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Portabilité des numéros : une « vraie concurrence sur le marché » du mobile à partir de septembre


À partir du 1
er septembre, il sera possible de changer gratuitement d’opérateur en gardant tout son numéro, y compris le 87, 88 ou 89. Après des années de tergiversations, le Pays, pressé par les recours de Viti et les astreintes du tribunal, a fini par publier l’arrêté fixant les modalités de cette « petite révolution », qui devrait fluidifier le marché de la téléphonie. Pour les utilisateurs, il suffira de faire la demande auprès du nouvel opérateur choisi. Le transfert de numéro devra être effectif en cinq jours, sans perturbation de la ligne. 

C’est une publication de dernière minute, pas la première dans ce dossier qui traîne depuis 2013. Lundi, à la veille d’une nouvelle audience devant le tribunal administratif pour fixer les astreintes réclamées par Viti, le gouvernement a fait paraître au Journal officiel un arrêté précisant les modalités de mise en œuvre de la portabilité des numéros. Cinq pages de règles techniques et commerciales, c’est ce qu’attendait depuis près de quatre ans déjà l’opérateur d’Ora Mobile, dernier né et petit poucet du marché de la téléphonie en Polynésie. Dès ses premiers pas, la société, reprenant un combat abandonné par Vodafone, avait demandé l’application de cette portabilité, qui consiste à pouvoir changer d’opérateur sans changer de numéro de mobile. Des 87 qui basculent chez Vodafone, des 89 qui s’abonnent à Ora Mobile ou des 88 qui reviennent chez Vini ? Une loi du Pays le permet depuis 2013. En théorie, du moins : elle n’avait jusque là jamais fait l’objet d’arrêtés d’application.

« Quatre années de bataille »

Après des remarques en Comité consultatif des télécoms puis des courriers sans réponse au Pays, Viti avait lancé, fin 2022, le combat devant le tribunal administratif. En septembre 2023, l’opérateur obtient gain de cause : le gouvernement avait alors jusqu’au 1er janvier 2024 pour appliquer la loi. Un arrêté parait bien en décembre, à deux semaines de l’échéance, mais il ne fait que repousser à plus tard l’adoption des modalités exactes de cette portabilité. Fin février, le tribunal administratif s’impatiente et s’apprête à appliquer l’astreinte de 100 000 francs par jour de retard prévue par sa décision de septembre. Nouvel arrêté surprise, là encore à quelques jours de l’audience, qui est du coup reportée. Mais le texte se contente, encore une fois, de donner rendez-vous aux opérateurs dans les six mois.

Dans les réunions techniques du secteur, Onati, filiale de l’OPT et opérateur du réseau Vini, traîne depuis longtemps des pieds, insistant sur les difficultés techniques du dossier. Mais c’est Pacific Mobile Telecom, maison mère de Vodafone Polynésie, qui est le plus audible, ces derniers temps, pour s’opposer à cette portabilité pour laquelle la société avait longtemps ferraillé. « On a depuis prouvé que sans portabilité on pouvait se développer, expliquait en décembre dernier Patrick Moux. Changer les règles en cours de route ça n’est pas très fair-play ». Du côté des services du gouvernement, pourtant, le travail est bel et bien lancé. Des échanges auraient été organisés avec les autorités de Mayotte, qui ont mis en place une règlementation similaire. Lundi 15 avril, à la veille de l’audience sur les astreintes, le nouvel arrêté, complet et concret cette fois, est enfin publié.

11 à 20 millions d’astreinte, et encore quelques mois d’attente

Victoire, donc pour Viti, qui n’a pas de doute sur les raisons de ces longues tergiversations. « On sait bien pourquoi le Pays a trainé : parce que la portabilité ne fait pas le jeu de l’opérateur historique et public, explique Me Mourad Mikou, l’avocat de la société. Viti, en arrivant sur le marché de la téléphonie mobile, a énormément fait bouger le secteur. Et depuis 2020-2021, on ne cesse de demander au Pays de mettre en œuvre les dispositions règlementaires. L’arrêté publié le 15 avril est l’aboutissement de quatre années de bataille menées par Viti dans l’intérêt du consommateur ».

Malgré la publication de l’arrêté, l’audience du tribunal administratif a bien eu lieu, ce mardi 16 avril. Et le rapporteur public avait déjà écrit ses conclusions : constatant que le gouvernement n’avait pas rempli ses obligations depuis le 1er janvier, il demande la liquidation des astreintes jusqu’au 29 février, soit 11,8 millions de francs que le Pays devra verser à Viti. La société a contesté le calcul, indiquant qu’aucune modalité d’application concrète n’avait été publié jusqu’au 15 avril. Elle demande donc 20 millions de francs au titre de ces mêmes astreintes. Le tribunal administratif se prononcera le 30 avril, mais le combat, sauf retournement de situation d’ici septembre, est bel et bien gagné pour l’opérateur : les trois concurrents présents sur le marché ont quatre mois et demi pour appliquer la portabilité.

Transfert de numéro rapide et gratuit

Le système, tel que décrit dans l’arrêté du 15 avril est plutôt simple : les clients n’ont qu’à s’adresser à l’opérateur chez qui ils veulent migrer et c’est ce dernier qui mènera les démarches auprès du concurrent délaissé. Le texte prévoit que le transfert du numéro doit être effectif sous cinq jours, ou à une date postérieure si l’abonné décide de la fixer. Une option gratuite pour l’utilisateur, qui doit bien sûr veiller à respecter les engagements du forfait contracté avec l’opérateur précédent, et dont la ligne ne doit règlementairement pas être perturbée par l’opération. Derrière ce mécanisme, des adaptations techniques importantes sont à faire chez les trois opérateurs, d’où l’application au 1er septembre.

Pour Viti, la date sonnera comme celle d’une petite révolution sur le marché. Car beaucoup de clients étaient jusque là retenus chez leur opérateur par leur 87, 88 ou 89. « Ils se disent : le problème si je vais chez un autre, c’est que je vais perdre mon numéro historique sous lequel tout le monde me connait dans ma sphère personnelle et ma sphère professionnelle, et finalement, même si je dois payer plus cher chez mon opérateur actuel, je vais rester chez lui, reprend Mourad Mikou. Avec la portabilité, on va lever cette barrière : c’est le début de la vraie concurrence sur le marché ».

 

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