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Pour le Conseil d’État, Édouard Fritch peut rester au pouvoir jusqu’en 2028

Interrogés par la Première ministre, les juges parisiens ont estimé que le président du Pays et du Tapura pouvait briguer un troisième mandat en cas de victoire de son camp lors des prochaines territoriales. Le Conseil d’État assure que l’analyse du statut de la Polynésie et des travaux parlementaires qui l’ont précédé ne laisse « aucun doute » : d’après cet avis, qui n’est pas encore une décision formelle, Édouard Fritch pourrait rester, au total, 14 ans à la présidence s’il était réélu en 2023.

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C’était une question posée, à haute voix ou de façon plus feutrée, de tous les côtés de l’échiquier politique depuis de longs mois et qui a trouvée une réponse cette nuit à Paris. Édouard Fritch pourrait-il rester président du Pays en cas de victoire du Tapura aux prochaines territoriales ? Le problème pourrait paraitre simple : depuis 2011 et une réforme de la loi organique le statut de la Polynésie prévoit, en son article 74, que le chef du gouvernement ne peut effectuer que deux mandats consécutifs de cinq ans. Problème : le chef de file du Tapura terminera bien son deuxième mandat avec les territoriales de 2023, mais le premier n’avait pas duré toute la durée légale.

Fritch « peut légalement briguer un troisième mandat »

L’ancien dauphin de Gaston Flosse, l’avait en effet remplacé à la tête du Pays en septembre 2014, alors que le Vieux Lion était déclaré inéligible par la justice. Un peu plus d’un an s’était alors écoulé depuis les dernières territoriales. « Je n’ai pas fait deux mandats de cinq ans, j’ai fait un mandat de 4 ans et un autre de 5 ans », a ainsi rappelé Édouard Fritch lui même, à plusieurs reprises, ces derniers mois. Car le leader des rouge et blanc est très clair sur ses intentions : il mènera le Tapura pour la campagne déjà officieusement entamée, et ce sera à ses adversaires de contester son éventuelle élection s’ils le souhaitent. Ni le président du Pays, ni celui de l’assemblée, Gaston Tong Sang n’avait ainsi souhaité saisir le Conseil d’État d’une demande d’avis sur la question, comme ils en ont pourtant le privilège. Sauf que le gouvernement central peut aussi consulter lui-même la juridiction parisienne sur les questions de statut des collectivités. Chose qui a été faite le 7 septembre dernier par Matignon, comme l’avait annoncé le Haut-commissaire Éric Spitz à son arrivée au fenua. La réponse tant attendue est donc tombée cette nuit.

Et les juges ont voulu être clairs : les dispositions du statut impliquent « qu’une personne ayant exercé deux mandats successifs, dont l’un est inférieur à cinq années, peut légalement briguer un troisième mandat ». Pour arriver à cette conclusion, le Conseil d’État n’analyse pas seulement la lettre de la loi organique, mais aussi les débats parlementaires et juridiques qui ont précédé sa rédaction. Ainsi, lors de la préparation de la réforme de 2011, le législateur avait, un temps, imaginé limiter conjointement les mandats du président et du vice-président pour éviter des allers-retours entre ces deux postes. Impossible, avait alors estimé la même juridiction précisant que de telles limitations ne peuvent « se concevoir que dans le cas d’un mandat dont la durée, fixée à l’avance, n’est pas susceptible d’être interrompue par la mise en jeu de la responsabilité de son titulaire devant une assemblée ». Ce qui est le cas de celui du président de la Polynésie, devant Tarahoi. Les juges avaient alors averti : « Cette disposition ne pourrait qu’inciter à certaines manœuvres la détournant de l’objectif recherché et portant ainsi une atteinte excessive au droit de se porter candidat aux fonctions en cause ».

Quatorze ans plutôt que neuf

Un avis sur lequel s’étaient basés les parlementaires pour préciser, dans la rédaction actuelle du statut, que la limitation s’applique bien à deux mandants « de cinq ans », et pas de trois ou quatre. « L’examen des travaux parlementaires ne laisse aucun doute sur la portée de ces dispositions, si tant est qu’elles ne soient pas claires, insiste le Conseil d’État. Les rapporteurs de la loi organique, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale ont en effet l’un et l’autre déclaré qu’’il va de soi que les deux mandats successifs s’entendent comme deux mandats complets ». Des interrogations avaient bien été formulées, en commission, sur la pertinence d’une règle si rigide. Mais alors que la Polynésie était en pleine instabilité institutionnelle, il a été jugé que cet article 74 était suffisant pour empêcher un règne trop long. C’est bien sûr la première présidence du Pays de Gaston Flosse, entre 1991 et 2004, qui est alors dans les mémoire. Et pourtant en cas de réélection l’année prochaine, Édouard Fritch pourrait battre ce record de présidence ininterrompu : entre 2014 et 2028, c’est un peu moins de 14 ans que durerait alors son règne. Et pas question, a priori, de demander à Édouard Fritch, toujours en cas de réélection, de démissionner après un ans pour ne pas dépasser les dix ans de mandat. L’article 72 du même statut stipule que le président « reste en fonction jusqu’à l’expiration du mandat de l’assemblée qui l’a élu ».

Le Conseil d’État a donc tranché, même si il ne s’agit là que d’un avis, et que le conseil d’État lui-même n’est pas tenu de le respecter en cas de recours électoral formel après les prochaines territoriales, et, encore une fois, si le Tapura l’emporte et fait réélire Édouard Fritch. Les opposants du président sortant pourraient donc retourner devant les juges, avec toute fois peu de chance d’assister à un retournement.

L’avis du Conseil d’État : by CharlieRéné on Scribd

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