre rapidement. Car si la CMA-CGM a affrété un « petit » porte-conteneurs supplémentaire depuis la Nouvelle-Zélande pour y prendre en charge le fret laissé en souffrance – le Sofrana Surville, qui peut entrer dans la rade avec un seul remorqueur, doit décharger ce vendredi – l’impossibilité pour les plus gros cargos de desservir Papeete continue de perturber l’approvisionnement de toute la Polynésie. « C’est difficile d’évaluer les conséquences économiques des retards voire des impossibilités de livraison, précise-t-on du côté du patronat. Mais elles peuvent être potentiellement catastrophiques. »