ACTUS LOCALESÉCONOMIESOCIALSOCIÉTÉ Pour le Cesec, le gouvernement confond vitesse et précipitation Caroline Perdrix 2023-11-06 06 Nov 2023 Caroline Perdrix Quatre projets d’avis étaient à l’ordre du jour de cette première séance du nouveau Cesec. Le premier sur la refonte du dispositif du médecin traitant, pour lequel le Pays demande un nouveau délai de deux ans, le second sur le conventionnement des professionnels de santé, le troisième sur les bornes de recharge des véhicules électriques, et le dernier sur le cannabis. Des textes soumis selon la procédure d’urgence, parfois après leur examen en commission à l’assemblée, et qui laissent les conseillers sur leur faim. Pour sa première séance plénière de travail, le Cesec a rendu ses avis sur 4 projets de texte transmis par le gouvernement. Non sans manifester son mécontentement sur la procédure d’urgence utilisée, qui oblige l’institution à rendre un avis sous 15 jours sans avoir le temps de mener toutes les consultations qu’elle souhaite. Assurance maladie : encore deux ans de délai pour le dispositif du médecin traitant Le premier texte soumis aux nouveaux conseillers propose de reporter de deux ans, soit au 1er janvier 2026, l’application du dispositif qui viendrait augmenter, de 30% actuellement à 50%, le reste à charge des assurés qui consultent des spécialistes sans être envoyés par leur médecin généraliste. Ce dispositif dit du « médecin traitant » et du « parcours de soins coordonnés » date d’avril 2018, et avait laissé trois ans à tous, professionnels de santé et patients, pour se mettre en conformité. Patrick Galenon, rapporteur du projet d’avis, pointe la phobie administrative des médecins. L’obstacle pourrait être surmonté par la mise en place d’une carte électronique d’assurance maladie, sur le modèle de la carte vitale. Selon lui, elle pourrait être prête dans six mois. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2023/11/CESEC-01-GALENON-CARTE-VITALE.wav C’est la deuxième fois que l’application de cette disposition est repoussée. L’ancien gouvernement, constatant ses difficultés de mise en œuvre à l’issue des trois ans, en avait retardé la mise à feu à décembre 2023. Mais ce délai n’a pas permis, dit le nouveau gouvernement, « de préparer la substitution de majoration par de nouvelles modalités plus ambitieuses ». Et tant pis si la CPS aurait ainsi trop payé 100 millions de Fcfp à des ressortissants qui n’ont pas pris la peine de déclarer un médecin traitant : on continue à creuser le trou. En effet, le Pays prévoit à présent de « remplacer ce mécanisme coercitif par un mécanisme incitatif (…) sous la forme éventuelle d’une minoration du ticket modérateur » pour les bons élèves. Reste qu’un report de deux ans, c’est beaucoup, et le Cesec « reste circonspect quant à une prorogation d’une telle durée » et à l’issue d’auditions où « beaucoup de questions de l’institution sont restées en suspens », recommande « d’organiser une mobilisation forte et rapide des ressources de manière convaincante », de façon à définir le nouveau dispositif avant décembre 2024, le voter avant juin 2025 et le mettre en œuvre en janvier 2026. Ce « oui, mais » a été adopté à l’unanimité des 38 conseillers présents. Réformer le conventionnement pour favoriser l’installation des jeunes Polynésiens Les 750 professionnels de santé conventionnés sont soumis à un processus annuel de renouvellement et renégociation des conventions, très chronophage. Le Pays propose de mettre en place un mécanisme d’adhésion tacite aux avenants. Mais le Cesec estime que le texte n’est qu’une rustine sur un système qui doit être réformé en profondeur. Le gel des conventionnements depuis 1999, notamment sur la zone urbaine de Tahiti, donne lieu à un système de rachat de clientèle qui fait obstacle à l’installation des jeunes Polynésiens, explique Maiana Bambridge. https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2023/11/CESEC-02-MAIANA-BAMBRIDGE-CONVENTIONS.wav Le Cesec appelle donc le Pays à réformer ce système en profondeur pour favoriser l’installation des jeunes diplômés, par exemple en « dégelant » les zones de Tahiti hors du grand Papeete, ainsi qu’à Moorea et aux iles Sous-le-Vent. Cet avis a été adopté à l’unanimité. Bornes de recharge des véhicules électriques : avis défavorable Autre texte de la matinée, le projet de loi sur le déploiement des infrastructures de recharge de véhicules électriques. Le texte renvoie aux arrpetés en conseil des ministres la définition de notions importantes sans lesquelles le Cesec ne peut réellement se prononcer – le seuil de puissance maximale, l’implantation géographique, les modalités de délivrance des autorisations et la tarification des services de recharge. Pour les conseillers, ni le nombre de véhicules ni les distances parcourues au regard de l’autonomie de ces véhicules ne justifient de multiplier les infrastructures de recharge. « Il conviendrait de favoriser l’installation de bornes individuelles, tant chez les particuliers que dans les entreprises ou les administrations, en faisant prévaloir le recours aux énergies renouvelables », et pour ce faire le Cesec recommande des incitations fiscales du Pays d’une part, et d’autre part un tarif réduit de l’électricité la nuit et les weekends. Selon les concessionnaires entendus par le Cesec, le Pays envisageait par ailleurs de mettre fin aux exonérations de TVA et de taxe de mise en circulation des véhicules hybrides et/ou électriques dès le 1er janvier 2024. Le Pays, lui, dit vouloir s’assurer que les exonérations sont bien répercutées sur le consommateur avant de décider Ces véhicules et leurs pièces détachées verraient alors leur coût augmenter de 30 à 40%, « un surcoût qui freinerait drastiquement, voire mettrait un terme à l’acquisition de ces véhicules, tout en mettant à mal les concessionnaires qui se sont inscrits dans ce modèle économique ». En conclusion, « compte tenu de la méconnaissance de l’évolution des usages dans les années à venir et de l’incertitude qui pèse sur le maintien des exonérations fiscales », le Cesec a émis un avis défavorable à ce texte par 34 voix et 4 abstentions. Cannabis : annuler sans remplacer Le Pays veut aussi abroger la loi du Pays du 5 janvier 2023 sur les substances vénéneuses, le texte qui entrouvrait la porte au cannabis thérapeutique en Polynésie – mais qui n’est toujours pas appliqué faute de délibérations et d’arrêtés. Là aussi, le gouvernement promet de faire mieux, car cette loi « ne répond pas à l’objectif d’évolution réglementaire décidé par le président de la Polynésie française », dit l’exposé des motifs. De là à dire que Moetai Brotherson prévoit de légaliser aussi le cannabis récréatif, il n’y a qu’un pas qua plusieurs membres du Cesec ont franchi. Un nouveau projet de texte serait en cours de rédaction et sera « dans le meilleur des cas » présenté avant la fin de l’année. Le Cesec, qui dans son ensemble se dit favorable au cannabis thérapeutique, estime qu’il aurait fallu présenter ce projet en même temps que la demande d’abrogation, et qu’en attendant il est inutile de créer un vide juridique. Le Cesec a profité de l’occasion pour recommander au Pays d’enfin créer une structure dédiée aux addictions, mais a rendu un avis unanimement défavorable à cette abrogation précipitée. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)