RAS LE BOL – José Socrates a été mis en examen mardi pour « fraude fiscale, blanchiment d’argent et corruption ». Le scandale de trop pour les Portugais, excédés par le comportement de leurs politiciens.
Séisme politique. Il y a quelque chose de pourri au « royaume » du Portugal. La maxime shakespearienne s’adapte à merveille au sentiment qui semble prédominer mardi dans le pays. Et pour cause, un scandale éclabousse depuis deux jours José Socrates, l’ancien Premier ministre socialiste du pays. Soupçonné de fraude fiscale, corruption et blanchiment d’argent, l’ex chef du gouvernement de 2005 à 2011 a été mis en examen par la justice portugaise. En cause, ses déclarations de revenus plutôt raisonnables, qui ne collent pas vraiment avec les achats princiers réalisés par ce politicien de 57 ans : un appartement de haut standing à Paris, une voiture de luxe.
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Mais plus que la personne de José Socrates, cette affaire symbolise les errements d’une classe politique portugaise fréquemment épinglée pour des conflits d’intérêts et autres abus de pouvoir. Libération rapporte sur son site le ras-le-bol de la population, en citant notamment le magazine portugais Expresso, qui n’hésite pas à parler « d’écœurement » des citoyens.
Un nouveau coup dur pour le Parti Socialiste. Le coup est particulièrement rude pour le Parti socialiste qui était parti en campagne pour reconquérir le pouvoir lors des élections législatives prévues en 2015, et laver ainsi l’honneur de José Socrates qui avait essuyé une cuisante défaite lors du dernier scrutin en 2011. Et l’affaire est hautement embarrassante pour le maire de Lisbonne Antonio Costa, fraîchement élu secrétaire général du Parti socialiste portugais.
« La corruption est un problème grave au Portugal où le pouvoir politique est particulièrement exposé, en raison de nombreuses situations de conflits d’intérêts », a commenté Joao Paulo Batalha, représentant au Portugal de l’ONG de la lutte anti-corruption Transparency International. Ce à quoi l’actuel Premier ministre Pedro Passos Coelho s’était empressé de répondre que « les hommes politiques ne sont pas tous pareils ». La presse portugaise ne s’est pas privée de rappeler que Pedro Passos Coelho s’était lui-même retrouvé sous le feu des critiques dans les années 90. Il était alors député et avait omis de déclarer une partie de ses revenus.
Et pour l’ensemble de la classe politique. Signe d’une tentative désespérée d’éteindre le feu de la défiance qui consume la société portugaise, la sortie du chef du gouvernement n’a pas calmé les esprits pour autant. Si le parti socialiste devrait être la première victime de ce nouveau scandale, le parti actuellement au pouvoir, le PSD, a récemment souffert d’une autre mauvaise publicité : dix jours plus tôt, le ministre de l’Intérieur Miguel Macedo avait été contraint à la démission après qu’une affaire de visas accordés généreusement à de riches étrangers a été révélée.
Autre scandale au souvenir encore vivace dans les mémoires portugaises, l’ancien patron de la banque Espirito Santo, effondrée depuis, Ricardo Salgado, a été arrêté pour blanchiment d’argent, puis remis en liberté pour 3 millions d’euros. La justice portugaise, critiquée pour sa lenteur et son inefficacité, a désormais l’occasion de prouver qu’elle a changé.